Auschwitz-Birkenau, Camps et prisons de Silésie

 

J. GREGOIRE, Auschwitz-Birkenau, Camps et prisons de Silésie, dans Bulletin trimestriel de la Fondation Auschwitz, n° 34, Bruxelles, octobre-décembre 1992, pp. 113-142

Travail de commande, cette étude retrace l'évolution d'une association d'anciens déportés des années 50 aux années 80. D'association d'anciens, elle se transforme en association de la mémoire. Très impliquée dans la vie politique, elle est le reflet des contradictions et des illusions politiques de son époque. Ce texte représente l’état de ma recherche au moment de la publication. Il est fort possible que l’évolution de l’historiographie en rende certaine partie obsolète.

Attention, le contenu de ces textes représente la situation au moment de la redaction.


Table des matières

 Chronologie de la vie de l'Amicale >>
 Bilan d'activité : reflet d'une orientation >>
   Les voyages organisés depuis 1954 >>
   Les voyages pèlerinages 1955-1975 >>
   Les voyages de jeunes et des enseignants (vers le «Témoin de remplacement»)[1] >>
   Bilans généraux des voyages >>
 Les activités commémoratives, sociales, politiques et culturelles (entre Auschwitz et Bruxelles) >>
   Les activités patriotiques >>
   Le site d'Auschwitz >>
   La salle belge du Musée d'Auschwitz >>
   Le Monument international >>
 Les changements dans la philosophie de l'association >>
   L'activité quantifiée >>
   Une association d' «anciens» >>
   Vers une association de la mémoire >>
 Les rapports entre Amicale et autres associations >>
   Les activités en liaison avec d'autres associations >>
   Les associations d'Auschwitz à l'étranger >>
   Les associations, issues des divers camps, situées en Belgique >>
   Le conflit, révélateur d'une identité >>
 Les appellations fluctuantes de l'Amicale, reflet d'un choix >>

 


1) Chronologie de la vie de l'Amicale

31/03/46  Première mention de l'Amicale des Ex Prisonniers Politique de Silésie à la «Maison flamande», Grand-place (Congrès)
19/04/47  Participation de Raymond Rivière (Président de l'Amicale à cette date) au procès Hoess[2]
10/05/56  démission pour raisons de santé de Jacques Goldstein    (trésorier de l'Amicale)
28/05/56  confirmation du statut d'association de fait» de l'Amicale
  24/08/56  participation individuelle de membres de l'Amicale au procès en réparation de l'IG-FARBEN (l'affaire continue en 1957-1958)
24/08/56  participation individuelle éventuelle de membres de l'Amicale au procès Clauberg (l'affaire continue en 1957)
1957-1967  participation de l'Amicale à l'érection du Monument International Auschwitz (l'Amicale est membre associé du Comité International)
1957-1967  dans le cadre de ce projet, organisation du concert D. OISTRAKH, publicité pour le concours d'architectes, demande de patronage
1957-1962  participation à l'élaboration de la Salle belge du Musée Auschwitz
31/05/57  participation de M. Altorfer au congrès du CIA (?)
11/06/57  participation de M. Altorfer à une conférence en collaboration avec la Ligue belge des Droits de l'Homme
14/10/57  assemblée générale devant régler les rapports entre l'Amicale et le CNPPA et sur l'unité des ex-prisonniers politiques
14/11/57  réception d'une délégation du CIA et de l'Amicale par Fernand Blum (Bourgmestre de Schaerbeek, député) en rapport avec la Salle belge
(?)/11/57  co-organisation d'une conférence d'Herman Langbein (CIA) sur les «problèmes intéressant les prisonniers politiques»
26/01/58  réunion annuelle de l'Amicale
22/05/58  participation de délégués de l'Amicale à la réunion du CIA à Amsterdam
23/05/58  réception et hébergement de certains délégués du CIA désirant visiter l'exposition universelle de 1958
10/06/58  participation de Régine Orfinger à titre individuel à l'un des conseils spécialisés du CIA
(?)/07/58  envoi de délégués à l'inauguration d'un mémorial aux victimes de Buchenwald
10/08/58  adhésion collective d'une dizaine de déportés de Charleroi
28/11/58  action sociale auprès du Ministère de la Santé Publique au nom d'un membre
07/01/59  assemblée générale de l'Amicale
01/02/59  gala cinématographique (Le Moulin de la Mort et la vraie fin de la guerre)
19/04/59  participation à la commémoration nationale du Fort de  Breendonk
Été 59  pèlerinage aux différents camps de Silésie
15/11/59  rencontre avec H. Langbein (Secrétaire général du CIA)
29/11/59    participation à la manifestation contre l'amnistie organisée par l'association des Mères et veuves de guerre
(?)/12/59  diffusion du livre Le Commandant d'Auschwitz vous parle
10/01/60  protestation au gouvernement contre des actes antisémites à l'encontre d'un membre de l'Amicale (graffiti)
18/01/60  adhésion au «Comité de la Flamme»
30/01/60  participation à une «cérémonie de réparation» devant les urnes du Fort de Breendonk pour protester contre des manifestations néonazies
05/02/60  assemblée générale de l'Amicale
03/06/60  rencontre avec des représentants du CIA
16/04/60  participation sans prise de parole à l'anniversaire du soulèvement du ghetto de Varsovie
avril 60  pèlerinage annuel
29/06/60  envoi de demandes de renseignements aux membres en vue de constituer un dossier «partie civile» dans le procès Krupp et Bischoff
23/10/60  participation de Régine Orfinger au nom de l'Amicale à une réunion du CIA à Strasbourg
02/11/60  appui  accordé à un membre auprès de la CNPPA
04/11/60  participation à l'action contre le déplacement d'un monument à la mémoire de huit habitants d'Arendonck pour installer une base militaire (organisation de l'union Nationale Belge)
05/01/61  démission de Régine Orfinger du CIA et de l'Amicale
19/01/61  publication à la demande du CIA, de la liste des cérémonies prévues pour l'anniversaire de la libération des camps
25/01/61  information aux membres sur la répartition des indemnités versées à la Belgique par l'Allemagne en faveur des victimes belges
08/02/61  dépôts de fleurs à la tombe du Soldat Inconnu à l'occasion de l'anniversaire de la libération des camps
05/04/61  aide matérielle et conseils à l'union des Fraternelles et Amicales des Camps pour l'organisation de son exposition à  Coventry
04/05/61  séances cinématographiques au profit des œuvres de l'Amicale (Un condamné à mort s'est échappé)
14/05/61  participation aux cérémonies du Fort de Breendonk
juillet 61    pèlerinage annuel à Gross-Rosen et Auschwitz
16/11/61  assemblée générale
25/11/61  action contre l'installation de base allemande en Belgique (poursuite jusqu'en 1962)
17/01/62  représentation théâtrale La résistible Ascension  d'Arturo Vi
07/02/62  demande de renseignements aux membres, sur un déporté disparu
10/02/62  contestation contre les affiches du MAC
29/03/62  réunion en vue d'établir une position «belge» face aux problèmes débattus à l'assemblée générale du CIA
04/04/62  adhésion au «Mouvement du 8 mai»
20/04/62  diffusion du livre de K. Smolen (directeur du Musée Auschwitz) Nous n'allons pas oublier
21/05/62  commande et vente de brochures Auschwitz 40-45 (publication du Musée) pour financer le monument
25/06/62  envoi à la presse d'une résolution à l'occasion de la Conférence Nationale sur le Désarmement et la Paix organisée par l'union belge   pour la Défense de la Paix (l'Amicale en est membre)
07/08/62  envoi de délégués observateurs à l'exposition de Coventry
22/12/62  concert de D. Oïstrakh au profit du monument (présence de la Reine Elizabeth)
16/03/63  rencontre avec les Pèlerins de la Paix
24/03/63  participation à une marche antiatomique
mars 63    participation à un colloque sur les problèmes  respiratoires des prisonniers
20/06/63  réunion du comité de l'Amicale
14/07/63  protestation à la presse contre une réunion d'anciens SS européens
01/10/63  demande de libération des «héros de la résistance et des nouveaux prisonniers politiques grecs»
02/10/63  participation au déjeuner de la Ligue Belge des Droits de l'Homme
(?) (63)    prise de parole de M. Altorfer à l'occasion de réunions en faveur de la Paix, poursuite du «mouvement du 8 mai», et participation à titre individuel, de membres de l'Amicale à une exposition sur le ghetto de Varsovie (Gare Centrale)
26/03/64  participation à l'inauguration du mémorial de la CNPPA
27/07/64  transport de l'exposition à la Salle Belge du Musée d'Auschwitz
19/03/65  demande de renseignements aux membres sur la mort d'un déporté en vue d'une rectification d'état civil
31/03/65  séance cinématographique à l'occasion du 20ème anniversaire de la libération d'Auschwitz (La Fin d'un monde)
12/04/65  inauguration de l'exposition de la Salle Belge du Musée d'Auschwitz
12/12/65  hommage aux prisonniers politiques disparus et à P. Tollenare au Centre Culturel d'Anderlecht
21/12/65  diffusion du Livre brun, sur les criminels nazis encore en activité en RFA
24/12/65  condoléances au palais à l'occasion de la mort de la Reine Elisabeth
17/01/66  renouvellement de l'adhésion au Comité de la Flamme
20/03/66  soutien au Fond Albert de Roy et à son concours de dissertation
27/03/66  organisation avec le MRAX d'une journée nationale contre le racisme
04/04/66  protestation officielle au Premier Ministre contre l'action des Volksunies Militanten et l'hommage au Docteur Borms
31/05/66   manifestation au Soldat Inconnu pour l'anniversaire de  l'USRA
08/06/66  transmission au Ministère de la Santé Publique d'une demande de renseignements sur le camp de Gross-Rosen venant d'une association polonaise de déportés
01/07/66  demande pour l'attribution du diplôme d'honneur de porte-drapeau à un membre
août 66  pèlerinage annuel
29/08/66  diffusion de l'album consacré au Musée d'Auschwitz (au  profit du monument)
19/09/66  participation de délégués et partage des bénéfices à  l'avant-première du Fascisme ordinaire
octobre 66  rupture avec l'Amicale de Breendonk
23/10/66  acceptation de participation à la cérémonie d'inauguration d'une plaque en l'honneur de Paul-Émile Janson (à Buchenwald) (report d'un an)
01/02/67  accompagnement privé du Ministre de la Défense Nationale lors de sa visite à Auschwitz
04/03/67  action contre la guerre à l'école primaire n° 12 d'Anderlecht
07/04/67  participation à une cérémonie religieuse à la mémoire des prisonniers politiques morts en captivité
16/04/67  inauguration du Monument International Auschwitz couplé au pèlerinage (+ appel à l'opinion du monde à l'occasion de l'inauguration)
30/04/67  envoi d'un télégramme de protestation au Roi Constantin de Grèce
13/05/67  réception en collaboration avec le Front de l'Indépendance de M. Maressiev (secrétaire général des anciens combattants soviétiques) (L'homme véritable)
15/05/67  participation privée de C. Duysbruck à la commission CNPPA-Education Nationale pour l'élaboration d'un programme  d'éducation civique à destination de l'enseignement primaire
26/05/67  participation à l'hommage aux agents de renseignements et d'action à la Colonne du Congrès
15/06/67  participation au Comité d'Initiative pour la Paix au Moyen-Orient - participation privée de certains membres à une manifestation de soutien à Israël
01/08/67  demande de confrontation de fichiers au Ministère de la Santé suite à la demande de renseignements envoyés par le Procureur Général de Berlin instruisant l’affaire du Reich Sicherheitshauptamt-Berlin en rapport avec la solution finale
06/09/67  participation au douzième pèlerinage à la Caserne  Dossin de Malines
13/03/68  protestation au Ministère de l'Intérieur contre une liste rexiste aux élections législatives  du 31/03/68
16/03/68  appel à témoins
06/04/68  demande de terre et de cendre de Gross-Rosen en vue d'un dépôt à Breendonk
06/04/68  publication d'une monographie sur le camp de Gross-Rosen par M. Altorfer
décembre 68  tension générale Amicale-CIA, au sein de l'Amicale
27/01/70  participation privée de membres de l'Amicale à un débat  télévisé sur Auschwitz où ils furent chahutés
1971-1973  protestation contre l'affaire des «Tombes juives du Tir National»
13/01/74  préparation de l'avant-première de la pièce Dreyfus  de Grunberg
05/04/75  manifestation commémorative au Tir National
20/04/75  réunion annuelle de l'Amicale
29/09/75  envoi d'une liste de déportés de Gross Strelitz encore en vie au Musée d'Auschwitz
07/10/75  réunion du Comité de l'Amicale constatant la nécessité d'une rénovation
25/11/75 - 27/01/76  réunions de rénovation
29/06/76 - 31/03/78    préparation du voyage des jeunes
05/02/76  projection de Jeux Interdits à l'occasion de l'anniversaire de la libération des camps
13/03/76  circulaire posant la question de la survie de l'Amicale
01/06/76  diffusion du livre Sursis pour l'orchestre
13/06/76  élection du nouveau comité
29/06/76  établissement de projets d'avenir
06/07/76  information aux membres à l'occasion de la liquidation du contentieux et des mesures prises en faveur des prisonniers politiques
12/09/76  participation houleuse au pèlerinage national de Breendonk
22/09/76  première réunion du Comité exécutif de crise et information aux membres sur l'introduction des demandes d'aggravation d'invalidité et majoration de la rente du combattant
01/10/76  assemblée générale
06/10/76  protestation contre les mises à pied professionnelles pour raisons politiques en RFA
06/10/76  changement de trésorier, C. Cougnet laisse la place à  R. Suffit
20/10/76  préparation à l'assemblée générale du CIA
27/10/76  décision de changement d'appellation de l'Amicale et mise en avant du site d'Auschwitz
11/11/76  participation à la cérémonie du 11 novembre au Soldat  Inconnu
16/11/76  préparation d'un nouveau drapeau et d'un nouveau papier à lettre
17/11/76  participation à titre privé de membres de l'Amicale à une conférence du professeur Rigoux (UCL) sur les interdictions professionnelles en RFA
18/12/76  participation à la manifestation contre les éditions Baucens
12/01/77  lettre de féliciation à Maurice Pioro et information aux membres sur la législation sur la pension anticipée
23/01/77  dîner dansant de l'Amicale
27/01/77  manifestation à Anderlecht
29/01/77  assemblée générale
23/02/77  protestation contre l'émission RTBF Les nouveaux rexistes parlant des éditions Baucens et demande de réalisation d'une émission sur les camps
24/02/77  protestation aux Bourgmestres des communes bruxelloises contre les inscriptions murales «Rex»
08/03/77  envoi de condoléances à l'Amicale hollandaise à l'occasion du décès de son président
13/03/77  protestation à la RTBF contre un reportage sur le  groupe rock Ubble-Bubble
22/03/77  dîner de certains membres avec Simon Wiesenthal (?)
22/03/77  représentation de l'Amicale à une cérémonie organisée par l'association Belgique - Hongrie (?)
23/03/77  première mention du projet de création d'une Fondation de recherche historique
27/03/77  thé dansant de l'Amicale
13/04/77  participation à l'assemblée générale de la Fraternelle des Amicales des camps
14/04/77  participation à la présentation à la presse du document Education Nationale - CNPPA Le Prix de notre liberté
26/04/77  demande de renseignements à l'ambassade de RFA sur les  pensions et rentes
24/04/77  proposition après la démission de G. Walraeve, de R. Van Hasselt, comme représentante de l'Amicale au sein de la  Fraternelle des Amicales des camps
25/04/77  diffusion du film L'Affiche rouge et discours de Paul Halter
05/05/77  interview de Maurice Goldstein à la BRT radio
08/05/77  participation à la fête du 8 mai au Soldat Inconnu
07/09/77  protestation contre la libération du criminel de guerre nazi Kappler
12/09/77   mention de la volonté de renouer avec le CIA
27/09/77  protestation contre la protection des criminels de guerre en Allemagne et protestation contre des inscriptions fascistes à Ixelles
10/10/77   Maurice Goldstein, président du CIA
novembre 77  envoi d'un représentant au procès d'un tortionnaire nazi à Francfort
11/10/77  discours d'inauguration de Maurice Goldstein à la présidence du CIA et visite du Roi à Auschwitz accompagné de  Paul Halter, Maurice Goldstein et H. Goldberg
16/11/77  conférence d'Henri Guillemin, Le fascisme en France en 1934 (récolte de fonds pour le voyage des jeunes)
18/11/77  communiqué de presse en faveur de la sensibilisation du public et des jeunes contre le fascisme renaissant
30/11/77  création d'un bulletin d'informations joint au bulletin  du CIA de nouveau distribué
12/12/77  prise de contact avec LYDA Film pour organiser l'avant-première d'Au Nom du Führer (voir 20/01/79)
18/12/77  lettre aux partis politiques contre l'amnistie
15/01/78  protestation contre la profanation de tombes
15/01/78  protestation au Ministère de l'Education Nationale contre des étudiants ayant singé la tenue de déportés lors d'un carnaval
31/03/78-05/04/78  voyage des jeunes à Auschwitz
03/04/78  information aux membres sur la loi Somers (séquelles de guerre)
12/04/78  projet pour transformer l'Amicale en ASBL
19/04/78  participation à la Commémoration du 35ème anniversaire du soulèvement du ghetto de Varsovie
22/04/78  protestation à RTL au sujet de l'interview de J. De Launoy (La Belgique à l'heure allemande) par J. Navadic et contact en vue d'une émission sur l'amnistie
22/04/78  participation à la manifestation de Cologne contre la résurgence du fascisme
26/04/78  constitution d'un «vivier» de conférenciers destinés aux écoles et à la jeunesse
26/04/78  envoi du drapeau de l'Amicale aux activités de l'association Belgique-URSS
02/05/78  soutien au CNPPA dans sa lutte contre l'amnistie
03/06/78  réception par l'Amicale de membres du Comité Directeur du CIA présents à Bruxelles
03/06/78  question de l'élargissement de l'Amicale à des «membres sympathisants»
03/06/78  demande à l'Ambassade du Brésil de l'extradition d'un SS sur les lieux de ses crimes
06/06/78  contact avec LYDA Films pour la réalisation d'un film sur le voyage des jeunes à Auschwitz
14/07/78  participation à la pétition contre l'octroi d'une indemnité pension aux collaborateurs (organisation de la Fraternelle des Amicales des camps)
03/08/78  protestation à la Ville de Bruxelles contre la vente d'objets nazis sur le Vieux marché
27/09/78  participation de M. Altorfer à une conférence sur le nazisme au Lycée de Dochsbeek
27/09/78  conférence  d'un membre à l'Athénée de Woluwe-Saint- Lambert
04/10/78  appel contre la prescription des crimes nazis en RFA
17/10/78  déblocage des crédits pour la rénovation de la Salle Belge du Musée d'Auschwitz (suite en 1979-1981)
02/11/78  protestation contre les déclarations de Darquier de Pellepoix
04/11/78  participation à l'appel contre la résurgence et l'amnistie des nazis en Europe lancé par l'«initiative belge d'une Europe sans nazisme»
06/12/78  conférence de M. ALtorfer sur le fascisme dans une  école d'Etterbeek
08/01/79  participation d'un délégué de l'Amicale à une conférence de presse internationale organisée à Bonn par le CIA contre la prescription des crimes de guerre en RFA
10/01/79  participation de H. Goldberg à un débat suivant la projection du film Au Nom du Führer à Welkenraedt
25/01/79  projection-débat Au Nom du Führer (organisation commune Amicale-Cercle du libre examen de l'ULB)
01/02/79  protestation contre la prescription des crimes nazis en Allemagne
09/02/79  conférence H. Goldberg à Ganshoren
05/02/79  poursuite mise à jour des fichiers
06/02/79 - 25/02/79  exposition de photos de jeunes ayant participés au voyage de 1978 (Centre culturel J. Franck)
09/02/79  projection du film Punishment park et conférence sur le fascisme passé et présent
05/03/79  lancement du projet de film Un Jour les témoins disparaîtront
18/03/79  assemblée générale de l'Amicale et protestation contre les interdictions professionnelles en RFA
31/03/79  manifestation à Bonn contre les interdictions professionnelles en RFA (en association avec la Ligue des Droits de l'Homme)
05/04/79  diffusion du reportage RTBF sur le pèlerinage de jeunes de 1978
17/04/79  diffusion d'un document (20 minutes) sur le voyage de 78 par la BRT (F. Buyens)
21/04/79  participation à une manifestation internationale pour l'imprescriptibilité des crimes de guerre nazis et la dissolution des associations SS (Strasbourg)
23/05/79  protestation et communiqué de presse contre le meeting Eurodroite au Passage 44 (juin 1979)
09/06/79  campagne de récolte de signatures contre la prescription des crimes nazis en Allemagne et lettres aux candidats au Parlement européen
04/07/79  télégramme aux Chefs des Partis politiques allemands contre la prescriptibilité des crimes nazis
09/07/79  première vision du film Un Jour les témoins disparaîtront (voyage de 1978) par le Comité élargi de l'Amicale
27/11/79  premier projet de bibliothèque et première mention de la création d'une ASBL, fondation d'étude sur Auschwitz avec convocation pour le 10 décembre d'un comité élargi  d'entérinement
janvier 80  communiqué de presse de protestation à l'occasion de l'attentat d'Anvers
05/02/80  première réunion du groupe de travail sur le contenu historique de la Salle Belge d'Auschwitz
27/01/80  assemblée générale de l'Amicale entérine la création de la Fondation Auschwitz


2) Bilan d'activité : le reflet d'une orientation 

Comme nous l'avons vu par la chronologie dans le chapitre précédent, la vie de l'Amicale fut très intense, surtout dans les années 60 et à partir de 1976[3].  Mais à cette vision linéaire, il faut ajouter une vision thématique par laquelle nous dresserons le portrait d'une association aux préoccupations récurrentes nombreuses.

En schématisant, on peut discerner quatre subdivisions thématiques dans les activités de l'Amicale.

- les voyages organisés (d'après les documents depuis 1955)
- les relations plus ou moins amicales avec d'autres associations, pas nécessairement de déportés, ni - même d'Anciens de la deuxième guerre
- les nombreuses activités commémoratives ou patriotiques auxquelles participe l'Amicale
- les actions sociales, politiques et culturelles (avec quelques actions historiques ou se préoccupant  de la sauvegarde des témoignages)

Nous allons tenter de les analyser dans la suite de ce chapitre.

2.1)  Les voyages organisés depuis 1954[4]

On regroupe sous ce titre tous les voyages organisés par l'Amicale/Fondation Auschwitz de 1955 à 1984 : pèlerinages purement commémoratifs, pèlerinages souvenir, pèlerinages «amicaux» ou voyages d'étude, de réflexion ou d'information (à partir de 1978). Ces chapitres couvrent un éventail complet des types de documents : lettres, circulaires, brouillons, pièces comptables, listes biographiques, documents administratifs, ... Les documents fragmentaires dont nous disposons nous permettent de reconstituer les voyages que l'on peut classer en deux catégories selon leur objet : les voyages pèlerinages et les voyages étude/témoins de remplacement.

2.1.1) Les voyages pèlerinages (1955-1975)[5]

Pendant cette période les voyages organisés par l'Amicale ont directement et seulement pour but de retourner en «pèlerinage» sur les lieux de la déportation.  C'est d'ailleurs explicitement défini : «Pèlerinage aux différents camps de Silésie»[6] ou encore «Notre groupe de pèlerins sera à Wroclaw»[7].  Une cérémonie de remise de fleurs accompagnée du drapeau de l'Amicale conclu toujours la visite d’un site[8]

- voyage de 1955 : peu de documents nous renseignent sur ce voyage, mais nous savons seulement qu'«il y eu peu de participants belges» et que la destination fut Gross-Rosen[9].
- voyage de 1959 : il semble qu'il fut organisé après quatre ans d'interruption.  En effet «
ne pouvant tenter d'organiser un tel pèlerinage que si un certain nombre de membres désirent y participer» l'Amicale a certainement été échaudée par le semi échec de 1955.
- voyage de 1961[10] : propose une démarche originale à ses participants, le choix de l'itinéraire.  Un itinéraire de base comportant évidemment la visite des camps de Gross-Rosen, Gross-Strehlitz et Auschwitz plus une courte visite de Wroclaw et Cracovie, auxquels s'ajoute un itinéraire très touristique (Zakopane et Varsovie)[11]. Cette distinction est intéressante car elle est l'indice d'un premier choix de l'Amicale à ce moment : si le voyage est commémoratif, ses participants ne dédaignent pas le tourisme.  Il n'est ici nullement question d'un quelconque travail éducatif.
- voyage de 1965[12] : si les quelques documents ne nous renseignement pas sur l'itinéraire du voyage, ils nous permettent d'analyser l'organisation pratique d'un voyage et de cerner le participant type. Bien obligée, l'Amicale se décharge pour l'organisation sur l'«Office Polonais du Tourisme à Bruxelles» (Orbis) qui en plus de la détermination de l'itinéraire et de l'horaire donne toutes les instructions administratives pour un voyage dans un pays de l'Est : passeports, formulaires de visas, photos, invitations et garanties.  La nouveauté réelle du voyage est certainement l'usage de la compagnie aérienne polonaise LOT et l'abandon des transports ferroviaires et routiers[13]. Par rapport aux voyages postérieurs à 1980 (et même à 1978 qui est très particulier), le nombre de participants est extrêmement faible (8 personnes), à tel point que cette années, l'agence doit intégrer le groupe belge au groupe néerlandais. Cette situation est révélatrice d'une constante dans la vie de l'Amicale, comme nous le verrons le nombre d'inscrits est par nature très faible (peu de survivants à la déportation) et on peut compter à peine une quinzaine d'actifs (participant à peu près à toutes les cérémonies, réunions d'action, ...).  Ce qui, toutes proportions gardées est assez semblable à la participation moyenne dans les activités d'une associations quelle qu'elle soit. Mais ici, particularité très courante pour une association d'anciens issus de la Seconde guerre, le recrutement est très particulier par rapport à tout autre type d'associations.  Par nature, il est très rapidement arrivé à saturation d'adhérents (plus ou moins nombreux selon son objet), et ne peut compter sur une croissance ou sur un potentiel renouvelable.  Si le type d'Association ne s'ouvre pas intégralement aux conjoints ou aux descendants [tel que le fera la FNAPG] ou aux sympathisants, elle est condamnée à disparaître. Notons néanmoins que cette carence d'inscription avait déjà été regrettée en 1959 par M. Altorfer et a peut être été à l'origine de la suppression temporaire de pèlerinages.  Les voyages contemporains (depuis 1978-1980) semblent avoir gommé cette restriction. Derrière ces constatations évidentes apparaît encore le thème récurant et central de ce travail : comment une association d'anciens peut-elle intéresser les générations suivantes à ses problèmes, comment peut-elle trouver des relais temporels à ses expériences et aspirations, bref, comment est-on passé d'une association d'anciens à une association préoccupée par la recherche et la mémoire.  Cette question est pertinente car si on arrêtait l'étude de l'Amicale au voyage de 1965, on devrait conclure à la disparition de l'entité «Amicale de Silésie» sans aucune « filiature » relais, comme ont évolué beaucoup d'associations ne représentant en fait que  quelques personnes[14]. L'avenir va nous montrer pourquoi il n'en est rien.
- voyage de 1966[15] : Il semble ici que plus de membres de l'Amicale aient participé au voyage qui fut organisé en association avec la Confédération nationale des prisonniers politiques et ayants droits de Belgique[16] (+ ou - 40 personnes sans pouvoir distinguer qui part et à quel titre).  De plus, les documents nous permettent de suivre l'itinéraire emprunté par les pèlerins en août 1966 : deux itinéraires comme en 1961 (5 et 15 jours) dont le noyau est les traditionnels pèlerinages à Gross-Rosen, Gross-Strehlitz, Jauer et Auschwitz Birkenau.  Les autres jours sont consacrés, pour les participants à la «version longue» à la visite de sites touristiques polonais (Varsovie, Zakopane) ou tchèques. En novembre 1966, les participants au voyage d'août sont invités à une rencontre repos leur permettant d'«
échanger souvenir, anecdotes et photos dans une atmosphère cordiale et de bonne humeur» et surtout prévoyant la projection d'un film et de diapositives sur l'«expédition»[17]. Cette tradition sera reprise après 1978, même quand il s'agira de voyage axé sur la mémoire.
- voyage de 1975 très peu de documents sont disponibles, mais la question primordiale est «
faut-il participer aux festivités officielles de célébration du trentième anniversaire de la libération [des camps]» et pour cela déplacer d'août à mai le voyage en Pologne[18].  Ce qui fut fait.

2.1.2)  Les voyages des jeunes et des enseignants de 1978 (vers le «témoin de remplacement »)

Si l'érection, la récolte de fond et l'inauguration du monument Auschwitz (1957-1967) fut la «grande affaire» de l'Amicale sous la présidence de M. Altorfer, les voyages de jeunes d'abord, d'enseignants ensuite, furent l'une des principales activités de la présidence de P. Halter et restent l'un des piliers de la politique de diffusion de la Fondation Auschwitz.  Plus qu'un détail, c'est une philosophie particulière qui est en train de naître.

Pour cerner la véritable révolution qu'apporte ce voyage dans l'orientation philosophique de l'Amicale, il ne faut jamais oublier, avant même d'envisager la genèse de l'expérience qu'il se situe dans le prolongement direct du changement à la tête de l'organisation.

Le nouveau comité[19] va avoir à coeur de lancer des opérations nouvelles et spectaculaires très axées sur la sauvegarde de la mémoire.  On n'est pas encore à la création d'une fondation de recherche, d'une bibliothèque voire de colloques, mais on tente de trouver des témoins de remplacement ou tout au moins des relais permettant de régénérer l'Amicale[20].

Dès le 29 juin 1976, soit deux semaines après l'assemblée générale rénovatrice et à la première réunion de travail du nouveau comité, le Compte rendu, dans son programme d'action «évoque [pour la toute première fois] un voyage d'étudiants en Silésie» et surtout envisage l' «organisation d'activités dont les bénéfices seront destinés à rendre le prix du pèlerinage abordable (concert avec artistes polonais, remonter la pièce d'Arthur Vi)»[21].  Si l'on parle toujours avec un certain archaïsme de pèlerinage, le comité révolutionne la conception des activités ponctuelles : elles n'ont plus valeur symbolique par elles-mêmes (comme les séances de cinéma des années 60) mais sont des moyens d'arriver à l'aboutissement d'un travail plus ambitieux.  De plus, ces activités, dont l'intérêt «commercial» est évident et revendiqué, seront parfois utilisées comme un «apéritif»  ouvrant le « voyage plat de résistance ».

L'impression de continuité que l'on peut ressentir en lisant la simple liste des activités de l'Amicale avant et après 1976 est à la lumière de cet élément, certainement plus erroné.  Bien sûr, le nombre d'activités hétéroclites est toujours important mais elles n'ont pas la même signification, elles répondent à un but précis, déterminé et important; totalement opposé à l'impression décourageante qui avait lancé le mouvement de rénovation de 1976[22].

A partir du 29 juin, on peut donc suivre l'évolution jour après jour du projet qui sera remarquablement organisé[23] : réunion particulière, répartition précise des tâches, (très) important mailing, usage systématique des amis et influence (surtout pour la collecte de fonds), mise à contribution de tous les membres de l'Amicale, volonté systématique  de donner le plus de publicité à l'activité, et pas seulement dans les milieux d'«Anciens» (avec une certains propension à l'usage des moyens audiovisuels)[24].

De juin 1976 à décembre 1977, tous les procès-verbaux comportent au moins un chapitre qui prépare le voyage des jeunes sans en faire un objet de préoccupation sérié[25], mais à partir du 14 février 1977 apparaîtra systématiquement un titre «Pèlerinage témoin à Auschwitz» ou simplement «Pèlerinage témoins» car l'importance qu'il prend nécessite une étude particulière par le Comité.

Mais avant de voir les moyens de financement, la sélection et les motivations des jeunes invités, la couverture médiatique et l'exploitation - synthèse du voyage il faut étudier les desseins poursuivis par l’Amicale. Les PV des réunions du comité de l'Amicale sont peu explicite au sujet des motivations qui poussent à cette organisation. Il faudrait même attendre avril 1977 dans une lettre aux membres de l'Amicale pour qu'une ébauche d'explication soit donnée : «[Nous] rappelons que nous organisons cette année une ou deux représentations cinématographiques et une conférence [...].  Le profit de ces manifestations est destiné à envoyer des jeunes accompagnés d'anciens visiter Auschwitz afin qu'il témoignent de ce qu'ils ont vu»[26].  Donc, entre membres du comité, un seul objectif est capital : envoyer des jeunes pour qu'ils TEMOIGNENT.

Par contre, dans les contacts avec presse, bailleurs de fond, personnel politique ou candidats aux voyages, cet objectif est circonstancié : Le 8 mars 1977, la première campagne de recherche de  fond oriente vers les ministères justifie d'entrée l'action : «Dans le cadre de la renaissance du fascisme, l'Amicale des ex Prisonniers politiques de Silésie organise un pèlerinage des jeunes à Auschwitz afin qu'ils voient à quoi le fascisme peut mener et qu'ils en témoignent auprès des jeunes et leur entourage»[27]. Dès janvier 1977, H. Goldberg qui avait dans un courrier   administratif repris cette idée, donnait une explication de cette résurgence tout en reprenant à son compte la grande peur traditionnelle des «jeunes cibles des néofascistes» : «La crise de civilisation que nous connaissons actuellement favorise la renaissance de mouvements néofascistes dont la propagande est essentiellement orientée vers les jeunes»[28].  Paul Halter, très lyrique, signe un texte semblable dans le programme vendu pendant la diffusion du film «L'Affiche rouge» où il exprime cette crainte en tentant de la justifier : «Nous estimons que la recherche de la vérité historique passe avant toute chose. Car les jeunes regardent avec une indifférence incrédule les films, livres, documents ou témoignages qui leur sont présentés.  Et comment leur reprocher de ne pas croire l'incroyable ?  Pourquoi leur demander d'accorder plus de crédit à nous qu'aux autres ?  Pour les aider dans la recherche de la vérité dans le respect de leur libre arbitre, nous ne leur demandons pas de nous croire : nous les convions à venir voir [et] simplement regarder»[29].  Cette démarche est plus simple que celles que nous allons étudier dans la suite et ne donne qu'un sens très incomplet à l'initiative. Si le témoignage est toujours capital, on détermine le public cible de celui-ci : les autres jeunes.  La notion de RELAIS est en train de naître et prendra encore plus d'importance pour le voyage des professeurs de 1980.

Autre angoisse  de l'Amicale est ce qu'elle n'appelle pas encore le négationnisme ou le révisionnisme mais qu'elle perçoit et définit : «Devant la renaissance du fascisme qui va presque à nier l'existence des camps d'extermination et à prétendre que le chiffre des morts a été manipulé, l'Amicale des ex prisonniers politiques de Silésie [...] a décidé d'organiser un pèlerinage témoin de jeunes [qui] pourront témoigner de ce qu'ils ont vu»[30] au même moment P. HALTER exprime la même idée : «Lors de notre dernière assemblée générale, vous avez approuvé à l'unanimité le projet d'envoyer des jeunes effectuer un pèlerinage témoin à Auschwitz afin qu'ils puissent témoigner que contrairement à ce qu'osent prétendre certains, les camps d'extermination ont réellement existés»[31].

Enfin, lors du tirage au sort des participants au voyage[32], Paul Halter va dans son court discours introductif résumer toutes les motivations de l'Amicale «nouvelle formule» : rejet de la notion d'anciens combattants et lutte contre les camps de concentrations («Nous ne voulons pas agir en anciens combattants, mais en hommes et femmes qui avons, après avoir atteint le fond du désespoir et de l'horreur, le seul désir de ne plus voir se reproduire ce que nous avons vécu»), lutte contre la renaissance du fascisme et le révisionnisme («durant 33 années, nous nous sommes tus, essayant en vain de chasser de notre mémoire tout ce qui aurait pu entretenir la haine entre les êtres humaines.  La renaissance du fascisme, leur falsification et l'histoire qui veut nier jusqu'à l'existence des camps d'extermination)» et enfin volonté de former des témoins de remplacement prenant le relais de leur action (« [...] nous obligent à faire appel à vos jeunes forces, pour qu'à notre vigilance succède la vôtre»)[33]. C'est vraiment le texte essentiel qui peut s'assimiler à une charte de fondation et qui justifie à la fois la survie de l'Amicale et la création de la Fondation Auschwitz.  C'est dire en texte-militant ce que l'«Objet» exprime en propos plus administratifs et mesurés, dans les Statuts de la Fondation Auschwitz publiés au Moniteur.

Pratiquement, depuis juin 1976, le comité va lancer différentes actions ayant pour but la récolte d'argent car le projet voulait offrir le voyage aux jeunes sans qu'ils n'aient rien à débourser : projection du film «L'Affiche rouge», soirée /conférence d'H. Guillemin, recherche institutionnelle de subsides, recherche individuelle de subsides (souscription)

Dès le 6 octobre 1976, deux projets de «soirée culturelle» vont voir le jour.  Le but est d'engranger une somme de plus ou moins 200.000 francs.  Après divers tâtonnements, deux projets arrivent à maturité : la projection du film, l'Affiche rouge[34] et une soirée conférence d'Henri Guillemin[35].

Le premier sera diffusé le 11 mai 1977 au cinéma Twins, Passage 44 à Bruxelles. Il sera présenté par Paul Damblon qui dirigera le débat suivant la projection. Le programme, conçu par Roger Somville prévoyait même les enchères d'une oeuvre de l'artiste[36].

Apres bien des tractations, Henri Guillemin accepte de donner une conférence en coproduction avec le cercle du libre examen de l'ULB, sur Le fascisme français depuis 1934 le 14 novembre 1977 à l'Auditoire P.E. JANSON[37].  Outre les classiques négociations (horaire, date, émoluments du conférencier), le courrier échangé entre l'Amicale et le Secrétariat d'Henri Guillemin pour la Belgique est révélateur des intentions de l'un et de l'autre.  L'Amicale a eu le choix dans une liste de 30 conférences proposées et choisira la seule correspondant directement à ses préoccupations «L'aube du fascisme en France, 6/2/34» mais tentera d'en optimiser l'orientation «Pouvez-vous lui proposer comme thème de la conférence : «Le mécanisme du fascisme et sa renaissance actuelle. Ce thème rencontre nos préoccupations, est très proche des conférences de M. Guillemin et a semblé beaucoup l'intéresser lorsque nous l'aurons rencontré »[38].  A partir de ce moment, les deux parties, tout en gardant des contacts courtois, tentent de faire triompher leur position.  H. Guillemin refusait à la fois d'actualiser sa conférence et d'accorder une interview, caution que recherche absolument l'Amicale[39] : «Peut-être avez-vous été à la conférence ce soir et peut-être avez-vous pu contacter Monsieur Guillemin ? Si oui, vous connaissez sa réponse à votre demande d'interview; si non, je regrette de ne pouvoir vous faire plaisir, mais je me dois de vous dire que Monsieur Guillemin refuse catégoriquement cette interview.  Il ne veut pas s'occuper de l'actualité, voulant toujours prendre du recul. Dans la conférence du 14 novembre, s'il approche de l'actualité, ce ne sera que pour dire ce dont toute la presse a parlé ces jours-ci. Ceci dit, comme son projet ne rentre pas exactement dans ce que vous souhaitez, vous pouvez encore renoncer à la conférence ou changer de sujet.»[40]. L'Amicale devant s'incliner, mais tentant néanmoins dans les invitations et par la présentations de la conférence de là fléchir en son sens.  D'abord, elle reprend les arguments classiques utilisés pour justifier son action «Consciente du danger que représente la recrudescence du fascisme partout dans le monde, l'Amicale des Ex Prisonniers Politiques d'Auschwitz et de Silésie a décidé de sensibiliser le public en mettant sur pied différentes actions [...]», précise pour quel projet particulier : «un pèlerinage des jeunes à Auschwitz à Pâques 1978»[41]. Et de nouveau après les renseignements pratiques, elle renouvelle la profession de foi qui a prévalu à sa rénovation quelques mois plus tôt et qui justifie le voyage «Devons-nous aujourd'hui rappeler que la crise de civilisation qui nous secoue, débouche sur une renaissance du fascisme partout dans le monde.  A tel point que certains n'hésitent pas à mener des campagnes visant à faire croire que les camps d'extermination n'ont jamais existé et sont pure invention, que les chiffres des morts ont été manipulés !!!. Dès lors, les mots sont trop faibles pour insister sur l'indispensable prise de conscience de tout homme probe et libre et qui entend le rester, qui doit se faire sans tarder. La conférence d'Henri Guillemin vous y aidera»[42].  Le résultat semble atteint, puisque la presse dans son court compte-rendu reprend intégralement l'introduction tout en précisant «Dans ce cadre, le célèbre conférencier Henri Guillemin a donné une conférence [...]»[43]. De plus, le but de cette action et de l'Amicale est de nouveau affirmé dans le communiqué de presse : «Devant la résurgence du fascisme et du racisme, devant les monstrueux mensonges diffusés sur le génocide nazi, notre Amicale a décidé d'organiser à Pâques 1978 un pèlerinage témoin de jeunes étudiants à l'ancien camp d'Auschwitz afin qu'ils puissent constater sur place ce que le fascisme peut engendrer et qu'ils en témoignent dans leur entourage à leur retour.»

Le bilan des deux activités est positif, en plus de faire connaître le projet, elles ont rapporté 156.000 francs à l'Amicale, soit de quoi envoyer 15 jeunes en Pologne. Mais, cette somme n'est pas suffisante, l'Amicale va lancer une grande campagne de recherche de subventions institutionnelles.  Soit en demandant directement des subsides aux communes, ministères, provinces, parastataux ou institutions de tutelles, soit en demandant de profiter d'aides non pécuniaires : exemption de droit fiscaux, demande de parrainage ou de patronage (dont le plus prestigieux sera celui du Roi), prêt de matériel (dont un avion par le Ministère de la Défense). Le complément sera trouvé par le lancement d'une souscription chez les membres de l'Amicale et par la sollicitation de firmes privées[44].

Les jeunes candidats au voyage[45] seront recrutés par «voie de presse»[46] qui publiera le communiqué de l'Amicale : «Sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi, en collaboration avec le Ministère de la Culture française et le Conseil de la Jeunesse d'expression française, l'Amicale Belge des Ex Prisonniers Politiques Auschwitz Birkenau organise un pèlerinage témoin à Auschwitz (Pologne) du 31 mars au 5 avril 1978 pour 80 jeunes, âgés entre 16 et 25 ans. Outre la visite du camp d'extermination, l'Amicale a prévu l'organisation d'un périple touristique et culturel. Les frais de voyage et de séjour sont entièrement à charge de l'Amicale. [...] Les demandes écrites doivent mentionner les nom, prénom, adresse et date de naissance du ou de la candidate. Un tirage au sort public, destiné à désigner les participants retenus, sera organisé à Bruxelles le 4 mars 1978»[47].

Peu après, et d'après l'Amicale[48] , 400 candidatures vont parvenir à l'organisation qui devra prévoir un tirage au sort pour sélectionner 80 partants.  Il est intéressant d'analyser les motivations des candidats dont nous avons conservé les lettres. Si l'on exclut les lettres d'anciens prisonniers politiques ou d'adultes voulant se joindre au voyage (3), les lettres restantes peuvent être divisées en sept autres  catégories :

Th.

Motivations

Nbre

1

lettres sans motivation particulière

7

2

lettres dont les auteurs sont «sensibles aux problèmes de la souffrance dans les camps d'extermination»[49] ou qui veulent se rendre compte des atrocités commises durant la guerre et en particulier dans les camps de concentration[50]

3

3

lettres de jeunes «intéressés par la seconde guerre mondiale»[51] ou voulant «mieux connaître ce qui s'est passé au cours de la dernière guerre»[52]

7

4

lettres de jeunes s'inquiétant de l'«oubli à l'égard des crimes du passé» voulant se «souvenir» ou effrayés par les jeunes déclarant «Hitler, connais pas»[53]

3

5

lettres de jeunes dont les grands-parents ont été touchés d'une manière ou d'une autre par la seconde guerre[54]

10

6

lettres de jeunes voulant simplement faire un voyage à l'étranger[55]

15

7

lettres exprimant un voeux plus élaboré

4

 
Avant d'analyser un peu plus loin ces chiffres, il faut se pencher plus particulièrement sur la dernière catégorie.  Seules ces quatre lettre vont pousser la réflexion un peu plus loin que la simple candidature.  Deux d'entre eux se posent déjà comme relais des déportés rejoignant sans le savoir la volonté de l'Amicale[56] : «
Etant étudiant, je pourrai à mon tour faire connaître un peu plus ce qui s'est passé là-bas»[57] ou moins flagorneur et plus structuré «une visite dans un endroit où la violence humaine n'a pas de limite me permettrait ainsi qu'à tous mes condisciples à qui je porterais témoignage par après de comprendre que l'homme est capable d'atrocités et ainsi essayer d'empêcher que l'on recommence dans un avenir proche ou lointain »[58].  Cette notion de récurrence possible du phénomène concentrationnaire semble aussi préoccuper une future étudiante en journalisme : «Tous les problèmes éthiques me touchent» et elle précise «les événements de la dernière guerre éveillent ma curiosité car trop peu souvent nous parle-t-on des faits atroces qui s'y sont déroulés et que nous jeunes devrions connaître, ne fut-ce que pour éviter que de tels actes puissent encore se commettre à l'avenir»[59].  Une autre préoccupation d'un jeune candidat rejoint celles de l'Amicale : la peur de la résurgence du fascisme et d'un certain révisionnisme que l'on ne note pas explicitement : «Je suis très intéressé par cette action et la réponse qu'elle entend donner à la campagne récente de revalorisation de l'idéologie fasciste et aux tentatives de dissimulation ou de justification de ses effets passés»[60].

Mais ne nous leurrons pas, ces idées très généreuses ne sont exprimées que par quatre candidats sur 49 identifiés, soit moins d'un dixième. Voyons de plus près les catégories de candidatures. Un tiers des candidats ne veulent faire qu'un simple voyage, rendu plus appétissant par sa destination peu visitée et si on y ajoute les lettres de jeunes sans motivation particulière (14 %), on obtient un total de près de 50 % de candidats à priori peu motivés.  Sur les 50 % restants, 20 % sont intéressés à la visite par l'intermédiaire de leurs ascendants qui parfois même les inscrivent un peu pour «donner une bonne leçon» : «Il pourra se rendre compte de la réalité qui pour lui paraît inimaginable.  Ce voyage est d'une importance capitale pour une certaine catégorie de jeunes»[61]. Tout en étant conscient de la faible représentativité des documents retrouvés, on peut estimer que 30 % des candidats ont une motivation suffisante pour tirer des enseignements du voyage, ce qui est d'un rapport insuffisant en regard des sommes mobilisées. Et l'Amicale en sera consciente.  Au-delà de l'exploitation postérieure fructueuse du voyage (films, conférence, ...) et de la légitimité qu'il a apporté à l'Amicale, lui donnant une stature d'organisation sérieuse oeuvrant pour l'éducation de la jeunesse[62], le voyage a servi de leçon en préparant un virage important : dès 1980, les organisateurs inviteront des professeurs (particulièrement intéressés par le sujet : morale, religion, histoire) et plus des élèves. N'oublions pas cette conclusion provisoire.  Elle sera utilisée quand, après avoir décrit rapidement le voyage même, nous en tirerons les conclusions et verrons comment on est passé du public cible «jeune» au public cible «professeurs» (1980).

Avant le départ à l'occasion du voyage, l'Ambassade de Pologne et le CIA (par l'intermédiaire de M. Goldstein, son président) organisent une réception en «l'honneur de la commémoration du 33ème anniversaire de la libération des camps de concentration d'Auschwitz Birkenau et du 35ème anniversaire du soulèvement du ghetto de Varsovie»[63].  Au programme, outre le discours de l'Ambassadeur, de M. Goldstein et de P. Halter, est prévu la diffusion de deux courts métrages[64]. Si les jeunes futurs voyageurs sont invités («Monsieur Borecki, Premier Secrétaire de l'Ambassade de Pologne organise en votre honneur une réception le 20 mars pour nous permettre d'avoir un premier contact »)[65] et que des dispositions rigoureuses accompagnent l'invitation[66], il est impossible de savoir combien d'entre eux  étaient présents à l'Ambassade. Le manuscrit préparant l'invitation semble préférer une représentation réduite : «10 jeunes qui participent à ce voyage ?[67]  Même la presse ne nous apporte aucune précision. Quoi qu'il en soit une réception un lundi soir n'est pas propice à la participation des jeunes étudiants, surtout de province. Plus inquiétant pour les organisateurs est la non participation des personnalités invitées.  Toutes vont s'excuser et seul se présentera le chef de cabinet du Ministre des communications, le conseiller du Ministre Dehousse et Denis Rousseau, le journaliste de la RTBF devant accompagner l'équipe et représentant son rédacteur en chef[68].  On ne peut qu'émettre des hypothèses  sur la cause de cette désaffectation : manque d'intérêt pour cette action à profit peu électoral[69], méfiance vis-à-vis d'une Ambassade particulière, ou simplement envoi tardif des invitations. En fait, cette petite cérémonie est l'occasion de réaffirmer  les grands principes déjà décrits plus haut : l'Amicale (et son voyage) est une réponse à un danger qu'elle craint particulièrement : «M. Paul Halter, président de l'Amicale belge des ex-prisonniers politiques d'Auschwitz Birkenau, et M. Goldstein, président du Comité international d'Auschwitz, ont mis l'accent sur l'impudeur sans cesse croissante avec laquelle les zélateurs du néo-nazisme s'emploient à nier ou à travestir ce qui fut la hideuse réalité des camps de la mort» et c'est l'objet du voyage, elle va tenter, avec ses moyens de trouver une solution à ce problème : «M. Goldstein devait inviter les jeunes participants à ce voyage pèlerinage à se faire d'actifs témoins de ce qu'ils auront vu auprès de leurs proches.  «Vous serez chargés d'une mission, leur a-t-il dit, celle de regarder»[70].  Dans ces deux extraits de discours reproduits par la presse, on retrouve encore la récurrence de la démarche de l'Amicale : d'un côté, la maladie (peur de la résurgence du fascisme ou du nazisme), de l'autre, le médicament (création de «témoins de remplacement»).

Quoi qu'il en soit, 152 personnes partiront le 31 mars 1978 à 14 heures sur deux vols (militaire + LOT). Si la répartition par âges reflète une certaine homogénéité[71], la répartition par domicile est intéressante. Elle donne par province[72] :

Brabant 68

dont Bruxelles

57

Hainaut

14

Liège

11

Namur

6

Luxembourg (plus Grand-duché)

4

Flandres

2


 Il est clair ici que le recrutement des jeunes pour le voyage est majoritairement Bruxellois.  Ce n'est pas étonnant car l'Amicale, son mode de fonctionnement et recrutement est également Bruxellois.  L'annonce, outre le Drapeau Rouge et Le Jour, fut publiée dans Le Soir qui en plus d'une diffusion nationale est d'abord un journal de la capitale, surtout en 1978.  Le choix des accompagnateurs est également révélateur de ce phénomène.  Tous sauf trois sont domiciliés à Bruxelles (parfois pour cause professionnelle comme les journalistes).  Rappelons enfin que les membres de l'Amicale sont presque tous domiciliés à Bruxelles et dans les communes de l'agglomération.

Le programme s'est déroulé comme suit :

 31 mars : arrivé du groupe par avion à Varsovie, transfert de l'aéroport à l'hôtel, logement dans un hôtel de 1ère catégorie
1 avril : avant-midi, visite guidée de Varsovie, après-midi, départ du groupe pour Cracovie, logement dans un hôtel de 1ère catégorie
2 avril : après le petit déjeuner, départ pour Auschwitz, déjeuner à Auschwitz.  Projection des films Au nom du Führer, rencontre avec anciens Polonais, puis visite libre dans le camp, dîner à Cracovie.  Réunion-débat
3 avril : après le petit déjeuner, départ pour Auschwitz, déjeuner à Auschwitz, après-midi Birkenau, soirée à l'opéra : Straszny Dwor à Cracovie
4 avril : immédiatement après le petit déjeuner, visite de Cracovie, déjeuner à Cracovie, après-midi vers Varsovie, dîner dans un restaurant typiquement polonais «Gosciniec Opolski» - durant le dîner représentation de musique folklorique par le groupe «Kapela Dzierzanowskiego», logement dans un hôtel de 1ère catégorie
5 avril : après le petit déjeuner, transfert à l'aéroport, départ du groupe par avion à destination de Bruxelles, arrivée à Bruxelles national à 16h50

Dès le retour, dans une réunion  des accompagnateurs, l'Amicale va tenter de dresser un bilan de l'expérience et essayer d'organiser l'exploitation postérieure de l'événement.

Dans la suite, nous tenterons donc de voir quelles sont les justifications et reconstructions réalisées  à posteriori sur le voyage, l'exploitation effective (télévision, films,...) et enfin à la lumière de l'expérience la suite que l'Amicale va lui donner.

Reconstructions à posteriori des voyages de 1978

Nous devons en fait distinguer ici : deux façons d'analyser ce voyage indépendantes ou non de la volonté de l'Amicale : le voyage politique et le voyage de la mémoire.

- le voyage politique : on peut ressentir la dualité du voyage dès sont déroulement. Si le programme est axé sur le séjour au camp d'Auschwitz (mémoire), il prévoit également une rencontre avec des anciens d'Auschwitz polonais[73].  C'est cette rencontre qui a donné un caractère très particulier au voyage.  Si on en croit un document manuscrit assez difficile à cerner[74] la rencontre, sans nier l'intérêt pour la mémoire de l'expérience[75] fut un plaidoyer antifasciste : «Pendant la rencontre, dans une atmosphère amicale et pleine de compréhension ont été échangés des souvenirs et également des échanges de points de vue entre organisateurs Belges et Polonais. On a parlé beaucoup de fait que ces relations doivent encore plus s'affirmer pour dénoncer les crimes et pour que ne renaisse pas le fascisme hitlérien»[76], ce que confirme un accompagnateur dans un «rapport de voyage» : «Le soir, nous avons rencontré les membres de l'association des anciens détenus polonais d'Auschwitz.  Au cours de cette réunion à Cracovie, les présidents Maurice Goldstein et Paul Halter ont rappelé les buts de ce voyage. [...]. Dans cette période de crise économique, il est tentant pour le mouvement néo-nazi d'exploiter le mécontentement et de le diriger contre une catégorie de la population; contre les immigrés notamment. [...]. L'homme n'est ni bon ni mauvais, mais les conditions dans lesquelles il se trouve conditionnent son comportement.  Les fascistes transformaient les hommes en bête afin qu'ils se battent et qu'ils tuent pour survivre avant d'être tués par plus fort qu'eux.  Dans un tel système où le monde marche sur la tête d'absurde est omniprésent.»[77]

Cette particularité peut s'expliquer par la cadre dans lequel les autorités polonaises semble cautionner le voyage et que l'on ne retrouve jamais ailleurs, ni dans le texte de l'Amicale, ni dans les lettres aux autorités, ni dans les autres rapports postérieurs : «A l'occasion du mois de mémoire nationale célébré en Pologne, un groupe de 100 citoyens belges, pour la plupart des jeunes, à fait un séjour en Pologne. Les jeunes Belges ont visité l'ancien camp d'extermination hitlérien d'Auschwitz Birkenau, où ils ont déposé une couronne au pied du monument international aux victimes du fascisme. A Cracovie la délégation a été reçue par la section locale de l'union des combattants pour la liberté et la démocratie»[78].

Cette désagréable impression ressentie est renforcé par deux passages très orientés du texte cité plus haut : «Ils [les jeunes] vont tout faire pour que la paix existe dans le monde même pour que l'on ne produise plus la bombe atomique»[79].  Il est amusant de constater que cette déclaration d'une facture classique dans la bouche d'un représentant des pays de l'est et très anachronique dans les circonstances du voyage, rejoint néanmoins l'une des préoccupations de l'Amicale quelques années plus tôt[80]. De plus, certains participants vont rejoindre la volonté politique des organisateurs du voyage et moins de deux semaines après le retour contacter, avec la caution de l'Amicale des candidats  malheureux du tirage au sort pour leur proposer une action palliative mais demandant plus d'investissement politiques personnels: «Cher Ami, Chère Amie. Tu n'as pas eu la «chance» de participer au Pèlerinage en Pologne pour lequel tu avais posé ta candidature; néanmoins comme nous te l'avions promis, nous reprenons contact avec toi. [...].» Leur volonté militante sera clairement énoncée : «Bien sûr cela n'est qu'un premier contact nous comptons avec plusieurs autres participants faire une prolongation au Pèlerinage en créant une sorte de groupe de jeunes ayant comme centre d'intérêt une lutte ANTI-FASCISTE. De même que nous organiserons avec toi un débat au cours duquel tu pourras poser aux participants toutes les questions que tu voudras[81] 

- Le voyage de la mémoire : outre ce que nous avons déjà abondamment expliqué jusqu'ici sur ce sujet, l'Amicale, dans ses contacts avec les autorités usera abondamment de l'argument : «Ce même groupe revenait six jours plus tard métamorphosé.  Il revenait marqué par les sentiments d'horreur et de dégoût que les participants ont ressentis face aux lieux où se perpétra l'un des plus grand massacre et génocide de l'histoire de l'humanité.  Ils revenaient unis par le plus grand respect du souvenir de ces quatre millions de victimes innocentes.»[82]

Esquisse de bilan du voyage des jeunes

Le bilan dressé après le voyage des jeunes comporte deux facettes parfois contradictoires. L'une à destination directe de la presse, du public mais aussi des membres de l'Amicale, l'autre à destination interne qui est une véritable analyse très objective du voyage et qui permettra certainement d'affiner la formule.  La version extrêmement positive du voyage de 1978 peut être trouvée dans le compte-rendu de l'Assemblée générale du 18 mars 1979 : «Le secrétaire fait rapport des activités de l'année qui vient de s'écouler.  Il évoque particulièrement le pèlerinage-témoin  des 120 jeunes à Auschwitz à Pâques 78.  Il souligne les différentes aides reçues par l'Amicale tant sur le plan moral (le Roi), que sur le plan matériel (Ministère et personnes privées).  Ce pèlerinage-témoin a bénéficié d'un grand retentissement dans la presse, la radio et la télé.  Une exposition de photos prises par les jeunes a été organisée au Centre Culturel de Saint-Gilles.  Un programme d'exposition de ces photos dans différents centre de jeunes et maisons de la Culture est en cours d'établissement.»[83]

Le bilan semble donc très positif, surtout en ce qui concerne la mémoire.  Mais on remarque néanmoins que si l'on parle de radio, de télévision, d'expositions photos, on parle très peu de l'impact du voyage sur les jeunes. C'est là semble-t-il le principal échec de ce voyage : en 1977, on part avec l'idée d'un voyage organisé pour trouver des témoins de remplacement chez les jeunes et en 1979, on aboutit à un voyage ayant essentiellement profité à la presse. 

Notons que dans le même document, le secrétaire «informe les membres présents que  l'organisation d'un voyage d'enseignants à Auschwitz [est prévu] à Pâques 1980».  On peut se demander ce qui  s'est passé pour qu'en 1980, le projet de voyage des enseignants voie le jour.  Il semble que ce ne soit pas un problème de contact ou d'efficacité propre du voyage.  On trouve par exemple, dans le compte-rendu de la réunion des accompagnateurs tenue sous forme de bilan le 12 avril 1978, des appréciations assez encourageantes : «les accompagnateurs sont d'accord à l'unanimité sur le fait qu'il y a eu une entente extraordinaire entre les jeunes et les anciens pendant le pèlerinage-témoin.  Tout le monde est également d'accord de garder le contact avec les jeunes qui le souhaitent»[84] ou encore Karl-Eric Monbaliu lit des lettres de remerciements de jeunes qui ont participé au pèlerinage-témoin.

 On voit donc que le problème n'est pas dans le fait des jeunes ou des relations entre déportés et jeunes voyageurs comme les lettres d'inscriptions auraient pu le laisser craindre, mais il semble que ce fut essentiellement un problème de rentabilité qui a transformé le type de voyage organisé par l'Amicale. En citant René Raindorf : «Un prof représente 300 élèves, 80 profs  peuvent toucher 2.400 élèves.  C'est nettement plus rentable d'envoyer 80 profs à Auschwitz qu'envoyer 100 jeunes»[85].    

Enfin et cela rejoint ce que nous avions déjà pressenti en analysant «les motivations des jeunes» s'inscrivant au voyage, l'efficacité d'une telle expérience est directement liée à la motivations, mais également et surtout aux pré requis culturels.  S'il est clair qu'un professeur d'histoire, de religion ou de morale possède les connaissances nécessaires pour comprendre le phénomène concentrationnaire, il n'est pas certain qu'un jeune de 17-18 ans, certainement à quelques exceptions près, puisse réellement jouer le rôle de témoin de remplacement.

Le voyage des enseignants de 1980, l'autre essai :

Ce voyage des enseignants est l'un des aboutissements de l'évolution que nous avons tenté d'analyser jusqu'ici. Rappelons que nous sommes parti d'une Amicale ayant des activités presque essentiellement commémoratives et que nous sommes arrivés à une Amicale voulant transmettre l'expérience des concentrationnaires et lutter à la fois contre le révisionnisme et la résurgence du fascisme.  Cette dernière étape est en fait surtout un affinement des méthodes utilisées pour atteindre ces  buts. 

On peut très bien suivre l'évolution du projet du voyage des profs dans les Procès-verbaux des réunions de l'Amicale.  Dès le 27 septembre 1978, alors que tous les problèmes, y compris financiers, du voyage précédent ne sont pas encore réglés, on prévoit déjà le «prochain pèlerinage à Auschwitz : mettre à l'ordre du jour de la prochaine séance»[86].  Si les détails ne sont pas encore réglés, la philosophie du projet est déjà bien cernée ; «Cible : historien, profs de morale et de religion».  De plus, l'Amicale veut directement mettre «dans le coup», l'Education nationale en contactant différentes personnalités ayant une influence sur le Ministère.[87] Les réunions du Comité du mois de décembre 1978 et janvier 1979 seront essentiellement consacrées à trouver des subsides ou des aides matérielles comme par exemple l'avion royal.  Néanmoins, quelques détails sont décidés. D'abord que le séjour sera payant, l'Amicale prenant à sa charge le voyage du professeur et de sa compagne et plus important, le type de professeur sollicité sera déterminé : «Professeur de religion, morale, histoire à Auschwitz à Pâques [...], mais on ne refusera pas à priori les profs d'autres disciplines»[88].     Traditionnellement, comme pour le voyage précédent, l'année 1979 sera mise à profit pour la récolte de fonds.  Le budget total arrêté le 18/3/1980 s'élèvera à 910.000 francs dont 490.000 à charge de l'Amicale. 

Comme pour le voyage de 1978, le soutien du personnel politique et de la presse est essentiel.  Il est remarquable de constater que le voyage des jeunes de 1978 est une excellente référence pour les sollicitations diverses.  Par exemple, Henri Goldberg, secrétaire de l'Amicale, tout en suggérant aux différentes communes de l'agglomération bruxelloise d'envoyer un ou plusieurs enseignants à Auschwitz précise : «Devant la recrudescence du fascisme, certains osent prétendre que les camps d'extermination n'ont jamais existé, notre Amicale a organisé en 1978, sous le haut patronage du Roi, un pèlerinage-témoin de 120 jeunes concitoyens à Auschwitz afin qu'ils voient à quoi le fascisme peut conduire.  Cette année-ci notre Amicale organise du 30 mars au 5 avril, un voyage d'étude d'enseignants d'histoire, de morale ou de religion à Auschwitz»[89].  Le «certificat d'efficacité» du voyage 78 sera même réutilisé à destination des membres de l'Amicale «L'Amicale des ex-PP d'Auschwitz a organisé en 1978, sous le haut patronage du roi, un pèlerinage-témoin à Auschwitz de 120 jeunes pour leur montrer à quoi le fascisme, à la renaissance duquel nous assistons actuellement, peut conduire.  Cette année-ci, nous désirons conduire 100 enseignants à Auschwitz pour qu'ils puissent témoigner auprès de leurs élèves.»[90]. Si dans la lettre aux rédacteurs en chef de la presse nationale, qui accompagne le communiqué de presse annonçant le voyage, l'Amicale semble donner plus de précisions, il n'empêche que les thèmes cités sont récurrents : d'abord elle reprend son argument, son certificat d'efficacité : «Notre Amicale se propose de montrer aux jeunes à quoi le fascisme peut conduire.  C'est la raison pour laquelle nous avons organisé en 1978 un pèlerinage-témoin de 120 jeunes à Auschwitz, sous le haut patronage du Roi.  Dans le même esprit, nous organisons à Pâques un grand voyage d'enseignants à Auschwitz, et un voyage réservé au grand public.  Nous espérons que vous voudrez bien insérer le communiqué ci-joint dans le but d'en informer vos lecteurs, avec si possible un commentaire approprié.».  Mais d'autre part, et cela est significatif de la poursuite de plans et d'objectifs bien déterminés, la lettre reprend sous une forme à peine modifiée, une série d'arguments déjà employés lors des sollicitations pour le voyage de 1978 : «La crise de société que nous connaissons entraîne parmi ses conséquences la résurgence du fascisme qui se propose entre autre, de rétablir l'ordre social.  C'est un thème que nous avons déjà entendu à partir des années 30.»[91] Par contre, le communiqué de presse proprement dit est assez banal : «Un voyage d'étude pour enseignants d'histoire, de morale ou de religion est organisé en avion du 30 mars au 5 avril 1980 à Auschwitz».  Mais, et cela semble parfois étonnant, il met également l'accent sur d'autres activités que le simple voyage sur le site du camp : «Outre des rencontres avec des enseignants polonais, le programme prévoit la visite de Varsovie et Cracovie»[92]

Quoi qu'il en soit, le voyage groupe 68 participants, 55 enseignants (en majorité de l'enseignement confessionnel), 1/3 de francophones, 2/3 de néerlandophones, 6 anciens accompagnateurs, et 5 participants non enseignants[93]. L'étude des spécialités enseignées révèle aussi quelques illusions : Seules trente attributions d'enseignants accompagnant le voyage en 1980 peuvent être identifiées.  Parmi ceux-ci, il est assez étonnant de constater que douze sont instituteurs, trois professeurs dans le secondaire inférieur, six dans le secondaire supérieur, un dans le secondaire non universitaire et six dans le secondaire sans précision.  Or, si l'on additionne le secondaire inférieur et les instituteurs, soit quinze enseignants, on constate que la moitié d'entre eux n'ont pas de cours d'histoire contemporaine à leur programme.  Et si on ne prend que les enseignants du secondaire supérieur où le cours d'histoire contemporaine est inscrit au programme en 5ème ou en 6ème selon les réseaux, on constate que ceux-ci sont très minoritaires (1/5ème).  De plus, quand on tente de cerner l'attribution exacte , on peut voir qu'il y a 7 professeurs d'histoire, 2 professeurs de religion, 1 professeur de morale et 6 autres professeurs (français, latin grec, professeur de sculpture).  Donc, les historiens sont minoritaires, mais il est vrai que les professeurs de religion et de morale peuvent donner également des leçons s'approchant des sujets de préoccupations de l'Amicale. Pour pondérer ces propos peut-être sévères, il ne faut pas oublier que nous n'avons retrouvé que 50 % des attributions des enseignants accompagnant le voyage de 1980.

Le voyage s'étendant sur une petite semaine, prévoyait après le transport une visite de la ville de Varsovie,  une visite du Palais royale de VILANOWA, et au soir du premier jour, une rencontre avec des enseignants selon les intérêts de chacun.  Le lendemain, le périple culturel continuait par la visite de la maison de Chopin, et de nouveau au soir, une rencontre avec des enseignants Polonais.  Le 2 avril, toute la journée était consacrée au pèlerinage aux ex-camps de concentration nazis d'Auschwitz Birkenau.  Le 3 avril, reprise du périple culturel par une visite de la ville de Cracovie, du château WAWEL et de l'université.  Pour enfin conclure le 4 avril par un retour à Varsovie et un dîner d'adieu avec des représentants de l'Amicale des anciens prisonniers polonais d'Auschwitz.[94]

Etrangement, en lisant simplement ce programme, on constate que seule une journée est consacrée à la visite du camp d'Auschwitz et du camp de Birkenau, soit (outre les rencontres en soirée avec les enseignants polonais et les anciens prisonniers polonais d'Auschwitz) 1/5ème du temps total passé sur place, ce qui est peu. Il est possible qu'en rédigeant ce programme, les organisateurs aient voulu rendre moins aride la simple visite du camp ou attirer vers le voyage, des professeurs qui, comme certains jeunes de 1978, étaient tout autant attirés par la Pologne, que par le camp d'Auschwitz.

Bilan du premier voyage des enseignants, enfin la solution :

Il faut maintenant dresser le bilan du voyage et se demander si cette formule fut efficace.  La réponse à cette dernière question est certainement positive. Il est clair que si même deux enseignants sur les 80 organisent des activités dans leur école, le voyage aura été plus rentable que celui des jeunes de 1978. 

De plus, il semble que cette formule fut très appréciée par l'Amicale, qui, dès 1982 a repris le projet d'un voyage des professeurs et continue cette action jusqu'à nos jours. Outre ce bilan très positif quant à la rentabilité et au rapport qualité prix, on peut dresser un bilan de ce voyage en trois facettes : le bilan sentimental, le bilan des accompagnateurs et le bilan pédagogique.

- Le bilan sentimental : ici aussi, bien que le nombre de lettres conservées soit moins importante que pour le voyage des jeunes, il semble que les participants furent touchés par l'expérience : «Le pèlerinage au ex-camps de concentration de Silésie nous a fortement impressionnés.  Nous considérons ce déplacement comme une véritable journée de souvenirs et de recueillement»[95]. Si l'on en croit Paul Halter, il semble bien que l'ambiance du voyage fut fructueuse «les membres du comité de l'Amicale se joignent à moi pour vous remercier de l'exceptionnelle ambiance que vous avez réussi à créer en si peu de temps.  L'atmosphère d'un groupe est l'oeuvre de chacun de ses participants.  Vous l'avez rendue d'une rare qualité par votre très grand intérêt pour notre action, par votre émotion, votre cordialité et votre gentillesse»[96].  D'ailleurs les liens tissés entre les participants au voyage seront certainement importants.  Le courrier montre en effet un grand nombre d'adresses échangées. Adresses qui seront synthétisées par l'Amicale et renvoyées à tous les participants. 

Le bilan des accompagnateurs : il semble beaucoup plus positif que pour le voyage des jeunes.  Dès le 23 avril 1980, le Comité élargi de l'Amicale consacre une grande part de sa réunion au bilan du voyage. Néanmoins, comme nous le verrons ce bilan est inconsciemment ambigu : «- excellente organisation, voyage très réussi, éviter de voyager en deux groupes, bon programme de délassement (maison de Chopin, ...), l'hôtel hors de ville a permis d'organiser des débats (le premier débat a été organisé par l'Amicale, le deuxième à la demande des enseignants) [...], la visite de CEHENZECHOWA a plu aux catholiques particulièrement, les Polonais (anciens d'Auschwitz et les enseignants) ont beaucoup aidé»[97]. Si le reste est surtout consacré à des problèmes techniques (rentabilité des annonces dans les journaux, contacts avec les directions d'écoles, ...), ce bilan qui est extrêmement positif pour les activités d'accompagnement du voyage (CEHENZECHOWA et maison de Chopin), ne parle pas du tout du voyage même à Auschwitz, et il faudra attendre l'exploitation qu'en feront les enseignants pour enfin entendre parler de ce qui est tout de même le point central du voyage. 

- Le bilan par les enseignants (ou le bilan pédagogique) : ici aussi, le bilan est positif. Et si on dispose en fait de peu de renseignements pour savoir ce qui a été organisé dans les écoles après le voyage, on possède quand même quelques traces qui permettent d'imaginer l'impact qu'a pu avoir le camp d'Auschwitz Birkenau sur certains.  D'abord, une directrice d'home d'enfants va écrire un communiqué qu'elle enverra à différents organes de presse[98] où l'aspect sentimental cède rapidement à des considérations immédiates et politiques : «Il y a à l'heure actuelle une renaissance de la persécution, si ce n'est sous le vocable de fascisme, c'est néanmoins la liquidation des oppositions de manière brutale.  Que ce soit dans certains pays d'Afrique, d'Amérique du Sud ou du Moyen-Orient.  Il est grand temps que tous les pays et les forces démocratiques s'opposent avec fermeté et courage à toute formation de groupements dictatoriaux. L'humanité ne peut trouver de solution à ces problèmes, ne peut maîtriser et assainir le problème crucial de la condition humaine que par un effort collectif unanime dépouillé de toutes considérations politiques, idéologiques, sociales, raciales et religieuses. Le jour où les savants, les penseurs, les dirigeants des peuples, les responsables qui forment l'opinion public partageront sincèrement l'idéal de fraternité, de justice et de tolérance, la peur, le désarroi actuel seront graduellement éliminés».[99]  C'est également le sens de la profession de foi d'un autre enseignant : «Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour sensibiliser notre entourage professionnel aux graves problèmes qui constituent l'actuelle montée du fascisme. Et auprès des enfants qui nous sont confiés, nous resterons vos témoins.»  C'est rejoindre exactement la motivation première de l'Amicale. Cet enseignant sera donc certainement un témoin de remplacement «Espérons qu'au-delà de toute idéologie politique ou religieuse, nous ayons compris votre message et que nous soyons à la hauteur de ce que vous attendez de nous[100].

Ensuite, une série de montages de diapositives vont servir à certains professeurs pour illustrer leur expérience «Je profite de l'occasion pour vous communiquer que les photos sont presque développées. Qu'il y en aura certainement 600 [...]. Je vous prie ardemment pour que tous les participants au voyage puissent en prendre connaissance [...]. Momentanément, je sélectionne les images, cela veut dire que je les classe ou plutôt ils sont montés comme cela se fait un film»[101]. Ou encore «Nous avons réalisé une série de diapositives, +/- 100, sur les camps d'Auschwitz et Birkenau, et nous pourrons éventuellement les projeter si cela intéresse l'assistance»[102].

Plus intéressant et plus efficace encore, le voyage a même suscité l'organisation d'une journée pédagogique «Lors de notre visite au printemps dernier au camp d'extermination d'Auschwitz, visite organisée et guidée par les anciens survivants de ce camp, nous avons décidé d'effectuer un montage de diapositives.  Notre but était de montrer aux élèves que nous avons la charge d'éduquer, ce qu'avait engendré le nazisme et de les mettre en garde contre sa renaissance en Europe et en Belgique en particulier. La journée pédagogique de notre établissement permettra un très large débat à ce sujet.  En tant qu'éducateur concerné comme nous tous, j'ai le plaisir de vous y inviter»[103]. Et effectivement, le 10 novembre 1980, soit l'année scolaire suivante, l'Institut Médico-pédagogique Reumonjoie organisera une journée pédagogique sur le thème «La montée des extrémismes, problème d'hier et d'aujourd'hui (racisme, antisémitisme et fascisme) à laquelle participeront Maurice Goldstein, en tant que président du CIA et professeur en médecine, David LACHMAN, en tant qu'ancien résistant et ancien PP et René RAINDORF, en tant qu'ancien résistant et ancien PP.  La journée introduite par Maurice Goldstein se composera d'un montage de diapositives, d'un petit débat questions-réponses et d'un grand débat conclusion avec comme thème «Notre attitude en tant qu'éducateur face à la renaissance du nazisme, au racisme et à la préservation des droits de l'Homme».  Il se peut que cette action soit à l'origine de la systématisation de la participation de membres de l'Amicale à des journées-débat dans les écoles.

2.1.3)  Conclusion des voyages :

Après une réorganisation, un essai de voyage et la correction des imperfections de celui-ci, l'Amicale semble avoir trouvé (par le relais de la Fondation Auschwitz) une voie pour guérir les «maladies» découvertes à la fin des années 70 : résurgence du nazisme et révisionnisme.

Le voyage des enseignants semble être ce moyen efficace.  D'ailleurs, Maurice Goldstein dans son Rapport d'activités de l'Amicale Belge des Ex-PP d'Auschwitz à l'assemblée générale du CIA tenue à Bruxelles du 2 au 6 octobre 1980, après des déclarations de principe sur la dégradation de la situation économique, la crise profonde de civilisation où toutes les structures sont remises en question, la crise des valeurs politiques et morales qui régissent la société, l'accélération technologique contraint le travailleur à se remettre en question, les conditions de vie angoissantes et compliquées des hommes en opposition avec les valeurs sûres et simplistes proposées par les néo-fascistes) rappellera que l'«action première de toutes les associations issues d'Auschwitz sera de mettre les jeunes contre les dangers du fascisme» et il expliquera par l'exemple de l'Amicale de Silésie pourquoi les jeunes sont au centre de ses préoccupations.  «En premier lieu, nos moyens humains et matériels ne nous permettent pas de toucher toutes les catégories d'habitants.  En outre, les adultes ont généralement connu la guerre et ont eu l'occasion de s'en faire une opinion personnelle.  Tandis que pour certains jeunes nés 15 ou 20 ans après la guerre, Hitler apparaît comme un Napoléon moderne.  Nous avons organisé un pèlerinage -témoin de 120 jeunes habitants la Belgique à Pâques 78.  Ces 120 jeunes ont été choisis au hasard parmi 600 candidats. Informés par les mass médias, nous avons appris après le voyage que quelques participants appartenaient à des groupements fascistes et voulaient s'assurer qu'Auschwitz n'avait pas existé.  Le choc de la réalité a modifié leur opinion»[104].  Alors, il conclu, comme nous l'avons déjà fait «Afin de pouvoir toucher le maximum de jeunes (hélas de façon indirecte), nous avons décidé de montrer Auschwitz à des professeurs de morale, d'histoire et de religion qui peuvent toucher au cours des ans beaucoup plus de jeunes que nous ne le pouvons.  Nous avons amené 65 enseignants à Pâques 80.  Nous estimons le résultat de ces voyages extrêmement positif.  Chaque voyage est annoncé dans la presse.  Des journalistes, des reporters TV, des équipes de cinéastes, ont par exemple accompagné les jeunes et ont fait rapport de ce qu'ils ont vu.  C'est ainsi par exemple que les jeunes ont été interviewés à la radio et à la TV.  50% des jeunes ont participé à la manifestation de Cologne.  Des jeunes et des enseignants ont pris l'initiative de faire des articles dans les journaux ou d'écrire à la rédaction pour parler de leur voyage. Les enseignants ont pris spontanément l'initiative de rencontres entre eux où le Comité est invité.  Les enseignants conduisent leurs élèves au Musée de la Résistance à Bruxelles où ils sont reçus par des membres du Comité. Des conférences-débats avec projection de films animés par des rescapés d'Auschwitz sont organisées dans les écoles et les universités. Des rencontres entre anciens d'Auschwitz et enseignants ont eu lieu.  Nous allons organiser une rencontre entre jeunes et enseignants qui ont visité Auschwitz.»[105].

De plus, et au-delà du pèlerinage ou du voyage éducatif, on doit se demander quel est leur sens réels pour l'Amicale. En effet le choix du lieu d'arrivée n'est pas innocent.  Il est le reflet d'une philosophie particulière et répond en partie à la question : Quelle est la conception de l'univers concentrationnaire de l'Amicale, quelle est éventuellement l'évolution de ces conceptions ? Rappelons les lieux de voyage

1955 : Gross-Rosen
1959 : Gross-Rosen / Grostrelitz / Jauer
1961 : Gross-Rosen / Grostrelitz / Auschwitz
1965 : Auschwitz (autres non précisés)
1966 : Gross-Rosen / Auschwitz / Nova-Huta / Jauer
1967 : Inauguration du monument international
1975 : Pologne (non précisés)
1978 : Auschwitz
1981 : Auschwitz - Birkenau

Cette liste montre à l'évidence le transfert d'intérêt de l'Amicale. Si Auschwitz est présent dans le programme dès 1965 (et peut être avant), il est l'unique objet des préoccupations des organisateurs à partir de 1978. Comme nous l'avons vu ce changement de lieu de déportation correspond à la nouvelle orientation de l'Amicale. Cette impression sera confirmée par ses activités nouvelles à cette date[106] et même renforcée si l'on considère le simple changement d'appellation[107]

2.2) Les activités commémoratives, sociales, politiques et culturelles

Il faut entendre par activité commémorative, toute activité rappelant l'expérience concentrationnaire ou de résistance de membres de l'Amicale, à l'exclusion des actions spécifiques de conservation de la mémoire que nous avons déjà étudiées comme les voyages d'enseignants, la création d'une fondation de recherche ou la lutte contre le révisionnisme.  On peut faire entrer dans ces activités commémoratives, aussi bien les classiques dépôts de fleurs que la création de salle belge au musée Auschwitz ou l'érection d'un monument sur le même site. 

On doit comprendre comme activités sociales, politiques et culturelles toutes les activités impliquant plus directement l'Amicale dans la vie quotidienne ou dans l'action politique de son temps.  Ici, la qualité de concentrationnaire apporte simplement un supplément de caution.  On peut y trouver par exemple des actions contre l'implantation de bases militaires allemandes en Belgique, l'organisation de conférence, l'opposition à la résurgence du fascisme, de l'antisémitisme, du racisme et du nationalisme allemande ou même des actions purement sociales en faveur des membres en difficulté.   

Outre ce que nous avons déjà étudié, on peut distinguer deux types d'activités commémoratives : les actions patriotiques se déroulant en Belgique et les actions en rapport avec le camp d'Auschwitz. 

2.2.1) Les actions patriotiques

Elles sont diverses, mais l'on peut citer les pèlerinages au camp de Breendonk, le dépôt de fleurs au Soldat Inconnu, l'hommage à l'un ou l'autre prisonnier politique mort en déportation (exemple : Pierre de Tollenaere), les service solennel pluri religieux à l'occasion du souvenir des membres de l'une ou l'autre association de résistants (USRA). 

S'il est clair que l'Amicale, porte-drapeau en tête, participe à beaucoup de ces cérémonies avant 1977, il est également vrai que les documents ne nous permettent malheureusement pas de confirmer la poursuite de ces actions après cette date. Souvent nous ne disposons que des invitations et pas des réponses ou des confirmations de participation. 

Il est possible à ce moment, les préoccupations de l'Amicale puis de la Fondation devenant plus particulières et fort différentes, que certains membres s'y rendent à titre personnel. Et cela semble actuellement confirmée par la distinction de plus en plus forte entre Fondation s'occupant de tout l'aspect historique et philosophique de la déportation et Amicale s'intéressant plus aux actions commémoratives, culturelles et sociales.

2.2.2) Le site d'Auschwitz

Plus intéressants sont les rapports de l’Amicale avec le site d'Auschwitz[108].  Rappelons qu'Auschwitz, dans les appellations de l'Amicale n'est qu'un camp parmi d'autres[109] et que l'accent sur Auschwitz sera officiellement mis à partir de l'arrivée du groupe Halter, à la direction  de l'Amicale. 

Néanmoins, avant cette date, le site d'Auschwitz prend un relief particulier.  Peut-être parce que c'est le seul qui va être officiellement et systématiquement préservé (au détriment des autres camps de Silésie). On peut distinguer trois grandes affaires où l'Amicale sera plus ou moins impliquée et qui ont le camp d'Auschwitz pour centre : l'internationalisation du site, la création de la salle belge (et sa rénovation) et la création du monument international Auschwitz. 

Un rapport issu du « musée national d'Auschwitz» a l'occasion de l'érection du monument résume les limbes de l'histoire de la conservation et de l'internationalisation du site.  «Construit en 1940, le camp de concentration d'Auschwitz avait été destiné en principe à la population polonaise.  Mais dès 41, sont arrivés au camp les premiers transports de Tchécoslovaquie et à partir de 42 et au cours des années suivantes, il y a eu au camp des ressortissants de tous les pays occupés [...].  Le décret polonais du 2 juillet 1947, sur le martyrologue du peuple polonais et des autres peuples, apparaît comme la seule conséquence logique et justifiée pour commémorer l'histoire de ces lieux.  Le législateur a respecté le caractère international d'Auschwitz et le gouvernement polonais a destiné des crédits pour la conservation du terrain et des édifices.  La population de notre pays a discuté de l'activité du musée.  Elle lui vient en aide comme par exemple l'association d'aide à Auschwitz qui a son siège à Cracovie ». Si nous examinons le décret cité, nous verrons que la fondation du musée était déjà une forme de commémoration de l'histoire d'Auschwitz.

Mais à côté de cela, l'idée d'y ériger un monument germe depuis longtemps dans bien des esprits.  Comme il ressort des communiqués de presse, cette question a été discutée par la Fédération internationale des prisonniers politiques à Paris en 1947.  D'autre part, la fédération a décidé que les pays dont les ressortissants ont péris à Auschwitz prendraient part aux travaux d'organisation du musée. Le projet d'architecture devait être établi par le professeur R. GUTT « [...].  Ceux qui ont eu la chance de tenir jusqu'à la libération d'AUschwitz ou dans d'autres camps de concentration se doivent de commémorer le souvenir de ceux qui y sont restés en leur nom et au nom de la fraternelle de tous les déportés, le CIA a le droit et même le devoir de veiller à l'entretien de ce terrain et de rechercher les formes de sa commémoration.  D'autre part, le musée tient à conserver la liaison la plus étroite avec tous les anciens détenus, leur famille et toutes les organisations d'anciens prisonniers afin de remplir la tâche pour laquelle il a été appelé.»[110]

Si la volonté d'internationaliser le site d'Auschwitz est sous-jacente dans les intentions des responsables du musée, il ne manquait plus qu'une volonté et surtout une analyse juridique pour réaliser ce projet. Régine Orfinger-Carlin avocat près la Cours d'appel et très liée à l'Amicale, va réaliser cette étude où elle expliquera pourquoi il est possible et surtout nécessaire d'internationaliser le site «Le muséum d'Auschwitz relève actuellement du domaine public de la république populaire de Pologne (nous sommes en mai 1957).  Il nous a paru opportun  de rechercher s'il n'existe pas d'impérieuses raisons pour que le muséum d'Auschwitz soit internationalisé et sous quelle forme cette internationalisation pourrait se réaliser».  Elle va d'abord établir un état des lieux juridique «Le muséum d'Auschwitz comporte essentiellement deux éléments : un élément moral, soit la signification d'Auschwitz sous tous les aspects sur le plan historique.  Deuxièmement un élément matériel : à côté des archives du camp et des  archives des juridictions qui ont eu à connaître des crimes commis à Auschwitz (tribunal militaire de LUNEBOURG, tribunal international militaire de Nuremberg, tribunaux polonais), il y a l'ensemble du domaine terrestre sur lequel se trouve les camps d'OSWIECIM de BIrkenau, ainsi que les 39 camps secondaires. Or, si l'internationalisation d'Auschwitz peut se concevoir sans difficulté en droit public sous la forme par exemple d'une institution de service public du titre traditionnel, elle ne pourrait se concevoir sous la forme d'une internationalisation du domaine terrestre proprement dit.  Le droit public international ne connaît en effet comme domaine public international que le domaine maritime, fluvial et aérien.  Les terres populaires ne sont même pas toujours considérées comme relevant du domaine terrestre international. Or, le fondement du domaine public national ou international repose sur cette constations que sans égard pour son caractère intrinsèque, le domaine public est celui qui est nécessaire à tous, qui répond à la satisfaction des besoins essentiels de la collectivité ou qui procède d'une utilisation commune par les divers membres de la communauté internationale ».  Et elle justifie «Auschwitz répond incontestablement à ces critères.  C'est pourquoi sans vouloir donner au mot internationalisation d'Auschwitz le sens d'une internationalisation du domaine terrestre d'Auschwitz avec la portée qu'elle a en droit public international,  ce qui aurait pour effet sinon d'exclure le territoire d'Auschwitz de la souveraineté de la République populaire de Pologne, nous nous sommes demandés s'il ne conviendrait pas de doter Auschwitz d'un statut international à caractère propre.  Ce statut consisterait à créer un établissement public international d'AUschwitz procédant à une organisation internationale et à un domaine physique comportant les archives et le territoire qui constitue actuellement le muséum d'Auschwitz.  Cette propriété serait internationale dans ce sens qu'elle appartient à une organisation internationale qui serait géré internationalement sans que cette situation puisse porter atteinte aux attributs essentiels de la souveraineté polonaise ».[111] 

La justification point par point de l'internationalisation est extrêmement intéressante, car elle révèle une spécificité du camp d'Auschwitz «Pourquoi Auschwitz relève-t-il du domaine international ?  On peut considérer que l'ensemble des événements qui se sont passés à Auschwitz de juin 40 à la libération du camp, comporte pour l'humanité toute entière la plus sévère, la plus tragique, la plus édifiante  leçon.  AUschwitz est en effet le terrifiant exemple de ce que peut être une politique de persécution faisant des millions de victimes. [...]. Si d'autres crimes de guerre et de crimes contre l'humanité ont eu lieu en d'autres lieux d'Allemagne ou d'ailleurs, Auschwitz peut revendiquer à juste titre, d'être le symbole de ces criminalités.  Deuxièmement, bien que les crimes commis à AUschwitz portent en tête la signature du dirigeant du troisième Reich, des agents criminels de diverses nationalités ont participé à l'exécution des forfaits.  Troisièmement, les victimes relevaient pour la plupart de nationalité européenne.  Quatrièmement, les actes préparatoires de l'exécution proprement dite, rafles, arrestations, séjours dans les camps de transit et de transport, ont eu lieu dans tous les pays d'Europe occupés par le troisième Reich. [...].  Sixièmement, la criminalité qui s'est perpétrée à Auschwitz était en infraction avec le droit international (Convention de La Hayes, 1907 et de Genève 1909).  Septièmement, divers instruments de droit international en ont organisé la répression.  Déclaration de Saint-James du 13 janvier 42, qui soulignait la nécessité d'une collaboration internationale dans la répression des crimes commis par l'Allemagne et ses alliés, déclaration de Moscou du 30 octobre 43 comportant les principes d'un code de procédure internationale applicables aux criminels nazis, accord de Londres du 8 août 45 qui donna naissance au tribunal militaire international [...].  Huitièmement, la répression de la criminalité d'Auschwitz a donné lieu à des décisions judiciaires prononcées par des tribunaux relevant de diverses nationalités ou ayant un caractère international. [...].  Procès de Lunenburg (tribunal militaire britannique), procès HOESS et procès de l'ancienne garde du camp (tribunaux  polonais).  Enfin, tribunal militaire de Nuremberg qui a eu à connaître également les faits d'Auschwitz ».  Ce projet circonstancié est important car il influence très fortement  l'acceptation par le gouvernement polonais de l'internationalisation du site «Il sera  probablement intéressant pour vous d'apprendre que sur la base de  votre projet, une conférence s'est tenue en Pologne et s'est occupé de la question de donner au musée d'Auschwitz un caractère international.  Le président du conseil des Ministres, M. CYRANKIEWICZ, qui est un ancien d'Auschwitz, assistait à cette réunion, ce qui signifie l'intérêt important que l'on porte à cette question.  Je ne possède maintenant qu'une très courte information sur le résultat de cette conférence, mais il me semble qu'elle a été très positive.  Il est prévu que nous ayons une réunion de notre secrétariat à Varsovie dans la première quinzaine d'octobre.  On discutera aussi de cette question ».[112].

2.2.3) La Salle belge

Si l'Amicale n'est évidemment pas directement à l'origine de l'internationalisation du site d'Auschwitz, elle sera totalement impliquée dans la création, la réalisation et l'inauguration de la salle belge du musée d'Auschwitz.  Il est singulier de constater que cette salle belge est en quelque sorte une liaison entre l'Amicale présidée par Mariette Haltorfer et l'Amicale présidée par Paul Halter.  La première sera à l'origine de la salle belge, la seconde la rénovera et lui donnera une signification encore plus symbolique par l'adjonction d'un monument.

Le 28 octobre 1957, Claire Duysbrough, Vice-présidente de l'Amicale écrit à E. Leburton, ministre de la Santé publique et de la famille «L'Amicale des ex-PP de Silésie est sollicitée par le Comité International d'Auschwitz en vue de collaborer à la réussite d'un de ses objectifs :  la création d'un musée international dans le camp de concentration d'Auschwitz, lieu particulièrement tragique où des millions d'êtres humains venant de tous les pays occupé par les nazis ont trouvé une mort horrible.  Une salle serait mise à la disposition de la section belge.  Ce local devra illustrer ce que fut la résistance belge, l'occupation dans notre pays et les conséquences qui en ont résulté.  Nous nous permettons de faire appel au Ministre des prisonniers politiques et ayant droits pour solliciter son large et bien veillant appui en la circonstance.  Le service de documentation et de recherche du département serait certainement à même de fournir une documentation intéressante pour la section belge.»[113] et dans la demande de soutient envoyée au député ancien déporté ou résistants, elle précise «Lors de la dernière cession du comité international d'Auschwitz les différentes amicales nationales d'anciens prisonniers d'Auschwitz décidèrent de donner un caractère plus international au musée qui se trouve sur l'emplacement de l'ancien camp d'extermination»[114].

On voit déjà ici qu'il s'agit essentiellement de rendre Auschwitz plus international, c'est-à-dire qu'à ce moment on essaye de développer l'une des spécificités du camp : Auschwitz, lieu d'extermination de l'ensemble des peuples d'Europe.  Remarquons bien que jusqu'ici et ce sera le cas dans toutes ces actions autour du site d'Auschwitz, on ne fait jamais mention de la particularité raciale des déportés.  On met l'accent sur  les déportés de tous pays d'Europe ou sur leur caractère de résistant.  Dans tous ces documents, jamais le mot «juif» n'est prononcé.  Ni par les Polonais, responsables plus ou moins directs de la conservation du camp, ni par les Amicales impliquées dans l'internationalisation du site, la création de salles nationales ou même l'érection de monuments.  C'est une des constations les plus étonnantes de toutes ces affaires. 

D'ailleurs, dans la même lettres aux députés, Mariette Haltorfer dira «Notre Amicale souhaite rassembler la documentation nécessaire pour édifier la salle où doivent être exposées les documents illustrant les hauts faits de la résistance en Belgique.  Nous sommes convaincus de notre appui dans cette entreprise [...]».  D'autre part, M. Langebein, ancien résistant en Autriche, ancien prisonnier politique, secrétaire général du Comité International Auschwitz, sera de passage à Bruxelles.  Nous serions gré de lui accorder une entrevue ainsi qu'à notre délégation de notre comité pourrez-vous exposer de vive voix les projets qui nous préoccupent»[115]

Outre cette particularité étonnante à nos yeux habitués par le relecture contemporaine d'Auschwitz, mais tout à fait compréhensible dans le contexte de 1957, il s'agit bien dans ce projet de  rendre Auschwitz plus universel «La délégation d'anciens prisonniers politiques des camps de Silésie et d'Auschwitz s'est rendue mardi auprès de M. Leburton et des  parlementaires anciens PP pour leur demander d'appuyer non pas la création, mais l'élargissement du musée d'Auschwitz qui existe depuis 47. Élargissement qui doit souligner encore le caractère international du musée par l'adjonction de salles nationales»[116].  A partir de juillet 62, les choses vont s'accélérer.  KAZIMIERZ SMOLEN écrira à Mariette Altorfer une lettre où il prévient l'Amicale que «Le musée d'Oswiecim  a l'honneur de vous informer qu'au bloc 17 sont prévues des expositions de l'Autriche, Belgique, Hollande, France et Yougoslavie.  Comme la Yougoslavie a décidé de mettre son exposition au premier étage du bloc 17, le parterre alors est à disposition des pays cités ci-dessus.  Bien qu'alors notre pays n'a pas encore réservé de lieu pour l'exposition, la Belgique pourra faire la première le choix dans le parterre du bloc 17.»[117] Auquel répondra quelques temps plus tard Mariette Altorfer «En réponse à ta lettre au sujet de l'exposition belge du musée d'Auschwitz, je tiens à porter à ta connaissance que le comité belge désire retenir dans le bloc 17 la première des deux grandes salles du rez-de-chaussée.»  Et elle précise «L'exposition aura uniquement pour objet des documents relatifs aux problèmes de la résistance et de la déportation en Belgique.  Le travail pour l'organisation de cette exposition commencera dès la rentrée des vacances, c'est-à-dire dans le courant du mois de septembre.»[118] Effectivement, le 17 septembre, l'Amicale contacte le service de recherche, de documentation et de décès du Ministère de la Santé publique et de la Famille en vue d'acquérir des documents qui pourront composer une exposition.  Et le 8 novembre 1962, la présidente soumet au ministre la nomenclature reprenant les documents sélectionnés par Claire Duysbrugh en précisant de nouveau «Convaincue que le choix que nous avons fait reflètera  exactement le visage de la résistance en Belgique et du lourd tribu qu'elle a payé pour recouvrir sa liberté, nous formons l'espoir que vous voudrez bien marquer votre accord sur le sujet»[119]

De nouveau, on met l'accent sur la résistance et pas sur la déportation raciale.  Et quand on analyse les documents sélectionnés, on a la confirmation de cette impression.  Sur 60 documents (exceptés cartes et photos, composés de 22 panneaux non répertoriés), 6  documents seulement concernent la déportation des israélites.[120]  D'ailleurs, le plan général de l'exposition met l'accent soit sur l'organisation des mesures de répression ou sur les lieux d'internement (chapitre 1 : organisation des mesures de répression; chapitre 2 : lieux d'internement en Belgique; chapitre 3 : lieux d'internement en Allemagne; chapitre 4 : camps de concentration).  et quand on cite des camps de concentration, on cite les camps de Dachau, Natzweiler, Mauthausen, Vught, Sashsenhausen, Buchenwald, Dora, Flossenburg, Gross-Rosen, Ravensburg, Neuengamme.  Seul le chapitre 6 concernera la déportation des «israélites».[121]

Le matériel sera préparé et livré par les services du Ministère de la santé publique en juin 1963.  En plus de ce que nous avons  déjà cité, l'inventaire du matériel précise que cinq autres documents (panneau de photos et cartes) seront consacrés à la résistance juive ou à la déportation raciale sur les 14 compris dans ces panneaux.[122]

On a de nouveau confirmation que l'accent est mis plutôt sur la résistance que sur la déportation raciale.  Si dans les années 80, Auschwitz deviendra symbole de la déportation raciale, pour l'Amicale à ce moment, il n'en n'est pas question et nous en aurons confirmation quand nous étudierons l'évolution des appellations que se donnent l'Amicale de Silésie.

Il ne restera plus qu'à faire parvenir ces documents au musée et à les installer, ce qui sera fait en 1965 «Notre Ambassadeur à Varsovie m'a récemment entretenu du sort réservé par les autorités polonaises aux divers éléments destinés à évoquer la Belgique dans l'exposition organisée au musée d'Auschwitz.  Etant donné l'absence d'un technicien belge pour l'organisation de l'exposition, le personnel du musée  a été amené à prendre l'affaire à sa charge.  Les dispositions suivants ont été adoptées : les planches ont été exposées d'après la succession indiquée dans votre inventaire, cependant, vu le manque de vitrine, une partie seulement de la documentation a pu être utilisée.  Le reste a été déposé dans les archives du musée.   Les autorités polonaises nous demandent à présent de déléguer un représentant qui puisse voir l'exposition et  corriger éventuellement la présentation du matériel.  D'autre part, l'exposition  pourra encore être étoffée par des documents puisés dans les archives du musée.  Peut-être serait-il souhaitable qu'à un stade ultérieur, un historien belge aille dépouiller méthodiquement lesdites archives»[123].  Un projet d'amélioration et de complément de la salle belge avortera en 1967 par manque de crédits[124].  Néanmoins, malgré les imperfections dues à la taille des salles disponibles, l'exposition fut un succès « J'ai l'honneur de vous faire savoir que le musée de l'état d'Auschwitz a informé l'Ambassadeur de Belgique à Varsovie que la salle contenant les planches qui évoquent la Belgique a reçu la visite en 66 de plus de 10.000 personnes».  D'après la même communication, «Un nombre plus élevé de visiteurs devrait être attendus au cours de l'année 67 à l'occasion notamment de l'inauguration prévue pour le 16 avril de monument dans l'ancien camp de Birkenau ».[125] 

De 1966-67 à 1968, nous ne trouvons plus de documents sur cette salle belge du musée d'Auschwitz.  Un événement extérieur à l'Amicale va certainement relancer le projet de rénovation et de développement.  En octobre 1977, le Roi en voyage en Pologne, visite le camp d'Auschwitz et notamment la salle belge du musée  «Pour accueillir les souverains au musée du camp se trouvaient aux côtés du conservateur, trois rescapés belges (Ms. Halter, Goldstein et Goldberg) qui participaient précisément ici à un congrès d'anciens détenus [...].  La longue visite des salles où sont montrées des photos, des diagrammes et des maquettes commence alors»[126] et un an plus tard, Henri Goldberg dans une lettre à K. Smolen confirme «Suite à la visite du Roi Baudouin à Auschwitz, nous allons recevoir une aide afin de réaménager la salle belge [...]. Nous envisageons de tout réaliser en Belgique, d'amener le matériel en camions jusqu'à Auschwitz et de monter sur place  les différents éléments déjà préparés en Belgique»[127]

Mais, contrairement à ce qui s'était passé plus de dix ans plus tôt, si bien sûr les autorités (ministère des affaires étrangères) ne voient aucune objection à ce que «la section belge d'Auschwitz soit renouvelée et qu'INBEL y prête son concours», elle réclame des garanties financières et scientifiques. Garanties financières : « Le département a exprimé le voeu qu'au préalable, vous (l'Amicale) mettiez au point avec les autorités polonaises les modalités techniques et financières concernant la bonne conservation d'une éventuelle section  belge rénovée et l'obligation des autorités polonaises à la conserver ouverte au public.  Les contacts que vous avez eus en son temps avec M. Smolen, directeur du musée, laissent prévoir un aboutissement satisfaisant pour les deux parties concernées.  Bien que les informations précises quant aux modalités financières de bonne conservation de la section soient toujours restées dans le vague.»[128].

Garanties historiques : «En vue de procéder à la rénovation de la section belge du musée d'Auschwitz, j'ai l'honneur de vous informer que Monsieur le Ministre des Affaires  étrangères a estimé nécessaire qu'un groupe de travail soit créer afin de donner son avis sur le contenu de la partie historique du futur bloc belge. Il pense que votre aide serait particulièrement précieuse à l'élaboration de ce projet.  Seriez-vous disposé à accepter cette collaboration auquel cas je vous invite  à une première réunion au cours de laquelle il sera procédé à l'installation du groupe de travail»[129] 

Cette commission de travail sur la rénovation du secteur belge d'Auschwitz comportera à la fois des  représentants de l'Amicale (H. Goldberg, M. Goldstein, P. Halter), des personnalités indépendantes (P. Levy),  des représentants des autorités (K. Ceule), mais l'essentiel du travail historique sera réalisé par le centre de recherche et d'étude historique de la seconde guerre mondiale représentée par son directeur, Jean Van Welkenhuizen.  Le projet définitif comportait un monument commémoratif réalisé par Serge Kreuz et une exposition, notamment de photos, fournies par le centre.  Le tout couvert par un crédit de 6 millions. 

Les 7 et 8 octobre 1982, un vernissage officiel de l'exposition aura lieu au Palais des Congrès de Bruxelles, en présence du Roi. L'exposition provisoire (clôturée le 21 octobre 82 avant son démontage et envoi en Pologne) permettra au public belge d'apprécier le projet sans nécessairement se rendre à Auschwitz. 

On peut remarquer que par rapport à la première exposition, il y a un léger changement d'orientation.  Si le soucis du groupe de travail de rénovation est toujours de situer la Belgique et expliquer les différents aspects de la souffrance et de la lutte du pays pendant la guerre, tout particulièrement les aspects souvent peu connus [ comme la presse clandestine, les filières d'évasion, les réseaux de renseignements][130].  Il semble que la conception et le sens même de ce genre d'exposition a totalement changé. 

Dans son discours inaugural du mémorial Auschwitz[131], Maurice Goldstein précise «Le bloc belge devait être rénové depuis longtemps, car son conception était dépassée et les documents exposés avaient vieillis»[132] et continue «L'Amicale des ex-PP d'Auschwitz et la Fondation Auschwitz, sous la vigoureuse direction de mon camarade  de captivité, Paul Halter, ont réussi, après de longues années de négociations , de démarches et de discussions à réaliser cette nouvelle exposition belge destinée à être installée ultérieurement dans le musée international à Auschwitz.  la conception artistique du mémorial que vous allez visiter est due au grand talent du peintre, Serge Kreuz»[133]. Le choix des mots n'est pas innocent.  On ne parle pas d'exposition, même pédagogique, mais on parle  de mémorial.  D'ailleurs la présence d'une partie artistique est significative.       De plus la présentation de l'exposition mémorial est conçue pour susciter chez le visiteur recueillement, émotion et pas nécessairement rigueur historique : «Description du bloc belge d'Auschwitz [...] : entrée : inscription en trois langues Belgique-Belgïe, un salon d'aspect banal chez n'importe qui pour mettre en évidence la vulnérabilité de chacun, tables recouvertes d'un tapis, deux devoirs d'écoliers en cours, tricots inachevés, sur le piano , une partition de Chopin; aux murs, des reproductions de Rubens et Breughel, une étagère dans un coin représentant des photos de famille dans les petits cadres, une fenêtre donne sur une rue calme, un lustre pend au plafond, au sol, des carpettes.  Salle de méditation : on entre dans un monde de tôles rouillées, l'on parcourt au sol des empreintes de chaussures hommes, femmes, enfants , dans les salles couleur terre cuite au départ qui change petit à petit pour finir gris cendre.  Les chaussures sont remplacées par des socques et sabots, puis en fin de parcours, ce sont des pieds nus qui vont vers les panneaux de fond où figurent simplement de grands regards tristes.  Sur le mur de gauche, une famille avec valise.  Sur le mur de droite, la même famille ou ce qu'il en reste, le père en tenue rayée, la mère et les enfants ne sont plus que des trouées dans la tôle.» Vient seulement après ce passage initiatique, l'exposition  historique proprement dit «Mise en scène: «exposition des paravents  de bois en palissades grossières en alternance une découpe triangle, une découpe étoile de David, les planches sont teintées en gris clair, en gris-bleu, évoquant le costume des détenus; documents sur l'exode, la vie quotidienne dans la Belgique occupée, les radios clandestines, les bombes V1-V2, les prisonniers soldats en Allemagne, la presse clandestine, la résistance, le sabotage, des prisonniers dans la Belgique : Huy, Breendonk, Brasschaat, Saint-Gilles, Malines, ... , une reproduction en grand d'une double page de photos de fusillés, affiche allemande pour la recherche des aviateurs alliés, des prises de position patriotiques, des annonces de fusillades, de réquisitions, affiches et documents sur les Belges à Londres, ou sur les Belges d'Afrique, l'apport du Congo à l'effort de guerre, maquette du monument de Breendonk, lettres condamnés à mort, brassards, objets divers évoquant l'action des résistants.»[134] 

Pourquoi ce changement ?  Il est presque certain que la transformation de la vision d'Auschwitz et des symboles qu'elle apporte dans la déportation puissent influencer cette nouvelle manière d'envisager une exposition commémorative.  Contrairement à ce qui apparaissait peu dans la première version de la salle belge, Maurice Goldstein, dans son discours de vernissage accordera une importance particulière à la déportation raciale : «Dans ce musée sont réunies les preuves du régime infernal auquel avaient été soumis les prisonniers qui survivaient à la première sélection qui envoyait environ 75 % des arrivants juifs et tsiganes dans les chambres à gaz [...].  Bon nombre d'anciens blocs du camp ont été transformés en pavillons nationaux dans lequel les pays où existent des survivants d'Auschwitz retracent les persécutions nazies contre la résistance, les opposants, ainsi que les génocides juifs, tziganes et slaves.».  Mais, dans un même temps, le discours compense cette impression «Au nom du CIA, je tiens à féliciter l'Amicale belge et la fondation Auschwitz pour cette grande oeuvre qui permettra aux centaines de milliers de visiteurs du musée d'Auschwitz de mieux connaître la Belgique dans la guerre 40-45, le rôle de son armée, de la résistance organisée, de l'insoumission du peuple belge, du sauvetage des juifs traqués et la souffrance  des déportés belges.». 

La raison de cette « sentimentalisation » de l'exposition et du bloc belge peut certainement être trouvée dans le changement d'objectif de l'Amicale, changement que nous avons déjà analysé lors du chapitre sur les voyages.  Une présentation telle que celle proposée, notamment par Serge Kreuz, fait appel à la pitié et à la compassion et par là, bien sûr, à la haine, au mépris et à l'aversion pour ceux qui sont responsables de la déportation et des persécutions.  Pourquoi passer d'une exposition purement documentaire ou didactique à une exposition axée sur les sentiments ?  Simplement parce que  le public cible a changé.  L'Amicale et son relais, la Fondation, veut sensibiliser les jeunes générations au phénomène concentrationnaire, et estime qu'il faut plus lui parler par le coeur que par l'intelligence. D'ailleurs dans le discours de vernissage, le «public cible est très bien cerné : «Je voudrais encore vous éclairer sur notre manière à tous de lutter.  Notre travail nous conduit vers les jeunes  Grâce à l'intense collaboration du Ministère de l'Education nationale, [...] et notre membre d'honneur Willy CALEWAERT, une directive ministérielle fut adressée aux écoles du secondaire dont voici le texte. Nous citons: celui qui ne connaît pas l'histoire est prié de  se la rappeler [...]. Les temps difficiles que nous vivons et non les moindres, notamment les circonstances économiques donnent hélas matière à  un nombre de tendances négatives.  Notre pays voie également les premiers signes du terrorisme. Le fait de trouver des personnes désintéressées qui sont prêtes à donner des informations dans les écoles sur les pages les plus sombres de l'histoire du 20ème siècle et de toute l'humanité doit nous réjouir.  Par de pareilles initiatives, les écoles peuvent élargir leurs perspectives de participer à la formation fondamentale du côté humain de nos jeunes et arriver à une plus grande sociabilité.».              Il faut donc agir sur le comportement des jeunes. La présentation reprend en même temps les arguments traditionnels utilisés par l'Amicale depuis 1977 «En une période où certaines voies osent nier l'existence de l'enfer d'Auschwitz, nous sommes là pour témoigner de l'atroce vérité des années 39-45.  Par conséquent, nous luttons pour tenir à l'écart les groupes fascistes qui ont l'esprit nostalgique de la seconde guerre».

2.2.4) Le monument international Auschwitz

Nous allons plus rapidement passer sur ce monument international Auschwitz car si l'Amicale a déployé une activité assez importante pour la recherche de fonds permettant de financer ce monument, ces activités sont essentiellement  des activités culturelles et sans beaucoup de conséquences historiques ou politiques.  Notons néanmoins, que ce travail autour du monument international Auschwitz est le reflet de la philosophie de l'Amicale avant sa rénovation.  A ce moment, entre 1957 et 1967, il suffisait de se présenter devant un monument ou de réaliser un monument pour que le message soit directement compris.  Tout le monde savait ce qu'il représentait et ce que représentaient des amicales de déportés telle que l'Amicale de Silésie. 

En 1957, le Comité International Auschwitz «a décidé qu'un monument international sur l'emplacement même du camp devait perpétuer le message laissé par les millions d'êtres humains exterminés à Auschwitz et dont les voix aujourd'hui se sont tues.  Les rescapés et les familles de disparus  lancent un appel à tous les artistes, à tous les architectes du monde pour réaliser ce projet, pour ériger, creuser et tracer ce qui marquera à jamais ce que fut Auschwitz.» et immédiatement, les modalités pratiques sont déterminées. «La plus entière liberté d'expression est laissée aux artistes, sculpteurs, groupes d'architectes qui se donneront la noble tâche de travailler à cette oeuvre.  Les auteurs ne doivent seulement jamais oublier que ce monument commémorera non seulement le martyr et la lutte, mais aussi la fraternité née dans la souffrance et le combat commun, cette fraternité dont la flamme fut plus vivace que celle des crématoires»[135].  Cette dernière phrase est importante car elle reflète le grand consensus des années 45-70 : un seul ennemi, une seule résistance.

Le règlement particulièrement touffu, prévoit un concours en deux niveaux. Chacun des sculpteurs, architectes, artistes des pays sollicités envoie son projet. 20 d'entre eux seront sélectionnés et exposés, puis un seul sera définitivement réalisé.  Le jury sera composé outre d'un représentant du musée d'Auschwitz et du CIA, d'artistes souvent de très grande qualité : deux architectes désignés par l'Union internationale des architectes, Guiseppe Perugini et M. Bacema, deux artistes désignés par  l'association internationale des arts plastiques : Henri Moore et un critique d'art désigné par l'association internationale des critiques d'art : M. Lionello Venturi.  L'Amicale servira de relais vers la Belgique à l'annonce du concours[136] et essayera de trouver des personnalités pouvant participer au comité de parrainage du projet. 

La personnalité la plus prestigieuse contactée fut la reine Elizabeth qui avait déjà accordé son patronage au projet mais directement au CIA.[137] D'autres personnalités vont également rejoindre ce comité de patronage : Jean Terfve, Marc Eyskens, O. Van Audenhove (Ministre des travaux publics), S. Lehouck-Jerbehaye (sénateur), M. Dubuisson (recteur ULG), M. Bruyninckx (président amicale des anciens prisonniers NN de Natzweiler), Julien Geldorf (président de l'amicale internationale des prisonniers politiques et ayant droits de Mauthausen, Octave Lohest (président national de la FNC, Belgique), P. Lambrechts (recteur Université de Gand), A. Canivet (président de  l'association nationale des rescapés de Breendonk), H. Janne (recteur de l'ULB), G. Hubert (président de l'association nationale des condamnés à mort de la guerre 14-18 et 40-45), Henri Guineur (président de l'Amicale de Buckenwald), J. Borremans (président national de l'Amicale de Dachau), le Chanoine J. Aerts (professeur à l'Université de Louvain au nom du recteur de l'université), l'amicale de Dora, l'amicale des prisonniers politiques de Rhénanie, L. Ros (président de l'amicale de Bourg-Léopold), l'amicale des PP et rescapés du convoi du 3 septembre 44, A. Salquin (présidente de l'union nationale des mères et femmes de fusiliers et prisonniers politiques décédés), L. Cosyns (présidente de l'amicale des anciennes prisonnières politiques des camps et ayants droits du camp de Ravensbrück), M. Dejean (président de la Fédération nationale des militaires mutilés et invalides de guerre), Alfred Dumont (président de l'amicale des internés d'Espagne), A. Willemet (président de l'amicale nationale des prisonniers politiques et ayant droits de Flossenburg), Claire  Vandenboom (amicale des anciennes prisonnières politiques de Ravensbrug), Max Gottschalk (président du Consistoire central israélite de Belgique), Edmond Leburton (député, Bourgmestre de Waremme), A. Schevenhals (présidente de l'amicale de Vught), P. Philippson (président de la communauté israélite de Bruxelles), P. Meyers (Ministre de la santé publique et de la famille, président du comité  d'honneur et de patronage belge après le refus du premier ministre).

Plus de 600 participants, dont 27 artistes belges se soumirent aux règles du concours et finalement, après bien des retards dus à des causes financières et climatiques, le monument fut inauguré le 16 avril 1967.  Durant ces dix années, la participation de l'e l'Amicale au projet, ne fut que d'organiser des activités dans le but de récolter de l'argent (telles que contact avec les milieux anversois, contacts avec les autorités, notamment avec les autorités de tutelles, projet de «vendre le monument par petits bouts», collectes, concerts de Gala de David Oïstrakh et diffusion en radio).

Notons enfin que l'inauguration du monument fut l'occasion d'organiser un pèlerinage. 

Les activités sociales, politiques et culturelles de l'Amicale sont comme nous l'avons déjà vu, liées à la lutte contre le nazisme, mais également à la philosophie extrêmement pacifique du mouvement.  Nous l'avons déjà envisagé en étudiant ces étranges relations avec le CIA et en établissant la simple chronologie des activités de l'Amicale.

3) Les changements dans la philosophie de l'association

Après le bref historique de l'Amicale, l'analyse chronologique des documents à notre disposition peut nous permettre de répondre à une série de question :

- quelle est l'évolution de l'activité de l'Amicale et au-delà
- quelles sont ses zones de sommeil et de paroxysme
- y a-t-il parallélisme entre ces zones et le contexte politique, social et culturel ?
- y a-t-il parallélisme entre ces zones et l'activité des hommes, leur arrivee, leur depart
- pourquoi et comment s'est transformée l'action de l'Amicale
- quelle est l'importance dans le processus de décision du secrétariat, du comité directeur et des membres

 3.1)  L'activité quantifiée 

Les résultats de l’analyse quantitative des sources sont clairs[138].  La vie de l'Amicale ne se déroule pas tranquillement, mais connaît un cours très irrégulier.

On peut déterminer 3 périodes principales :

1957-1967 : période d'activités soutenues
1968-1976 : période de léthargie
1977-1985 : période d'activités très soutenues

Mais au sein de ces périodes apparaissent des disparités

1957-1967 : grande activité

1959-1961 : baisse d'activité
1962 : regain d'activité
1963-1964 : baisse parfois importante d'activité
1965-1967 : regain d'activité

1967-1976 : très nette baisse d'activité générale (légère reprise en 1976)

1977-1985 : apparition d'une hausse d'activité bisannuelle  1978, 1980, 1982

Seule cette disparité dans la 3ème période peut, dans l'état actuel de notre exposé[139], trouver une explication. Ces regains d'activités correspondent exactement aux grands voyages d'informations organisés par l'Amicale. La question essentielle est : pourquoi une telle évolution en dents de scie dans la vie de l'Amicale ? Même si on peut parler d'une décade  florissante, les années 57-67 n'atteindront jamais le niveau d'activité des années 77-85.  Ce phénomène est certainement lié, et la lecture des documents semble le confirmer, à la transformation lente de l'état  d'esprit de l'Amicale.  D'abord une association d'anciens ayant vécu les mêmes tourments, ensuite une association visant à éterniser le souvenir et même à théoriser le phénomène concentrationnaire.

3.2) Une association d'anciens   

Malgré le faible nombre de documents pour la période précédent 1976 (et surtout pour la période précédent 1960), l'historique et le bilan d'activités nous montre que l'Amicale a, dans les années 50-60, une activité «classique» d'association d'Anciens : cérémonies anniversaires et commémoratives, réunions amicales et parfois simplement formelle dans un lieu de restauration, lutte pour l'intérêt de ses membres, réaction plus ou moins forte à des événements ou états de chose qu'elle regrette, et parfois conflits d'inspiration tout autant personnelles que politiques.  

Comparons pour cela 3 Procès verbaux sur 18 : 1957-1960-1975[140]

1957 : Le premier Procès-verbal dont nous disposons (en fait une convocation à l'Assemblée générale de l'Amicale) propose un ordre du jour  varié :

«- Rapport de la présidente sur une réunion du CIA à Francfort sur trois thèmes intéressant l'Amicale : Procès Claubert, Revendication d'Anciens détenus  l'égard d'IG Farben, Concours international pour l'érection d'un monument à Auschwitz - Rapport vice-présidente sur l'Unité des Ex Prisonniers  Politiques en Belgique au sein de la CNPPA - Compte-rendu de la trésorerie - Commémoration annuelle de l'Amicale »[141]. Soit : deux sujets sur les rapports de l'Amicale avec d'autres associations, deux sujets «Réparations et poursuite des criminels nazis», deux sujets «commémoration - vie quotidienne de l'Amicale»

1960 : Toujours une convocation à l'Assemblée Générale annuelle qui propose un ordre du jour en quatre points :

"- Anniversaire de la libération des camps et graves problèmes de l'heure - Activité de la CNPPA [...] et le problème des  récupérateurs Allemands [...] - Difficultés d'application des lois allemandes concernant les réparations [...] - Information sur le pèlerinage aux camps de Silésie à Pâques 1960 »[142]. Soit : un sujet sur les rapports de l'Amicale avec d'autres associations, deux sujets «réparations», un sujet «commémoration». Le thème de réflexion «graves problèmes de l'heure» est assez original, mais un paragraphe suivant les signatures en donne le sens, qui rejoint la catégorie traditionnelle des cérémonies commémoratives : «  La Fraternelle des Amicales des Camps organise en signe de protestation contre les récentes manifestations nazies, une cérémonie de réparation devant les urnes du front de Breendonk et à la caserne Dossin à Malines »[143]

1975 : Le procès-verbal de la réunion du 15 janvier 1975 du «Comité» [de l'Amicale] reprend une série de comptes-rendus d'activités ou de projets d'activités :

«- Léon est désigné pour représenter l'Amicale [...] au Mémorial juif [...] - Commémoration MALA [...] - Commémoration : Trepper présenterait son livre et le signerait [...] - Commémoration : Max propose la publication d'une brochure qu'il a mise sur pied [...] - Réunion annuelle ». Soit : deux sujets  «commémoratifs», deux sujets «culturels mais à connotations commémoratives», un sujet «vie quotidienne de l'Amicale»

Après ces extraits de procès-verbaux ou d'invitations, on peut voir immédiatement que pour cette période (ou jusqu'en 1976), l'essentiel des activités sont d'une façon ou d'une autre commémoratives et presque jamais axées directement sur la sauvegarde de la mémoire. La question des générations est ici importante.  Les générations adultes des années 40-45 vont craindre que les générations plus jeunes ignorent leur expérience et se laissent aller à des comportements extrémistes qu'ils réprouvent.  Pour une partie des déportés, la commémoration est le moyen d'éviter ce travers. Or, par nature, une action telle que la remise de fleurs ou la manifestation est ponctuelle et ne concerne que les acteurs directs (et parfois les autorités).  Si dans l'immédiat après guerre, la valeur de souvenir de ces activités est évidente, après quelques années, elle perd de son importance et n'intéresse plus que ceux qui ont vécu les années de guerre.

De plus, le travail d'éducation à long terme ou simplement de sauvegarde de la mémoire des déportés ne sera capital qu'avec le temps.  La disparition des témoins rend nécessaire d'autres activités plus complexes que les simples «inaugurations de chrysanthèmes».

Il est clair que cet échantillonnage d'activités, sur une base déjà réduite, n'a pas une pure valeur exhaustive.  C'est pourquoi il faut le compléter par les informations déjà données dans les autres chapitres.[144] Si l'on divise les activités selon les grandes catégories (déjà utilisés dans le chapitre précédent) on obtient la répartition suivante :[145]

Activités

Nre

actions commémoratives (Breendonk, Flamme du Soldat Inconnu, inauguration de mémoriaux, musées, monuments

28

voyages (Silésie)

6

actions en justice/réparation/indemnités

5

oeuvres sociales (aide à un membre, recherche de disparus)

9

conférences/actions pour la mémoire (diffusion de livres et de films sur la déportation, exposition, salle belge musée Auschwitz)

13

Manifestations et protestations contre néonazisme / manifestations politiques (manifestations pacifiques, anti-américaines, anti-nucléaires, anti-allemandes)[146]

17

actions visant d'autres associations

9


De toute évidence, après l'analyse générale des activités 1956-1969, les actions commémoratives tiennent une grande place dans la vie de l'amicale, ce qui confirme l'hypothèse émise après l'étude de l'échantillonnage des procès-verbaux.  A ces actions, on peut ajouter les voyages sur sites de déportation qui préparent à une commémoration et les actions visant d'autres associations qui sont souvent des contacts en vue de commémoration traditionnelle. Par contre, on peut pondérer cette affirmation quand on tient compte des «conférences» et «actions pour la mémoire» (13 cas). Il semble que l'Amicale eu, pendant cette période, un noyau non négligeable d'activités liées à la mémoire. Mais en y regardant de plus près, on se rend compte qu'il s'agit essentiellement de la diffusion de livres non produits par l'Amicale ou par l'un de ses membres, de diffusion de films exogènes ou plus socialement de recherches de prisonniers disparus. Donc, les activités décrites sont effectivement essentiellement commémoratives ou  liées à des commémorations.

Même la recherche d'argent a pour but la construction de monument ou la rénovation d'un site. L'Amicale a toutefois une démarche originale dans cette action : les cotisations et les dons des membres ou des autorités sollicitées étant insuffisants[147], un nombre impressionnant d'activités culturelles vont être organisées : galas cinématographiques (toujours en rapport avec la déportation, la deuxième guerre ou les Droits de l'homme[148]), concerts (souvent de très bonne qualité), diffusion de livres, théâtre, ... Cette recherche d'argent doit également alimenter le «Fond Social» et les frais de fonctionnement d'une Amicale qui «marche» essentiellement sur la bonne volonté et le volontariat de ses membres).

Mais, ce n'est pas parce que les activités de l'Amicale sont commémoratives qu'elles ne demandent pas un très important travail. Le temps passé pour l'organisation de ces activités devait demander des investissements et des sacrifices de temps majeurs pour des membres qui en avaient une activité professionnelle.

Enfin, plus intéressant parce qu'annonçant l'évolution de l'Amicale vers une série d'activités particulièrement axées sur la mémoire, les manifestations et protestations politiques sont assez nombreuses (17 cas).  Malheureusement, il faut y distinguer, des sous-catégories qui ont peu de rapport avec la déportation : lutte contre les bases américaines, manifestations pacifistes.

3.3) Vers une association pour la mémoire

Comme nous l'avons vu, la vie de l'Amicale est divisée en trois parties selon l'importance de ses activités.  La période des origines à 1967 dont nous venons d'analyser la spécificité; la période 1976-1977 - 1980 que nous étudierons dans le paragraphe suivant et la période 1968-1975. Cette dernière est assez importante, outre sa signification politique et personnelle, elle montre l'essoufflement d'une association qui ne peut se satisfaire d'actions ponctuelles, prenant beaucoup de temps en préparation, mais d'un rapport très faible.

Cette impression est renforcée par les aveux de Mariette Altorfer qui après vingt ans de présidence : «demande à être déchargée de ses fonctions», car elle est «troublée par le manque de répercussions d'une réunion, telle que celle qu' [elle vit]» Cette réunion du Comité du 7 octobre 1975 est très importante.  Face à Mariette Altorfer «très découragée» car l'Amicale « ne l'intéresse plus», le Comité est obligé de s'interroger sur l'intérêt et l'organisation de celle-ci.  Bien que cette réflexion prenne parfois des allures de psychodrames, Paule Halter résumera très bien le problème : «L'Amicale collait à l'actualité. Les problèmes actuels [traités par l'Amicale jusqu'a cette date] sont inintéressants.  Auschwitz devait exister pour que ça ne se représente plus.  Il y a le Chili, l'Espagne, etc. ». En quelques mots, P. Halter a résumé l'angoisse existentielle des membres de l'Amicale en 1975 : les activités passées étaient de leur temps mais il faut trouver une autre formule pour que leur expérience serve d'exemple : «il faudrait essayer de raccrocher pour faire quelque chose sur le plan international pour éviter le renouveau d'Auschwitz».[149]

Il est évident que ces éléments expliquent la renaissance des activités de l'Amicale dès 1977.  Notons que ces préoccupations nouvelles lui ont permis de survivre et même de se régénérer, contrairement au destin semblable de la majorité des associations d'«anciens de la 2ème guerre» qui disparaissent petit à petit par la disparition de leurs membres et ne représentent plus actuellement qu'un nom, une coquille sans vie.

Constatons pourtant que les années 57-67 ont également eu leur «grande affaire» telle la conception, la récolte de fonds, la construction de l'inauguration du Monument International Auschwitz pour lequel l'Amicale, comme les autres associations adhérent au C.I.A. à déployer une activité intense.  Mais ce fait semble confirmer les propose précédents : créer un monument ressemble plus à une action commémorative d'anciens qu'à une action historique (Fondation et lutte contre le révisionnisme) ou militante (lutte contre le néofascisme).

Il faudrait attendre une restructuration dans la direction de l'Amicale pour voir naître une série d'initiatives plus orientées vers l’histoire, la théorisation de la déportation et la sauvegarde de la mémoire du génocide. Le changement de président concrétise ce changement plus profond[150]

Or, c'est à partir de 1976 que va renaître l'Amicale suivant une orientation nouvelle.  C'est d'ailleurs explicitement décrit dans la Circulaire du 10 mars 1976 posant la question de la survie de l'Amicale, proposant les orientations nouvelles et expliquant les motivations de la renaissance. (Elle est précédée de prise de position ferme dans les Procès-verbaux du 25 novembre 1975 et du 27 janvier 1976 sur la restructuration et la réorganisation de l'Amicale.)

En novembre 1975, lors de la réunion du Comité, une discussion sur l'objet de l'Amicale est sans ambiguïté; «le rôle de l'Amicale [est] la lutte contre le fascisme» mais [cette] composante [...] n'est pas la seule. Indépendance et liberté sont des buts valables au même titre que la lutte contre le fascisme.  Ces luttes ne sont pas terminées avec les aspects nouveaux non familiers, que peut prendre le fascisme»[151].  Le problème était posé, il fallait lancer une opération de réflexion tout en justifiant le renouveau «Depuis trop longtemps déjà, nous n'avons pas donné de nos nouvelles.  Avouons que nos activités se sont fortement réduites; la raison en est la fatigue (nous ne rajeunissons pas) et avouons le aussi, quelque peu le découragement, l'impression de tourner en rond expédiant les affaires courantes, c'est-à-dire les différentes représentations auxquelles nous avons l'habitude de participer. Pourtant nous avons mauvaise conscience ! S'il est vrai que tous devraient être révoltés par la renaissance du fascisme, du recours à la violence et à la torture, un peu partout dans le monde, pour nous, anciens d'Auschwitz, le silence s'appelle complicité».  Le ton est résolument optimiste et militant. «Afin d'insuffler une nouvelle force à notre amicale, notre comité s'est réuni sous la présidence de Mariette Altorfer et après de longues discussions nous sommes arrivés à la conclusion que nous avions encore un rôle à remplir.  Aussi, afin de rendre vie à notre amicale, afin qu'à nouveau la voix des anciens concentrationnaires s'élève et s'indigne contre tout essai de renouveau des atrocités que nous avons vécues, [...], nous avons constitué un comité exécutif restreint; son but immédiat a été défini : 1) de réunir une assemblée générale en avril ou mai prochain au cours de laquelle nous attendons vos suggestions, vos propositions et éventuellement une relève au sein du comité ; 2) de décider concrètement quelles actions nous désirons mener ; 3) quel devrait être encore le sens de notre travail ; 4) de prendre tous ensemble la décision formelle de ne pas laisser mourir notre Amicale»[152].

L'un des résultats de ce «Brain Trust» est exprimé dans la lettre envoyée au Comité par A. MONCZYK : «L'objectif immédiat que nous devons nous fixer, est la lutte contre le racisme chaque fois que les principes de liberté [...] sont remis en question nous devons nous manifester.  Pour cela, nous devons user d'armes diverses. La plus importante est l'explication rationnelle : articles, livres, conférences, dialogues en sont les supports» et enfin plus loin encore «Elle doit tenir une place de choix dans l'enseignement de tous les degrés, elle doit s'accompagner nécessairement de la dénonciation des écrits racistes [...] surtout sur les livres de classe».[153] Ici tout est dit : lutte contre le fascisme et sa résurrection, lutte contre le racisme, action sur l'enseignement donc sur les jeunes générations[154], lutte contre tout système voulant réinstaurer le phénomène concentrationnaire.  On n'est plus dans un système d'évocation mais dans une problématique de prospection sur un phénomène particulier.

Cette philosophie de l'association nouvelle sera confirmée dans le Rapport d'activité de l'Amicale diffusé à l'occasion de l'Assemblée générale du C.I.A. (2/6 octobre 1980) où l'Amicale jette un regard sur un passé de quatre ans comme un convalescent jette un regard sur l'évolution favorable de sa maladie.  La mort est loin, mais la santé est encore fragile : « Les 3 années qui se sont écoulées depuis notre dernière assemblée générale ont rendu plus impérative encore l'action politique des rescapes d'Auschwitz.  En effet, la dégradation de la situation économique a montré son vrai visage : il s'agit d'une crise profonde de la civilisation où toutes les structures sont remises en question ainsi que les valeurs politiques et morales qui régissent les sociétés.  Parallèlement à ces remises en question fondamentales, nous assistons à une accélération de la technologie qui contraint chaque travailleur à se remettre en question de façon permanente sur le plan de la formation ainsi que celui du cadre et des conditions de travail.

Toutes ces conditions de vie angoissent les hommes qui, par nature, cherchent des valeurs sûres et simples auxquelles se raccrocher. Le néo-fascisme, appliquant une technique ayant fait ses preuves avec leurs prédécesseurs, se fait le chantre d'une société sans chômage où règne l'ordre, la justice et où chacun sera heureux - bien entendu, les étrangers et les juifs, qui sont la cause de tous les maux, auront le traitement qu'ils méritent et nous savons tous par expérience à quoi cela mène. Dans cet esprit, notre amicale a systématiquement participé aux activités et manifestations de l'Initiative Internationale pour une Europe sans fascisme, qui a oeuvré en particulier contre la prescription des crimes nazis et qui a finalement obtenu gain de cause. Depuis notre dernière assemblée générale, nous avons travaillé à mettre en garde, principalement les jeunes, contre les dangers du fascisme.  Hélas, la toile de fond de cette action n'est pas très encourageante : les Etats édictent des législations qui restreignent de plus en plus la liberté des individus, le nombre de régimes démocratiques fond comme neige au soleil et rares deviennent les pays où manifester une opinion contraire à l'idéologie de l'Etat ne constitue pas un délit d'opinion puni d'emprisonnement dans un camp de concentration ou de mort, suite à une parodie de procès, voire sans procès.»

Cette évolution sera confirmée dans le rapport d'activités de la Fondation Auschwitz pour 1983 et sera reprise dans l'«historiographie officielle» de l'Asbl : «La Fondation Auschwitz est une émanation de l'Amicale des ex-Prisonniers politiques d'Auschwitz Birkenau - Camps et Prisons de Silésie, créée elle-même en 1945, au retour des prisonniers politiques des camps de concentration et d'extermination nazis.  Au cours des années 1970, face à la résurgence du nazisme et du fascisme un peu partout dans le monde, les ex-prisonniers politiques se sentent le devoir de réagir, de réagir d'autant plus que les anciens nazis tentent de nier l'existence même des camps de concentration et d'extermination.  Ils décident d'entreprendre des actions d'information, surtout auprès des jeunes. [...] L'Amicale estimant qu'il est de plus en plus nécessaire d'informer les jeunes, organise, en 1978 [...] un pèlerinage à Auschwitz, auquel participent 152 personnes, dont 120 jeunes, choisis par tirage au sort, voyageant entièrement aux frais de l'Amicale et encadrés par la presse, la télévision et le cinéma. [...] Souhaitant alors étendre ses actions et voyant les témoins des camps disparaître chaque année, l'Amicale décide de créer une nouvelle association qui permettrait à la nouvelle génération de pouvoir participer à ses actions et de les développer.  Cette nouvelle association, créée le 27 janvier 1980 est dénommée A.S.B.L. FONDATION AUSCHWITZ.  Dans l'esprit de ses fondateurs, la FONDATION AUSCHWITZ doit prendre la relève de l'Amicale dans les années à venir.»

De plus, si tout en prenant des précautions on comptabilise les procès-verbaux (ou documents parallèles) d'assemblées générales et de réunions de comités restreints et élargis, on remarque que ceux-ci sont nombreux[155] et très réguliers à partir de 1976.  Signe que l'Amicale s'institutionnalise ou du moins a des activités plus régulières et moins ponctuelles.  Notons, en plus du faible nombre de documents généraux, l'absence totale de procès-verbaux de 1962 - 1973  et leur extrême rareté de 1957 à 1961 et en 1974 - 1975. La lecture des procès-verbaux de réunion du comité de l'amicale et des assemblées générales, à partir de juin 1976 sont très intéressants car ils révèlent également cette volonté de renouveau et de réorientation et donnent la chronologie de ce changement : «Plusieurs réponses nous sont parvenues suite à notre lettre du 10 mars 1976.  Tous souhaitent maintenir notre amicale en vie». C'est pourquoi le signataire de la circulaire Paul Halter souhaite «afin de reprendre les activités dans une atmosphère d'agréable détente»[156] réunir une assemblée générale suivie d'un banquet.

Le 13 juin, l'assemblée générale accepte la démission de l'ancien comité (tout en désignant «pour services redus» M. Altorfer et C. Duysbruck Présidente d'honneur) et nomment le nouveau[157] qui immédiatement lance une opération de restructuration : mise à jour du fichier des membres et campagne de recrutement, répartition des fonctions qui ressemble à celle d'un gouvernement réduit de crise avec de très grands pouvoirs donnés à l'exécutif (comité) au détriment du législatif (assemblée générale) : «Commentaires sur la répartition des fonctions : a) Le président : quoique la procédure normale exige que toute décision  de quelque importance doit être prise par les membres du bureau exécutif accessibles; en cas d'absence (voyages...), le Président délègue ses pouvoirs en fonction des circonstances - b) Le secrétaire :  est chargé de tenir le fichier à jour avec l'aide de la trésorière et delà chargée des relations internes [...]. Le secrétaire informera du changement de comité les différents organismes intéressés (Fraternelle, Comité International Auschwitz, CNPPA, Bulletin d'Information des P.P., résistants et combattants, journal des invalides de guerre, les différentes amicales). En ce qui concerne la Fraternelle, Renée Van Hasselt y représentera notre Amicale - c) La trésorière : prendre les dispositions nécessaires afin de faire enregistrer les nouvelles signatures d'accès aux comptes (CCP et bancaire) : - le président, le secrétaire, la trésorière - En outre, pour des raisons d'efficacité, la signature de Maurice Goldstein sera également enregistrée. [...] -d) La chargée des relations internes relancera, sur base du fichier à jour, les camarades non encore membres de notre Amicale y compris les ayants droit - e) Le chargé des relations extérieures informera Paris, Vienne et Amsterdam, du changement de comité ».

Cette impression est d'ailleurs renforcée par la présentation qu'en fait le rapporteur de l'Assemblée générale dans son compte rendu. Sous la direction du secrétaire, P. Halter (avant le changement de Président avalisé par l'Assemblé), un débat s'engage afin de savoir si le nouveau comité doit être un comité restreint ou un comité élargi au sein duquel serait élu un bureau exécutif.  L'assemblée générale décide de constituer un comité de neuf membres au sein duquel le bureau exécutif de cinq membres sera chargé des tâches d'exécution : « [...] l'assemblée élit à l'unanimité le comité et le bureau exécutif : Président : Paul Halter, Secrétaire : H. Goldberg, Trésorerie : Vlaudine Cougnet (puis Richard Sufit), Relations internes : M. Goldstein, Relations internes : Marie Kruszel »[158]

C'est en fait ce bureau exécutif que  l'on retrouvera systématiquement dans toutes les décisions de l'amicale, aidé parfois par le reste du comité : mise au point d'un programme d'action qui tout en restant traditionnel (anniversaire libération des camps, récolte d'argent) envisage des contact avec la radio TV et pour la première fois un voyage d'étudiants en Silésie ; réflexion en vue d'une désignation précise d'objectifs de l'Amicale : «Par manque de temps, une réflexion commune sur les objectifs de l'Amicale n'a pu avoir lieu. Chacun est prié de mettre ses réflexions par écrit et de  les envoyer avant le 1er septembre au secrétaire qui en fera la diffusion aux membres du comité». Malheureusement, on ne trouve pas de trace du résultat de réflexion si ce n'et ce que nous avons déjà décrit.

Quoi qu'il en soit, dès le 22 septembre 1976, le comité exécutif est sur les rails et détail montrant bien le «changement de propriétaire» : si l'on ne retapisse pas les murs, on change de papier à entête et de drapeau»[159] : «le papier à lettres sera revu [...] la tête de mort sera remplacée par un B.  Ce sera donc un triangle rouge avec un B noir.  Une colonne à gauche reprendra les noms des camps de Silésie [...] le drapeau sera revu en fonction du papier»[160]

Ce tournant dans la vie de l’amicale a certainement pour origine leur impression d’assister à la  résurgence du fascisme et leur crainte face au révisionnisme. Nous verrons plus tard l'importance que l'Amicale/Fondation accorde à ces mots mais dès mai 1977, si révisionnisme n'est pas encore prononcé, l'Amicale se préoccupe de la «négation des camps» et du problème de la «disparition des témoins».

L’aboutissement de cette prise de conscience est certainement la création de la Fondation Auschwitz. Très liée à la disparition des témoins et à la lutte contre le révisionnisme, elle  est l'instrument trouvé par l'Amicale pour répondre à ses craintes. Le procès-verbal du 27 novembre 1979 officialise sa création       : «le comité restreint accepte l'idée [...] de créer une  ASBL - Fondation d'étude sur Auschwitz». La publication des statuts de la nouvelle ASBL au Moniteur en 1980 conclu le processus engagé dès 1975 (ou même dès 1968 si on inclus les années de doute) : «La F.A. a pour objet de promouvoir toute action qui pourra empêcher le renouvellement des horreurs qui se sont perpétuées à Auschwitz Birkenau et dans les camps de concentration et d'extermination». C'est exactement  l'idée émise par Paule Halter cinq ans plus tôt.  De plus, le reste de la description de l'objet de l'Amicale rejointe les préoccupations exprimées par A. Monczy et le Comité de l'Amicale en 1975 : «[le but] est de sensibiliser le public, notamment par l'éducation permanente, à tous les événements et à toutes les actions qui pourrait entraîner la réitération de ces horreurs»[161]

On passe donc entre 1975 et 1980 d'une amicale d'ancien traditionnelle à une amicale préoccupée par la conservation du souvenir qui génère un centre de recherche dont le personnel n'est pas composé d'anciens déportés et dont la mission n'est presque plus commémorative mais scientifique.  Ses buts et activités sont bien décrites dans le rapport d'activités 1978 : « Depuis le 27 janvier 1980, les actions de la Fondation ont été nombreuses : Elle demande à Frans Buyens et Lydia Chagoll la réalisation d'un film basé sur le voyage des jeunes à Auschwitz en avril 1978  [...] Une copie de ce film est remise au International d'Auschwitz et est fort appréciée par tous les autres pays. Plusieurs copies sont également acquises par la ministère de l'Education Nationale pour les établissements scolaires et les cinémathèques. [...] - Le Comité de la Fondation organise en 1980 un voyage à  Auschwitz réservé aux enseignants du secondaire, et plus particulièrement aux professeurs d'histoire, de morale et de religion (68 enseignants) - Elle crée et organise une Bibliothèque réunissant de nombreux ouvrages sur le phénomène concentrationnaire et la Seconde Guerre Mondiale. [...]  - Elle poursuit l'organisation de réunions de sensibilisation dans de nombreux établissements scolaires de l'enseignement secondaire, dans les universités et dans des associations et groupements divers, réunions qui sont suivies de débats auxquels participent des anciens, tous membres du Comité de la Fondation Auschwitz - Elle informe par l'intermédiaire des mass média, recueille des interview de rescapés et des interviews de jeunes.[...] - Toutes ces activités ont eu comme conséquence, pensons-nous, une prise de conscience plus aiguë de l'opinion publique quant aux dangers que représente le fascisme et son cortège d'horreurs et de souffrances pour toute l'humanité.  Nous avons pu constater, lors de nos multiples conférences, discussions et débats avec les publics les plus variés, que la perpétuation de cette mémoire historique est aujourd'hui plus que jamais indispensable si l'on veut enrayer le renouvellement de pareils processus sociopolitiques; surtout actuellement où des voix irresponsables s'élèvent non seulement pour réhabiliter le fascisme, mais aussi pour contester l'existence même des camps d'extermination.  Toutes nos démarches et activités nous ont toutefois convaincus qu'il est possible de restituer cette indispensable mémoire en faisant participer, toujours plus activement, le grand public aux activités de notre Fondation.»

Néanmoins, pour pondérer cette affirmation, il ne faut pas oublier que le projet de Fondation a lentement mûri pour aboutir à ce qu'il est devenu.  N'oublions jamais qu'il ne fut dans les limbes qu'un organisme «bourgeon»  «dont le revenu serait destiné à organiser des pèlerinages de jeunes à Auschwitz»[162]

Les voyages organisés par la Fondations répondent en partie et sans le savoir aux voeux exprimé par Richard Sufit en 1977.

4) Les rapports entre l'Amicale et d'autres associations

Les voyages organisés par l'Amicale sont des révélateurs permettant de percevoir les activités principales et les préoccupations de l'Amicale.  Tout est à peu près dit, il nous reste donc à survoler les autres activités organisées par l'Amicale depuis sa création : les relations avec les autres associations, les actions sociales, politiques et culturelles ainsi que les actions commémoratives et patriotiques.  Contrairement à ces deux dernières activités, essentiellement antérieures à 1978 (excepté la rénovation de la salle belge du Musée d'Auschwitz), l'Amicale a toujours eu des relations avec d'autres associations.  Malheureusement, les archives nous apprennent peu des rapports plus ou moins privilégiés avec celles-ci.  D'autant, que souvent des problèmes de relations personnelles se greffent sur les problèmes philosophiques ou politiques.  N'oublions jamais également que la majorité de ces associations d'anciens sont petites et parfois même microscopiques. 

4.1) Les activités en liaison avec d'autres associations

A l'une ou l'autres exceptions près, les relations de l'Amicale de Silésie avec les autres associations sont courtoises.  L'essentiel de ces dernières sont liées de près ou de loin à la deuxième guerre :

4.1.1) les Amicales d'Auschwitz à l'étranger

Comme par exemple pour la France, l'Amicale des Déportés d'Auschwitz et Camps de Haute Silésie; pour le Luxembourg, l'Amicale des Rescapés et Familles de disparus d'Auschwitz du Grand-duché de Luxembourg et pour les Pays-Bas, Le Nederland Auschwitz Comité). L'essentiel des relations avec ces amicales ont pour propos les échanges de délégations lors des assemblées générales ou cérémonies commémoratives, mais également, l'échange de renseignement concernant des déportés disparus : «J'ai quitté la prison de Lille avec un Viennois, Léo Stark, que j'ai retrouvé à Malines, nous ne nous sommes jamais quitté au camp.  Libérés ensemble, je lui dois beaucoup, même la vie et ce fut un frère pour moi.  Il était réfugié à Bruxelles depuis 38 avec ses parents, puis après l'arrestation de toute la famille, il est venu à Lille où il fut arrêté.  Après notre libération, il est retourné à Bruxelles via la Yougoslavie [...] Je n'ai plus de nouvelles de lui.  Peut être avez-vous une adresse en Israël pour entreprendre des recherches.  Il a mon âge, 58-59 ans [...]  J'ai appris qu'il était parti en Israël.»[163]. Quelques temps plus tard, l'Amicale trouvera ce renseignement. Parfois les liens personnels vont renforcer cette cohésion entre les amicales étrangères et faire de ces réunions des moments agréables : «Mes Chers Amis, je m'excuse de vous écrire tellement tard pour vous remercier pour le bon accueil que nous avons eu chez vous.  Il nous a fait grand plaisir d'être ensemble avec vous et les autres camarades belges.  Et je trouve qu'on a pas profité,  l'un si près de l'autre, de ne pas se rencontrer plus souvent.»[164]

4.1.2) Les associations issues des divers camps, situées en Belgique

Des liens peuvent également se tisser avec d'autres Amicales issues des camps, mais situées en Belgique.  L'Amicale entretiendra une correspondance plus ou moins suivie avec l'Amicale de Buchenwald, Dachau, Mauthausen, Neuengamme et Sachenhausen.  

L'essentiel du courrier sera composé d'invitations aux assemblées générales de l'une ou l'autres associations, mais aussi, et c'est souvent le cas, à l'envoi de lettres de condoléances : «Veuillez m'excuser avant tout de répondre avec un tel retard aux mots si chaleureux et si amicaux que vous m'avez adressés lors du deuil qui m'a frappé dernièrement».  Constatons que ces condoléances ou les réponses suivants sont souvent l'occasion de nouvelles prises de position : «J'avais déjà dans les batailles menées dans la résistance et au sein du camp de Dachau apprécié la grande solidarité qui nous liait, quelle que soit nos nationalités respectives. Les événements douloureux que je viens de vivre, m'ont fait connaître sous un jour nouveau, la valeur de notre amitié créée dans la souffrance des camps».  C'est là un point important.  Outre les fonctions politiques, commémoratives, de lutte contre la résurgence du fascisme, il ne faut jamais oublier que ces amicales d'anciens est avant tout un lien permettant aux déportés, prisonniers, résistants et réfractaires de se retrouver dans une atmosphère souvent amicale, de se soutenir entre personnes ayant vécu les mêmes épreuves : «J'ai voulu vous dire personnellement combien votre affectueuse sympathie jointe à celle de tous les camarades prisonniers politiques et résistants venus des plus lointains pays, m'a été droit au coeur et m'a apporté le réconfort le plus grand  dans la douleur où le destin brutal m'avait placé.»[165]

4.2) Les conflits révélateurs d'une identité

Parfois des conflits permettant à l'Amicale de se positionner, vont émailler ses relations avec d'autres associations.  La rupture avec le CIA est l'exemple le plus significatif.  Mais d'autres cas peuvent ressembler plus à une querelle de clochers qu'a un conflit philosophique ou politique.  En 1978 par exemple, l'Amicale va échanger une correspondance aigre avec l'Association Nationale des Rescapés de Breendonk au sujet du pèlerinage annuel au fort.  «Comme j'ai eu le regret de le dire à Madame Fontaine, nous n'avons pas participé au pèlerinage annuel du 10 septembre passé.  Car nous ne pouvons pas accepter que ce pèlerinage soit une réception à bureau fermé où seules les personnes invitées ont le droit d'assister.  C'est ainsi que l'an  passé nous avons vu refouler une famille avec des enfants.  Car sans carte d'invitation, alors qu'il s'agissait manifestement de personnes qui n'avaient pas souffert de la guerre, car trop jeunes mais qui souhaitaient s'associer au recueillement national) et des jeunes qui refusaient de sortir ont été reconduits par des gendarmes.  Plus incisif, mais aussi plus mesquin : «Par ailleurs, toujours pour des raisons indépendantes de notre volonté, nous n'avions pas de fleurs.  De ce fait la mention au micro de notre Amicale a été refusée.  Croyez-vous par ailleurs que le port du smoking et de la jaquette convient à un pèlerinage national à Breendonk ? »  A quoi répond sur le même ton offusqué le Président de l'Association Nationale des Rescapés de Breendonk : «Je suis bien placé pour vous dire que nous n'avons jamais refusé d'entrée  à des familles dépourvues de cartes.  Etant toujours à l'entrée, j'ai toujours des cartes en poche que je remets à ceux qui en sont dépourvu.  C'est là une accusation gratuite, et portée uniquement dans l'intention de nuire. J'affirme donc n'avoir jamais refusé l'entrée à qui que ce soit et au contraire avoir toujours fait en sorte que chacun puisse assister à une cérémonie du pèlerinage.  Pourquoi faut-il ces cartes ?  C'est notre façon à nous d'organiser notre pèlerinage dans les meilleurs conditions possibles.  Il est vrai que ne connaissant pas le pèlerinage, vous ignorez que cela se passe à l'intérieur du fort et que plusieurs tribunes sont nécessaires.  Il faut donc que chacun sache où se rendre.  De plus, c'est un contrôle pour nous, car nous ne tenons nullement à être envahis par des néo-nazis ou autres VMO [...] .  Vous avez signalé que nous avions refusé l'entrée à un diplomate noir accompagné de sa famille.  Vous êtes bien mal renseigné [...].  Il est parfaitement exact qu'un diplomate noir s'est présenté accompagné de sa famille, mais comme il ne nous avait accusé réception que pour une personne, une seule place était donc prévue avec les ambassadeurs.  Je lui ai poliment fait la remarque qu'il peut avoir les enfants avec lui à la tribune d'honneur.  Il a lui-même choisi de s'installer avec sa famille en tribune réservée. Voilà, Monsieur, ce qui s'est passé [...].  Quant aux jeunes gens qui refusaient de sortir et qui ont été reconduits par les gendarmes, vous ne pouvez parler que des trois homosexuels qui avaient troublé la cérémonie en 77, en jetant des tracts dans les tribunes.  Les fauteurs de trouble ont eu affaire à la gendarmerie.  Quoi de plus normal ? Et c'est encore nous que vous rendez responsable d'un délit commis par d'autres. Encore une fois ce n'est pas sérieux».   Effectivement, ce n'est pas sérieux.  La suite elle même, ne va pas remonter le débat : «Notre façon de nous vêtir ne vous plait pas.  Sachez Monsieur, que le Président, que nous avons été bien élevés et qu'on nous a appris à recevoir décemment nos invités : ambassadeurs, ministres ou gouverneurs entourant  les représentants de Sa Majesté le Roi..  Le règlement de compte poursuit : «Nous ne vous avons pas reproché de ne pas avoir déposé ces fleurs.  L'amicale qui le désire nous le fait savoir et automatiquement elle prend  place dans la liste qui sert à la Fraternelle à procéder à l'appel [...]. Nous n'avons  jamais refusé à personne d'être appelé au micro pour autant qu'il y ait une raison.  Le dépôt de fleur».  A cet échange de propos de chiffonniers, succèdera par contre un reproche plus politisé qui a dû toucher au vif la fierté de l'Amicale, surtout durant cette période de restructuration et de redéfinition des objectifs : «Quand vous nous signalez la lutte  menée contre toute renaissance du nazisme, je ne crois pas vous avoir vu aux manifestations organisées tant à Braine le Comte qu'à Cologne. Mais une chose est certaine, l'Association des Rescapés de Breendonk était présente.  Mais ses dirigeants étaient habillés comme tout le monde.  C'est sans doute pour quoi vous ne nous avez pas vus ».[166]

Cette dernière réflexion est de loin la plus importante. Car, au-delà de la querelle de personnes, la modification de l'orientation et des buts de l'Amicale est certainement à l'origine de cette sensibilité exacerbée.  Nous avons cité longuement ces extraits de lettres car ils permettent de voir qu'une Amicale peut dépenser une énergie considérable à des activités sans aucun résultat pratique et que dans le microcosme de ces associations, une querelle personnelle prend parfois des proportions titanesques vu de l'Amicale et croquiniolesque vu de l'extérieur. 

Beaucoup plus intéressant est le conflit qui va opposer l'Amicale de Silésie (et d'autres amicales ouest-européennes) au Comité Internatinal Auschwitz.  Ce problème est intéressant car il commence dans un contexte particulier et international (la confrontation est-ouest doublée d'une vague antisémite en Pologne) et se termine après 10 ans par une réflexion sur la fonction première du CIA et des amicales associées. 

D'après les documents que nous possédons, il y a peu de problèmes entre le CIA et les Amicales associées avant 1968.  Dans les années 50, l'essentiel des rapports entre le CIA et l'Amicale de Silésie concerne la recherche d'anciens déportés pouvant témoigner au procès de tortionnaires nazis ou de société ayant participé au phénomène concentrationnaires comme l'IG Farben, le procès Clauberg ou le procès de Francfort des criminels d'Auschwitz où le CIA soutient 21 femmes se portant partie civile contre Clauberg : «Chers Camarades, par suite d'un entretien avec l'avocat ORMOND qui était chargé de la procédure contre l'IG-FARBEN, nous avons l'intention d'envoyer un circulaire aux groupes de tous pays. [...]  Nous vous prions de bien vouloir nous dire votre opinion sur cette circulaire projetée.  En outre, nous ajoutons un questionnaire en allemand avec une traduction française dont l'avocat ORMOND a besoin pour présenter éventuellement les intérêts des détenus de Monowitz envers l'IG-FARBEN.  En outre, il faut à M. ORMOND un plein pouvoir» et continue «Nous croyons utile que, à part du plaignant principal, quelques victimes personnelles de CLAUBERG de votre pays se présentent comme plaignantes secondaires.  Pourtant, il faut que ces femmes puissent prouver d'avoir attraper une infirmité permanente par suite des expériences de CLAUBERG.  Il n'est pas nécessaire qu'un grand nombre se présente comme plaignante secondaire, mais il faut qu'il s'agisse de personnes très sérieuses. [Formule de politesse] Hermann Langbein, Secrétaire Général CIA»[167].  Il semble que l'Amicale eu une part active dans ces affaires.  Tout au moins comme représentant officieux du CIA en Belgique : «L'avocat général du Parquet de Kiel a été mis en possession des noms et adresses des victimes vivant en Belgique, ainsi que des déclarations qu'elles ont faites en son temps à la demande du secrétariat de l'ONU.  Le OBERSTAATS ANWALT n'a pas cru nécessaire de convoquer ces victimes comme témoins au procès.  Mais à charger une commission rogatoire en Belgique d'en interroger quelques unes. [...]  Je vous serais très reconnaissant de me faire savoir si les détenus survivants du bloc 10 du camp d'Auschwitz demeurent dans d'autres pays que la Belgique se sont préoccupés d'apporter leur témoignage et éventuellement de se constituer partie civile au procès de KIEL.  [...]  J'espère que vous pourrez me donner les renseignements que je vous demande dans les plus brefs délais ».[168]

Quelques temps plus tard, l'Amicale va retrouver quelques témoins des expériences de Clauberg et leur enverrons une circulaire sollicitant leur collaboration : «Madame, nous savons que vous avez séjourné au bloc 10 à Auschwitz et subi des expériences de la part de Clauberg.  Celui-ci devant être jugé bientôt devant un tribunal à Kiel, notre Amicale qui veut voir condamner ce médecin criminel, souhaiterait recueillir les témoignages les plus nombreux et les plus accablants.  Non seulement en ce qui vous concerne personnellement, mais également en ce qui concerne d'autres femmes qui sont mortes dans les chambres à gaz et  dont vous pourriez connaître le cas.  Nous désirons vous exprimer toute notre sympathie et vous communiquer que nous sommes à votre entière disposition pour tout renseignement que vous pourriez désirer ».[169]

C'est la même démarche qui poussera l'Amicale en juin 60 à lancer un «appel pressant auprès de tous les membres et auprès de tous les rescapés des enfers d'Auschwitz et de Birkenau pour [nous faire connaître les noms des personnes qui pourraient se constituer partie civile au] procès préparé  par le parquet de Francfort sur Main à l'initiative du CIA contre les SS criminels d'Auschwitz»[170].  Cette circulaire est très intéressante car elle soulève une difficulté concernant les procès intentés contre les criminels nazis : « La précision [des personnes désireuses d'aider le CIA dans le but qu'il poursuit ici] doivent apporter la preuve exacte que des proches parents ont effectivement été exterminés à Auschwitz.  Il serait préférable qu'il puisse être prouvé que ces proches parents ont passé par une des chambres à gaz après une sélection ou qu'elles ont été exécutées au bloc 2.  Il ne suffit pas de vouloir affirmer qu'elles sont mortes à Auschwitz.  Par contre,  il n'est pas nécessaire ou indispensable de pouvoir dire lequel des SS était directement l'assassin [...].  Toutes les personnes pouvant apporter un témoignage sérieux prouvant que les inculpés ont participé activement à des meurtres sont instamment priées d'envoyer un bref rapport sur [cela] aux instances dirigeantes de notre Amicale. »  [171]  Donc, dans les années 50-60, l'Amicale est bien un relai du CIA. Mais les actions envisagées sont d'après les documents, essentiellement des actions de justice ou de réparation.[172]

Si Amicale belge et CIA se retrouvent sur la même longueur d'onde pour toutes ces affaires, dès 1959 des tensions commencent à naître. En juillet 1959, le secrétaire général du CIA, H. LANGBEIN, communique à l'Amicale un changement d'organisation interne du Comité : suppression de la fonction de secrétaire général remplacé par plusieurs secrétaires suivant les secteurs de travail, nomination d'un président et de deux vice-présidents et surtout transfert du siège du CIA vers la Pologne.  Cette dernière décision semble avoir choqué l'Amicale : «En Belgique, nous pensons que de telles décisions sont extrêmement importantes et qu'un remaniement aussi total de l'organisation n'est pas souhaitable en ce moment.  Alors qu'un travail important sur le plan international est en cours [...][173] nous serions très désireux de connaître les raisons qui sont à la base de telles propositions, d'autant plus que jusqu'à présent le travail de secrétariat général nous a donné entière satisfaction ».  En fait, il semble que la raison principale soit une prise en main ou une reprise en main du CIA par les amicales des pays de l'est très contrôlées par leur gouvernement.  Une phrase le confirme : «Dans une conversation avec H. LANGBEIN, celui-ci nous a laissé entendre que des éléments étrangers d'ordre politique à l'activité du CIA seraient à l'origine de ces changements proposés».  Outre cet aspect, l'Amicale va préciser qu'à part la Pologne, seules les amicales des pays de l'ouest paient leurs cotisations régulièrement[174]. Ce «Coup de Prague» touchera même les pèlerinages : «Pouvons-nous vous rappeler que nous avons écrit à David SZUMULEWSKI au sujet d'un éventuel pèlerinage des membres de notre organisation à Gross-Rosen, Gross-Sterhlitz et Auschwitz, mais que jusqu'à présent, nous n'avons reçu aucune réponse.  Peut-être pourriez-vous intervenir pour que nous puissions régler au plus tôt cette question ».

Il est vrai que la lecture des comptes-rendus des réunions du Comité directeur du CIA, notamment celui de 1963 tenu à Moscou sont assez révélateurs du climat d'une époque.  Après avoir fait un tour de l'organisation du CIA et des difficultés rencontrées par l'un ou l'autre de ses membres, les propos (fallacieux) de l'intervenant deviennent directement polémiques : «Il est encore des militants et des groupements qui sont enclin à considérer le CIA et son Comité directeur comme une sorte de commission polonaise internationale [...]  et dit que par conséquent notre travail est l'affaire des autorités polonaises et des organisations sociales polonaises.  Il faut constater indubitablement que la partie polonaise, les autorités polonaises et les organisations sociales polonaises peuvent se prévaloir d'une contribution immense et incomparable dans l'oeuvre de l'entretien, du développement et de l'activité du Musée d'Auschwitz que la SBOWI[175] accorde au CIA des subventions qui se chiffrent par des centaines de milliers de zlotys, qu'en Pologne l'activité de l'organisation des anciens d'Auschwitz est énorme et c'est vrai» et dans le même temps justifie sa position face aux critiques qui commencent à se faire jour de la part des amicales occidentales : «Mais l'affaire d'Auschwitz n'est pas seulement l'affaire de la Pologne. Auschwitz est dans le monde le plus grand cimetière de Polonais, de Russes, de Tchécoslovaques, de Français, de Belges, de Hollandais, d'Italiens, de Yougoslaves, de Grecs, de Hongrois, d'Autrichiens, d'Allemands et de citoyens d'autres pays, en tout 4 millions.  Nous considérons qu'il est du devoir sacré des autorités et des organisations des pays d'où provenaient les victimes des SS de collaborer dans toutes les activités ayant trait à Auschwitz.  Notre comité n'est pas une annexe d'une institution polonaise, c'est une forme d'association des organisations nationales en vue d'atteindre les objectifs qui nous sont communs et nous, nous sommes des membres de sa direction, élus au su et avec l'accord de ces organisations »[176].

Si, en faisant le bilan de ses relations avec les amicales nationales, le CIA constate que : «Les rapports du comité directeur du CIA avec les organisations des pays socialistes se sont améliorés, il nous semble malheureusement que précisément dans ces pays, à l'exception de la Pologne, on n'a pas réussi à surmonter la fausse conviction dont j'ai déjà parlé, à savoir que le CIA est purement polonais.  Il semble que dans certains pays socialistes, on ne comprenne pas complètement l'importance et le caractère de notre travail».  Il ne se prive pas pour décocher quelques flèches meurtrières à certaines amicales particulières, notamment des amicales allemandes. «C'est là [l'impossibilité de coopération entre le CIA et les groupes anti-fascistes d'Allemagne de l'Est] un fait d'autant plus regrettable, qu'en Allemagne fédérale non plus, nous n'avons pu inspirer la constitution d'un groupe général d'Auschwitz, ni aboutir  à une entente entre les groupements qui existent [...].  Le Deutsche Auschwitz Komite est de facto membre du CIA et on pourrait s'attendre à le voir prendre l'initiative de la concentration des efforts des anciens d'Auschwitz ouest-allemands [...].  Malheureusement, le président du DAK, Ludwig Worl n'a même pas répondu à l'invitation du secrétariat général qui voulait, à la date qui lui aurait convenu, discuter sur place sincèrement et ouvertement de notre collaboration.  Le groupe de Francfort dirigé par le Docteur UNIKOWER est important, ne serait-ce que du fait qu'il a son siège dans la ville où se déroulera le grand procès d'Auschwitz [Francfort] est tellement aveuglé par l'anti-communisme qu'il voit un danger pour lui dans nos initiatives n'ayant rien de commun avec une activité politique quelconque »[177]. Ou bien encore, en tentant d'expliquer comment mettre au point une stratégie générale influençant la presse : «C'est là un moyen d'inspirer comme il convient la presse mondiale, d'expliquer ce qui est nécessairement en raison de la pression de milieux bien définis d'Allemagne fédérale. [On sait ce qui] sera attaqué avec âpreté par la défense [des criminels nazis du procès de Francfort sur Main] et certainement aussi par une partie de la presse et pas seulement de la presse ouest - allemande, [...] surtout  dans les pays occidentaux où l'on fait souvent silence autour de ces questions à cause de la politique actuelle des gouvernements»[178].

Outre la légère «contrariété» que nous avons déjà perçu, il semble que cette vision duale du monde et du souvenir concentrationnaire ne trouble pas outre mesure l'Amicale.  Au nom du Comité, la secrétaire enverra au secrétariat général du CIA un rapport d'activités où, après avoir parlé de la collecte de fond pour le monument, de la marche anti-atomique du 24 mars 1963 à Bruxelles et de différents mouvements en faveur de la paix, elle exprimera un voeu de l'Amicale au CIA : «Des membres de notre Comité avaient regretté qu'à la cession de Budapest, un mois à peine après les événements de la mer des Caraïbes, le comité International Auschwitz, n'eut pas voté une résolution appuyant les initiatives prises pour la sauvegarde de la paix.  Aussi, le comité de l'Amicale, en sa réunion du 26 juin 1963, a-t-il émis le souhait de voir le CIA exprimer dans une résolution sa ferme volonté de soutenir toute action afin d'écarter le danger d'une guerre atomique et pour sauvegarder la paix ».[179]

Dans le climat de guerre froide exacerbé par l'affaire de Cuba l'Amicale prend nettement position en faveur de l'est face à l'atlantisme[180]. Notons que jamais dans les documents n'est fait allusion aux événements contemporains à cette prise de position (15 juillet 1963), tels que la crise de Berlin (août 1961), les premiers morts (août 1962) ou Kennedy au mur de Berlin (juin 1963). Cette attitude est à moitié étonnante quand on sait que beaucoup de membres de l'Amicale avaient des sympathies communistes prononcées.  D'ailleurs, une série d'activités dans les années 50-60 confirment ce comportement : action contre l'installation de base allemande en Belgique (à partir du 25 novembre 61), adhésion au «Mouvement du  8 mai» (avril 63), participation au «Circuit de la paix contre les bases allemandes» (avril 62), envoi à la presse d'une «résolution à l'occasion de la conférence nationale sur le désarmement et la paix» organisée par l'Union Belge pour la défense de la paix dont l'amicale est membre (25 juin 62), rencontre avec les pèlerins de la paix (mars 63), marche anti-atomiques et actions en faveur de la détente internationale (24 mars 63). 

Notons que malgré la sympathie encore affirmée dans ce dernier document, à partir de fin 1964 l'Amicale va prendre ses distances vis-à-vis du CIA, mais aussi vis-à-vis de la politique générale des pays de l'Est. Si l'on consulte la chronologie des activités de l'Amicale, on voit dès la fin de cette année, qu'elle ne participe ou n'organise plus d'activité purement politique, excepté les traditionnelles actions anti-fascistes ou les actions pour lutter contre des mouvements tels que le VMO. 

La rupture constatée en 1968, sera précédée dès 1963 par les nettes réserves émises par René Raindorf après ses désagréables rapports avec les autorités soviétiques[181] : «En définitive, je crois qu'il n'est pas tolérable qu'un gouvernement qui invite la direction du CIA ou de n'importe quelle autre organisation internationale à tenir une séance internationale à Moscou, puisse priver délibérément mais hypocritement un membre de cet organisme de la possibilité de participer à cette réunion.  Il y a là une entrave à l'activité du CIA, une discrimination intolérable qui ne grandit pas ses auteurs [...].  Demain n'importe quel gouvernement choisira quels sont les délégués du CIA qui pourront participer à une réunion sur son territoire.  De tels agissements finiront par disqualifier les autorités du pays qui les a commises pour la tenue des réunions internationales» et il souhaite que «les camarades du comité, s'ils veulent bien se réunir dans les prochains jours, décident souverainement si l'Amicale peut laissez passer ce camouflet »[182].  Ce document est également révélateur des tensions, peut-être personnelles, mais certainement politiques, qui règnent au sein de la direction de l'Amicale à ce moment.

Si plus tard (et on le verra lors des discours « réconciliatoires » de Maurice Goldstein) Amicale, CIA et autres associations oublient leurs divergences politiques au profit de la lutte contre la résurgence du fascisme et contre le révisionnisme, en 1963 les conflits idéologiques mondiaux seront tellement importants qu'ils troubleront même la direction et la vie d'une très petite Amicale.  Cette sourde tension palpable en permanence, éclate au grand jours cinq ans plus tard dans la «lettre de rupture» cosignée par Mariette Altorfer, Paul Halter et Maurice Goldstein (membre du comité directeur du CIA) : «Cher Camarade, j'ai bien reçu votre lettre du 8 novembre concernant la réunion du Comité Directeur d'Auschwitz des 18 et 19 janvier 69.  Je n'ai pu répondre plus tôt car la situation étant assez tendue parmi nos membres, je devais demander l'avis du comité de notre amicale réuni en assemblée extraordinaire » [183].  Cette lettre, malgré un début extrêmement diplomatique, car ne voulant pas une situation irréparable[184], fait en fait le point sur un divorce «Le choix de la Pologne pour la réunion ne peut dans les circonstances actuelles déboucher sur une large réunion et un débat ouvert entre les camarades de tous les évènements qui depuis plus d'un an nous divisent et nous déforcent vis-à-vis de l'opinion publique et devant les autres organisations de la résistance.  Nous avons appris que nos camarades Hollandais, Grecs, Israéliens et Français ne comptent pas pouvoir participer à la réunion d'Auschwitz en janvier 69» et immédiatement, les trois signataires (ce qui est exceptionnel) poursuivent «les raisons de la [rupture] sont diverses, mais il semble qu'il existe un point commun, c'est l'écho dans notre presse qu'une certaine campagne dirigée volontairement contre une minorité s'est levée en Pologne [vague antisémite organisée par le gouvernement polonais]. Le bouche à oreille aussi, des visiteurs rentrant  de Pologne ont été amené à confirmer que cette campagne n'est pas un mythe et que cette personne innocente en pâtissent dans leur vie quotidienne et sont amenées à envisager de quitter le pays. Vous comprenez l'étonnement et la stupeur de nos camarades juifs dans notre amicale et aussi dans les amicales que j'ai citées plus haut, nous pensons qu'une franche explication doit avoir lieu sur ce problème.  Mais que cette discussion ne peut avoir lieu en Pologne, vu que déjà quatre délégués ne viendront pas à la réunion»[185]. Enfin,  les 21 et 22 novembre 1970, une réunion va consommer la rupture «Devant la situation pénible dans laquelle se trouve notre organisation internationale depuis 3 ans, des représentants des organisations nationales membres du CIA d'Autriche, de Belgique, de France et de République Fédérale Allemande, se sont réunis à Bruxelles les 21 et 22 novembre 1970.   Il ressort des longues discussions amicales, toutes orientées vers une relance de l'unité des activités du CIA les conclusions suivantes : les camarades présents unanimes estiment que l'existence du CIA exige la convocation d'une assemblée générale dans un pays où toutes les organisations membres acceptent d'envoyer leur délégation.  A cette assemblée, serait discuter librement les problèmes concernant la réforme des statuts, la réorganisation de la direction du CIA et tous les problèmes qui nous préoccupent.  Les organes dirigeants du CIA seraient élus à cette réunion [...].  Cette assemblée générale du CIA doit se tenir avant la fin du mois d'avril 1971.  Si une telle assemblée générale n'était pas convoquée, les organisations représentées à la réunion de Bruxelles, se verront dans l'obligation de remettre en cause leur affiliation à la CIA» [186].  On voit donc ici une nette rupture entre les représentants des associations d'anciens venant des pays de l'est et des associations d'anciens venant des pays occidentaux.  En fait, les contacts formels vont être rompus de cette date au 11 octobre 1977 où se réunira une nouvelle assemblée générale du CIA.  Mais de toute façon, cette prise de position n'a pas dû trop perturber la  direction générale du Comité pendant ces quelques années. 

La dernière assemblée générale du CIA a eu lieu le 24 mai 1970.  Au cours de cette délibération, la fonction de secrétaire général fut confiée à R. GESING.  On constitua aussi un organe exécutif du CIA composé d'un Luxembourgeois, de deux Polonais, d'un Est-allemand et d'un Roumain. Furent élus membres de la commission de contrôle : un Tchèque, un Polonais, un Est-allemand Comme certaines organisations n'avaient pas de délégués et de représentants à l'assemblée générale (et pour causes) : «il fut décider de demander à ces organisations de faire connaître les noms de leurs candidats à la direction, d'autoriser la direction à élire le président du CIA lors de sa réunion la plus proche». Donnant suite aux recommandations de l'assemblée générale, le secrétaire général, R. GESING adressa sans délai à toutes les organisations une lettre dont le texte confirme l'éviction des Amicales occidentales «[...] à la séance de l'organe exécutif du 6 novembre 1970, décision fut prise de convoquer une réunion de la direction qui se tint les 24 et 25 avril 1971.  Y prirent part les membres suivants de la direction  et de la commission de contrôle [...]» Sur 16 membres, trois seulement sont originaires des pays occidentaux [un Luxembourgeois, un Italien et un Grec en immigration].  Les treize autres sont originaires des pays de l'Est [Bulgarie, Hongrie, Pologne, RDA, Roumanie, Tchécoslovaquie,  URSS, Yougoslavie].  Le rapport poursuit «Bien que certaines organisations ne fussent pas entrer en collaboration avec la nouvelle direction [on fait là allusion aux organisations signataires de l'appel de Bruxelles] il fut décidé de continuer à tout faire en faveur de l'unité d'action du CIA»[187]

On voit bien que ces années sont des années de rupture.  Il est singulier de constater qu'elle coïncide avec une période de stagnation dans la vie de l'Amicale.

Il semble que pendant cette période, l'Amicale autrichienne des anciens d'Auschwitz, présidée par F. Rausch, a joué le rôle de conciliateur entre les deux parties. En même temps que renaissait l'Amicale belge, l'un de ses membres, Maurice Goldstein, fut élu Président par l'assemblée générale du CIA du 11/10/77. Dans son discours inaugural il va résumer avec une habilité de jésuite, les problèmes rencontrés dans le passé et les remèdes qu'il compte appliquer «Merci de m'avoir accordé votre confiance en me chargeant de l'importante responsabilité de la présidence du CIA.  Cette tâche sera délicate car nous avons vécu depuis 10 ans comme une famille désunie et nous devons déplorer que certains membres de notre famille ne  soient pas venus participer à nos retrouvailles.  Je ne pense pas que cela soit définitif et que bientôt nous nous retrouverons tous ensemble unis contre nos ennemis communs.  Pour y parvenir, nous devons nous efforcer de mieux nous comprendre et d'admettre nos différences.  En dehors de nos buts communs, nous devons admettre que certaines de nos organisations membres sont, pour le moment, d'avantage préoccupés par la lutte contre l'antisémitisme et d'autres d'avantage pour la lutte pour la paix et d'autres encore des droits  de l'Homme.  La réalisation de ces objectifs communs ne peut pas  être une tâche impossible pour nous anciens d'Auschwitz»[188].

Comme nous l'avons dit plus haut, l'arrivée de Maurice Goldstein  à la tête du CIA et la renaissance du CIA coïncide avec la renaissance de l'Amicale.  Le sursaut rénovateur que son discours insuffle au Comite et le programme d'action qu'il propose correspond exactement  à ce que l'Amicale a proposé au même moment à ses membres.  D'abord, la lutte contre la renaissance du fascisme[189], ensuite, lutte contre le révisionnisme (qui n'est pas encore nommé tel quel) «Les chiffres sur le nombre de victimes établis dans l'immédiat après-guerre sont honteusement discutés et les descriptions édulcorées  de l'horreur dans lequel nous avons vécu sont présentées comme étant de la propagande et il faut reconnaître que nous n'avons pas entendu notre CIA dans le concert des protestations»[190]

Encore une fois, on peut affirmer que les années 1976-1978 et plus particulièrement l'année 1977 furent des années essentielles, capitales dans la vie de l'Amicale et par l'intermédiaire de Maurice Goldstein, du CIA. 

Si l'on doit répondre à la question «Comment est-on passé d'une Amicale commémorative à une association  de la mémoire ?», On peut de nouveau répondre en examinant les rapports de l'Amicale avec d'autres associations.  On remarque d'ailleurs que le nombre d'activités organisées en coopération avec des «amicales commémoratives» chute fortement à partir de ces années charnières. C'est la résurgence du fascisme et, à ce moment dans une moindre mesure, le révisionnisme qui a fait prendre conscience aux déportés survivants de la nécessité de changer leurs moyens d'action. 

5) Les appellations fluctuantes de l'Amicale : reflet d'un choix

Si jusqu'ici nous avons considéré l'Amicale par sa vitalité ou ses orientations générales[191], on doit maintenant l'étudier selon ses préoccupations particulières : en tant qu'association d'anciens déportés, sur quel point de la déportation ou sur quels camps met-elle l'accent ? 

C'est en fait reposer les question résolues dans le chapitre Voyages et pèlerinages (1955-1975) : quelle est la conception de l'univers concentrationnaire de l'Amicale et quelle est éventuellement l'évolution de ses conceptions.

Rappelons qu'une réponse provisoire avait été trouvée : le changement de lieu de pèlerinage est le reflet d'un changement de préoccupation : l'Amicale devient un lieu de mémoire et plus simplement de commémoration patriotique.  Le symbole de déportation passe ici des camps de Silésie à Auschwitz.  Comme la mémoire collective des Belges sur les camps est passée de Dachau ou Breendonk à Auschwitz.

Cette réponse partielle peut être complétée par l'étude de l'appellation que se sont donnée l'Amicale et ses correspondants au cours de la période envisagée :

     

Util.

Appellations

Nbre

Pap. En-tête

O

Amicale d’Auschwitz

35

O

O

Amicale des anciens d’Auschwitz et des prisonniers politiques des camps de Silésie

1

N

N

Amicale Auschwitz Birkenau

2

N

-

Amicale des anciens déportés d’Auschwitz (France)

6

N

N

Amicale des anciens prisonniers d’Auschwitz et de Silésie

1

N

N

Amicale des anciens prisonniers politiques d’Auschwitz

8

N

N

Amicale des anciens prisonniers politiques de Silésie

5

N

N

Amicale d’Auschwitz et prisons de Silésie

1

N

N

Amicale belge

5

N

N

Amicale belge d’Auschwitz

1

N

N

Amicale belge des anciens prisonniers politiques d’Auschwitz

1

N

N

Amicale belge des ex-prisonniers

1

N

N

Amicale belge des ex-prisonniers d’Auschwitz

5

N

O

Amicale belge des ex-prisonniers d’Auschwitz Birkenau

1

N

N

Amicale belge des ex-prisonniers politiques

10

N

N

Amicale belge des ex-prisonniers politiques d’Auschwitz

3

N

N

Amicale belge des ex-prisonniers politiques d’Auschwitz Birkenau

32

N

O

Amicale belge des ex-prisonniers politiques d’Auschwitz Birkenau, camps et prisons de Silésie

161

O

O

Amicale belge des ex-prisonniers politiques d’Auschwitz Birkenau, camps et prisons de Silésie / Fondation Auschwitz

17

O

O

Amicale belge des ex-prisonniers politiques, camps et prisons de Silésie

7

O

O

Amicale belge des ex-prisonniers politiques de Silésie

3

N

O

Amicale belge des prisonniers politiques d’Auschwitz et des camps de Silésie

1

N

N

Amicale belge de Silésie

2

N

N

Amicale des camps de Silésie

1

N

-

Amicale des déportés d’Auschwitz et des camps de Haute Silésie

2

N

O

Amicale des ex-prisonniers d’Auschwitz et de Silésie

2

N

N

Amicale des ex-prisonniers politiques

4

N

N

Amicale des ex-prisonniers politiques d’Auschwitz

30

N

O

Amicale des ex-prisonniers politiques d’Auschwitz Birkenau

3

N

N

Amicale des ex-prisonniers politiques d’Auschwitz et camps de Silésie

2

N

O

Amicale des ex-prisonniers politiques et ayant droit d’Auschwitz et des camps de Silésie

3

N

N

Amicale des ex-prisonniers politiques et ayant droit de Silésie

2

O

O

Amicale des ex-prisonniers politiques d’Auschwitz et de Silésie

12

O

O

Amicale des ex-prisonniers politiques de Silésie (5 camps)

183

O

O

Amicale des ex-prisonniers politiques de Silésie et d’Auschwitz

2

N

N

Amicale des ex-prisonniers politiques de Silésie section Auschwitz Birkenau, Gross-Rosen, Gross-Strehlitz

1

O

O

Amicale des ex-prisonniers politiques de Silésie section Auschwitz Birkenau, Gross-Rosen, Gross-Strehlitz, Blechhammer, Jauer

6

O

O

Amicale des ex-prisonniers politiques de Silésie, Auschwitz, Gross-Rosen, Gross-Strehlitz, Jauer

2

O

O

Amicale des ex-prisonniers politiques de Silésie, Auschwitz, Gross-Rosen, Jauer

1

O

O

Amicale des prisonniers d’Auschwitz

1

N

N

Amicale des prisonniers politiques

2

N

N

Amicale des prisonniers politiques d’Auschwitz

14

O

O

Amicale des prisonniers politiques d’Auschwitz et camps de Silésie

2

O

O

Amicale des prisonniers politiques et anciens déportés de Silésie et d’Auschwitz

1

O

O

Amicale des prisonniers politiques de Silésie

12

N

N

Amicale de Silésie

20

O

O

Amicale de Silésie Auschwitz

1

N

N

Comité d’Auschwitz

1

N

N

Comité belge d’Auschwitz

1

N

N

Comité de Silésie

1

N

O

Fondation Auschwitz

74

O


Ces 51 appellations de l'Amicale prouvent combien ses objectifs ou ses préoccupations ne sont pas nettement définies. Mais il faut pondérer ces propos en rappelant que bon nombre des noms (parfois farfelus) donnés à l'Amicale l'ont été par des correspondants peu au fait de son action[192]

Plus intéressantes sont les appellations officielles[193].  Le nom que se donne une association n'est pas innocent et est certainement une synthèse de ses objectifs.  Malheureusement, 23 types de qualifications sont utilisés par l'Amicale sur une période de trente ans et pas toujours successivement.  Il faut les envisager à la fois sur le plan quantitatif et sur le plan chronologique.

Sur le plan quantitatif : on peut classer les appellations selon leur fréquence et leur support   

Nbre

Appellation

En-tête imprimé

En-tête ronéotypé

Dans le texte[194]

183

AEPPS (5 camps)

 

0

 

161

ABEPPABCPS

0

 

 

74

FA

0

 

 

35

AA

 

0

 

30

AEPPA

 

0

 

20

AS

 

0

 

14

APPA

 

0

 

12

AEPPAS

 

0

 

7

ABEPPCPS

0

 

 

6

AEPPSABGRGSBJ

0

 

 

2

AEPAS

 

 

0

AEPPACS

 

0[195]

 

AEPPADS

 

0

 

AEPPSAGRGSJ

 

0

 

APPACS

 

 

 

1

AAAPPCS[196]

 

 

0

ABEPAB

 

 

0

ABPPACS

 

 

0

AEPPSABGRGS

 

0

 

AEPPSAGR

 

0

 

APA

 

 

0

APADSA

 

0[197]

 

CS

 

0

 

17

Double impression sous deux en-têtes : ABEPPABCPS/FA


Les deux appellations les plus utilisées  (Amicale des ex-prisonniers politiques de Silésie, Amicale Belge des ex-prisonniers politiques d'Auschwitz Birkenau Camps et prisons de Silésie, Fondation Auschwitz) doivent certainement cette qualité à l'impression de papier à en-tête ou à l'usage systématique d'une en-tête dactylographiée sur des rapports procès-verbaux et circulaires. Les 5 appellations encore significatives (Amicale d'Auschwitz, Amicale des ex-prisonniers politiques d'Auschwitz, Amicale de Silésie, Amicale des prisonniers politiques d'Auschwitz, Amicale des ex-prisonniers politiques d'Auschwitz et de Silésie) sont elles systématiquement reproduites sur des documents dactylographiés.

En fait, les 8 appellations manifestent la double préoccupation de l'Amicale, la double tendance d'interprétation de l'expérience concentrationnaire de ses membres soit :

- la mise en avant d'une «déportation géographique» en regroupant des déportés de différents camps d'une région de Pologne (Silésie) : AS (20)
- la mise en avant d'une «déportation particulière» (par le camp et le type d'extermination : massive et industrielle) : FA (74), AA (35), AEPPA (30)
- la mixité des préoccupations : AEPPS (5 camps) (183), ABEPPABCPS (161)

Remarquons que dans les huit types principaux, seuls les genres «particuliers» ou «mixtes» ont bénéficié de l'impression d'en-tête (FA, ABEPPABCPS, AEPPS (5 camps)), preuve de l'importance que leur accorde les dirigeants de l'Amicale.  Si l'on descend dans la table des fréquences d'appellation, cette impression semble confortée : AEPPSABGRGS. Néanmoins, cette dernière qualification met en avant la Silésie au détriment d'Auschwitz seul et intègre d'autres camps de Silésie (Gross-Rosen et Gross-Strehlitz)[198]. De plus, une autre appellation a également bénéficié de l'impression d'en-tête[199], mais gomme totalement à la fois Auschwitz et les autres camps : ABEPPCPS.

Ces constatations et hypothèses doivent être vérifiées et affinées par la chronologie qui peut peut-être expliquer :

- s'il y a succession ou cohabitation tel que nous les avons contradictoirement définies
- si ces changements d'appellations sont dus au hasard ou procèdent d'une volonté consciente

Même si l'on s'en tient aux principales appellations, sans tenir compte de la valeur intrinsèque de l'en-tête (différence entre l'en-tête imprime, donc plus élaborée et l'en-tête simplement dactylographiée), aucun résultat n'est significatif[200].

Date 

AS

FA

AA

AEPPA

AEPPS

ABEPPABCPS

AEPPAS

AEPPSABGRGSBJ

ABEPPABCPS/FA

1956

 

 

 

 

I

 

 

 

 

1957

 

 

D

 

I

 

 

 

 

1958

 

 

D

 

I

 

 

 

 

1959

 

 

D

 

I

 

 

 

 

1960

 

 

D

 

I

 

 

 

 

1961

D

 

D

 

I

 

 

 

 

1962

D

 

D

 

I

 

 

 

 

1963

D

 

D

 

I

 

 

 

 

1964

D

 

D

 

I

 

 

 

 

1965

D

 

D

 

I

 

 

 

 

1966

D

 

D

 

I

 

 

 

 

1967

D

 

D

 

I

 

 

 

 

1968

D

 

D

 

I

 

 

 

 

1969

D

 

D

 

I

 

 

 

 

1970

D

 

D

 

I

 

 

 

 

1971

D

 

D

 

I

 

 

 

 

1972

D

 

D

 

I

 

 

I

 

1973

D

 

D

 

I

 

 

I

 

1974

 

 

D

 

I

 

 

I

 

1975

D

 

D

 

I

 

 

I

 

1976

D

 

D

D

I

 

D

I

 

1977

D

 

D

D

I

 

D

 

 

1978

D

 

D

D

I

I

D

 

 

1979

D

 

D

 

I

I

 

 

 

1980

D

I

D

 

I

I

 

 

 

1981

D

I

D

 

I

I

 

 

I

1982

D

I

 

 

I

 

 

 

I

1983

 

I

 

 

I

I

 

 

I

1984

 

I

 

 

I

I

 

 

I

1985

 

I

 

 

I

I

 

 

I

1986

 

I

 

 

I

I

 

 

I

1987

 

I

 

 

I

 

 

 

 

1988

 

I

 

 

I

 

 

 

 

1989

 

I

 

 

 

 

 

 

 

1990

 

I

 

 

 

 

 

 

 

 

Seule géog.

Seule Parti.

Mixte

 
Il y a cohabitation entre les appellations de tendance géographique et de tendance particulière.  De plus l'en-tête officielle actuelle de l'Amicale (ABEPPABCPS) qui intègre les deux notions[201], nait semble-t-il en 1978, et fait double emploi avec l'en-tête AEPPS-5 camps encore utilisée en 1988 et qui procède de la même volonté d'intégration. 

Par contre, si l'on ne tient compte que des en-têtes élaborées (pas dactylographiées), seule existe l'en-tête «mixte» AEPPS-5 camps des origines à 1988 et depuis 1978, l'en-tête actuellement utilisée (ABEPPABCPS).  Mais ici, l'évolution au sein de ces appellations est très significative : il y a passage d'une Amicale mettant en valeur la Silésie puis citant les 5 camps, graphiquement sur un même pied d'égalité, à une Amicale mettant en exergue Auschwitz Birkenau, puis faisant une simple référence aux camps et prisons de Silésie et évacuant totalement les quatre camps restants (passage du «géographique» au «particulier»).

 

 

De plus, rappelons qu'il semble que l'appellation dactylographiée (notamment sur les P.V.) «Amicale de Silésie» disparaisse en 1978 et qu'apparaît en 1980 une appellation/en-tête élaborée de style «particulier» : FA

Enfin, troisième étape de l'évolution, il apparaît qu'actuellement les deux en-têtes ABEPPABCPS et FA cohabitent mais que la première appellation ne soit plus utilisée que pour les informations et les correspondances internes avec les membres de l'Amicale et que tous les autres documents et correspondances externes soient sous en-tête de la Fondation.

 

Notons l'existence dans le fond d'une série de documents concrétisant cette évolution.  Pendant la période 1980-1986, il est courant de voir un même texte (surtout un P.V.) reproduit à la fois avec l'en-tête ABEPPABCPS et avec l'en-tête F.A.

En conclusion, deux tendances se dessinent et confortent les hypothèses de départ :

1° : cohabitation de deux conceptions associatives
2
° : évolution en trois étapes vers une nouvelle conception de l'univers concentrationnaire

- origines - 1967 : association d'«anciens»
- 1967-1976 : préoccupations «mixtes» (commémorations et actions politiques en rapport avec les causes de la déportation + sauvetage de témoignages et lutte contre le néofascisme)
- 1977 - actu. : préoccupations nouvelles (actions historiques - lutte contre le révisionnisme + continuation de l'action politique contre le néofascisme)

Les activités de la Fondation dans les années 80 semblent être l'aboutissement de cette tendance :

- lutte contre le révisionnisme historique (négation des camps, «Lettre au Pape»), et politique (éventuelle révision de frontières par l'Allemagne, rapports germano-polonais)
- actions de sauvegarde (interviews, ce travail)
- actions d'éducations (visite des camps, expo, conférences)
- actions historiques et scientifiques

La mise en valeur du site d'Auschwitz par l'Amicale, au-delà de la simple qualité d'associations d'anciens pose la simple question : Pourquoi Auschwitz ?.  Ce phénomène nouveau qui apparaît à travers le changement d'appellation de l'Amicale est assez proche du débat sur les camps et la deuxième guerre dont les affaires récentes (comme le Carmel d'Auschwitz et la question des prisonniers de guerre Allemands en 1944-1946) sont les révélateurs internationaux[202]. Derrière la question de la (non)-transmission de la mémoire se cache une question d'identité.

Parfois l'Amicale est déchirée quant à l'attitude à prendre face à un événement qui la concerne plus ou moins directement. Par exemple, en 1967, après la guerre des six jours, une assemblée du Comité a dû voter pour décider la participation à une manifestation du soutien à Israël. Cette attitude est certainement expliquée par le peu de cas, surtout avant les années 80, que les membres de l'Amicale accorde à une éventuelle identité juive[203]. L'Amicale a clairement jusqu'aux années 80, moins après, un usage d'association de résistant, comme le prouve par exemple sa prise de position dans l'affaire des tombes du Tir National[204].

En conclusion, laissons la parole aux anciens  de l'Amicale, qui parfois très consciemment vont analyser l'évolution de leur attitude fac à la mémoire et à sa transmission. Leurs propos semblent d'ailleurs sans aucune concertation[205], confirmer l'impression que l'on retire du travail.

Si l'on compare l'attitude des deux Présidents de l'Amicale, on peut percevoir une perception différente du phénomène concentrationnaire. M. ALTORFER n'ayant pas passé par Auschwitz a, dès son retour une attitude de militante politique : «Interviewer : En tant que militante pour la paix, parlais-tu de ta captivité ? M.Altorfer : Probablement.  Je ne me souviens plus.  Je me suis rapidement affiliée à l'Amicale des ex-Prisonniers Politiques de Silésie parce que je trouvais que c’est ce qu'il fallait faire, s'unir pour défendre ce qu'il y avait encore à défendre.  il y avait déjà eu Hiroshima et c'était le comble de l'horreur.  C'était un terrain propice pour une propagande pour la paix. Int. : On reviendra de suite à l'Amicale.  A l'Union Belge, parlais-tu directement de ta captivité ? M.A. : Je ne pense pas car en fait ce n'était pas cela le but que nous poursuivions.  Plus tard, nous avons parlé de la captivité et des horreurs des camps parce que c'était une base pour la paix.  Mais quand nous sommes rentrés, je crois que non.  Nous avions surtout envie d'oublier, de mettre cela à l'arrière-plan.  On devait expliquer des choses différentes : «la guerre, c’est ça et ça ...» et on ne voulait plus que ça recommence. Int. : Et à l'Amicale ? M.A. : On ne parlait pas de la captivité non plus.  On connaissait bien sût nos pedigrees, on avait travaillé ensemble.  On reprenait les mêmes et on recommençait. Int. : Avais-tu l'impression d'une continuité entre le militantisme d'avant et d'après-guerre ? M.A. : Oui, cela m'a donné l'impression d'un travail continu.  Une bonne amie à moi a eu cette très belle réponse quand on lui a demandé depuis quand elle faisait de la résistance.  «Pour moi, disait-elle, la résistance a commencé avec la guerre d'Espagne».  C'était vrai, j'avais aussi commencé ainsi.  Je suis sortie de l'Ecole Normale en 33 et en 36, c'était la guerre d'Espagne.  Je me suis alors engagée, entraînée par d'autres bien sûr. D'ailleurs en captivité, c'était la même chose.  Vous n'êtes pas sans ignorer qu'il y a eu une résistance dans les prisons. Pour moi, cela a été un travail continu jusqu'au moment où le gouvernement soviétique a commencé à faire des siennes à Budapest. Int. : Tu n'as donc pas en 45 l'impression d'avoir vécu une rupture, une coupure dans ta vie et celle de tes camarades ? M.A. : C'est une question difficile.  Non, il n'y avait pas de rupture.  Cela m'a toujours semblé être une action continue, sinon je ne serais pas ici.  Pour moi, c'est essentiel, c'est continu.  Il y a certains changements, mais ...».  C'est bien une attitude purement résistante  qui se retrouve dans l'histoire de l'Amicale et qu'elle va confirmer à la question «A t’entendre, on a l'impression qu'il s'est produit un renversement important au sens où durant les années qui suivirent la guerre, ce sont les politiques résistants patriotes et/ou antifascistes qui tenaient, si on peut dire, le haut du pavé alors qu'aujourd'hui ce serait plutôt l'inverse : on parle plus volontiers des victimes innocentes que des résistants. Malgré l'insistance de l'interviewer, elle va établir un raisonnement que nous avons déjà perçu dans l'analyse de la vie de l'Amicale avant 1978 et qui l'explique : «M.A. : C'est une impression très personnelle. Int. : Mais tu as cette impression ? M.A. : Oui.  Mais c'est très subjectif.  D'ailleurs ce n'est pas si récent.  En 67 par exemple, mon amie X et moi allons comme chaque année déposer des fleurs sur la tombe de son mari à l'Enclos des Fusillés.  Elle entre la première et je l'entends rouspéter : «ce n'est pas possible...».  Que s'était-il passé ?  Un monsieur avait enlevé chez tous les fusillés juifs ou qu'il pensait tels les croix que l'on met toujours dans les cimetières militaires.  C'est un symbole.  C'est bête peut-être mais c'est ainsi.  Il avait remplacé les croix par des étoiles de David. Int. : Qu'est-ce qui vous choquait ? M.A. : Le mari de mon amie s'est engagé dans la lutte, non pas parce qu'il était Juif, mais parce qu'il était antifasciste.  Et c'est la différence qu'on ne peut plus faire maintenant.  Maintenant, seul le fait d'être Juif habilite pleinement à parler d'Auschwitz; en revanche, avoir été résistant antifasciste passe au second plan, ne signifie plus grand chose, devient même presque suspect.  Et cela, on ne l'a pas accepté. Int. : N'était-ce pas une réaction motivée par une sorte de négligence prolongée dans la reconnaissance publique de la dimension spécifiquement juive de la déportation et de l'extermination ?  N'est-ce pas aussi ce qui explique les réactions plus récentes de la communauté juive face à l'occultation de cette dimension dans le Musée d'Auschwitz ? M.A. : C'était tellement évident et puis cela ne m'est jamais venu à l'esprit de devoir prononcer le mot juif pour que les choses soient valables.  Tous mes amis et tous ceux avec qui j'ai été le plus intime sont des Juifs.  Et quand nous recrutions pour la résistance, on ne demandait jamais à quelqu'un : es-tu Juif ou non ?  Tu veux faire du boulot ?  C'était cela la question que l'on posait. Int. : Les objectifs et les prises de position de l'Amicale, que tu présidais, insistaient avant tout sur la dimension politique des événements ... M.A. : Mais ce qui s'est passé, c'est un problème politique ! Int. : Oui, mais ce n'est pas pour des raisons politiques que la majorité a été déportée. M.A. : Mais si, c'était la politique du Reich !  L'extermination des Juifs, c'est une histoire politique.  C'est une suite logique de ce qui s'est passé avant.   Le génocide des Juifs peut être remplacé par un autre génocide, il suffit de prendre n'importe quel bouc émissaire. Int. : Ne faut-il pas distinguer l'explication des événements qui relève de la politique du Troisième Reich et l'expérience elle-même de la grande majorité qui étaient des déportés apolitiques ?  Pour parler d'Auschwitz ne fallait-il pas avant tout écouter et rendre compte de leurs témoignages ? M.A. : Mais personne ne peut parler de cette expérience avec vérité parce que d'abord il y a ceux qui ont été exterminés; ils connaissent l'histoire mais ils ne sont plus là pour la raconter.  Et même les rescapés n'ont pas une connaissance excellente car ils étaient une infime partie dans un tout que nous voyons maintenant mais qu'ils ne pouvaient pas voir à l'époque.  Il faut que tu sois à distance pour voir l'ensemble des choses.  Les gens qui ont souffert à Auschwitz connaissent peut-être leur baraquement et le baraquement voisin mais l'ensemble était inconcevable.  Le gars qui était là-bas pensait à sa personne, pas à l'ensemble du problème. Int. : Il y a eu pourtant des témoignages extraordinaires : Primo Levi, Elie Wiesel ...  M.A. : Ce ne sont pas ces livres là que j'ai lus pour parler d'Auschwitz.  J'en ai lu certains.  Mais ce que j'ai essayé de trouver, même en allemand, ce sont les livres où on expliquait.  C'est un peu court  que de ne parler que de l'expérience. Int. : Pourquoi ? M.A. : Mais parce que si tu parles essentiellement des sévices que tu as connus et que tu en es sorti vivant en disant, quelle chance, c'est comme le soldat dans la tranchée... Décrire l'expérience seule sans en sortir une leçon me semble absolument inutile»[206].

Paul Halter confirme assez ce raisonnement bien qu'il va lui, l'ayant vécu et en étant certainement en partie à la base, participer au changement d'attitude de l’Amicale face à la déportation : «Interviewer : Au lendemain de la libération, le projet de témoigner existait-il ? P.Halter : Je vous dirai que la plupart de ceux qui sont revenus n'ont eu de cesse d'oublier tout ce qu'ils avaient vécu et qu'ils n'ont pas du tout cherché à transmettre la mémoire.  Je ne pensais qu'à une seule chose, c'est à oublier tout ce que j'avais vécu.  c'était tellement horrible.  D'ailleurs, pendant des années, j'ai souffert de cauchemars qui m'empêchaient de dormir et je me réveillais en sueur de la tête aux pieds et c'était impossible à vivre !  Alors si je voulais vivre une vie normale, reconstruire une vie normale, il fallait que je cherche à oublier. Il ne faut pas oublier que quand on est revenu- ce n'est pas le cas de tout le monde, mais enfin -, quand moi je suis revenu, j'étais à zéro, le zéro absolu.  Il fallait donc que je me refasse entièrement.  Je n'avais pas tellement de possibilités puisque je n'avais plus mes parents, ma famille, je n'avais plus personne. Int. : Pourtant la plupart des amicales de rescapés sont, comme la vôtre, créées dans l'immédiat après-guerre.  Quelle était leur raison d'être ? P.H. : Je ne pouvais pas oublier non plus le devoir que j'avais vis-à-vis de ceux qui étaient morts et de leurs survivants.  Je cherchais quand même à les aider.  C'est ça qui m'a amené à m'occuper de l'Amicale des ex-prisonniers politiques d'Auschwitz Birkenau, camps et prisons de Silésie. On se réunissait uniquement dans ce but-là : s'entraider moralement et matériellement et parvenir aussi à obtenir des dédommagements pour les veuves, les orphelins.  Mais il n'y avait pas de projet de mémorisation des choses; au contraire, on ne pensait qu'à une seule chose : oublier ce qu'on avait vécu.

L'amicale se souciait aussi d'aller honorer les morts.  On allait avec son drapeau, on déposait les fleurs.  On allait à Breendonk, on allait à la caserne Dossin.  On se réunissait deux fois par an entre soi pour maintenir un petit peu de contact et s'entraider.  On organisait de temps en temps un gala cinématographique, musical, ... Int. : Entre rescapés, évoquiez-vous votre expérience ? P.H. : Oui, mais même entre nous, il y a des choses dont on ne parlait pas. On parlait des actions qu'on allait mener mais on ne s'est jamais réuni, du moins je ne m'en souviens pas, pour se raconter des histoires de camps.  Je n'ai jamais vu une réunion de l'amicale où on parlait de sa captivité. Int. : Et lorsque vous vous retrouviez en privé ? P.H. : Cela arrivait, oui, mais c'était exceptionnel et cela concernait souvent des questions de détail sur lesquelles nous n'étions pas d'accord.  Le grand débat qu'il y avait entre moi et A., par exemple, c'était de savoir où on avait été tatoué. J'ai mis quarante ans à peu près pour savoir comment se sont passées les «marches de la mort», parce que justement par pudeur, par délicatesse, je ne voulais pas demander à ceux qui les avaient vécues d'en parler. Int. : Etais-tu fréquemment sollicité de l'extérieur pour parler ? P.H. : Non, on ne m'a presque jamais sollicité.  Je crois que c'était par pudeur.  Je crois qu'ils avaient peur d'apprendre d'une part et qu'ils voulaient me ménager d'autre part.  Il y a eu un moment donné un désir total d'occultation. [...] Int. : Au-delà du besoin de se préserver et de préserver les autres (femme et enfants, familles des disparus, amis et connaissances), qu'est-ce qui pourrait expliquer l'absence de projet de transmission de la mémoire d'Auschwitz entre 1945 et les années 70 ? P.H. : On trouvait à ce moment-là que Breendonk suffisait amplement pour représenter la déportation et la résistance en Belgique.  On n'avait pas tellement besoin finalement  de mettre en exergue Auschwitz et ce que cela représentait réellement. Je n'avais pas envie d'en parler car je trouvais que ça faisait partie de la résistance, de ma combativité et que je voulais me tenir en réserve, c'est tout.  J'ai toujours eu cet esprit de réserve.  D'ailleurs la plupart des déportés qui étaient des résistants ont très peu raconté des histoires, ils ont très peu parlé. Quand A. s'est en occupé, j'ai été un de ceux qui ont refusé d'être interviewé parce que cela m'était extrêmement déplaisant.  J'ai opposé le même refus à la résistance puisque j'avais été résistant avant et qu'on me demandait aussi mes souvenirs de résistance.  Mais je trouvais que non.  Là, c'était pour d'autres motivations.  Je trouvais que si on avait encore peut-être à faire de la résistance - et je n'excluais pas cette éventualité - il valait mieux ne pas commencer  à raconter et dévoiler tous ces secrets»[207].

Et plus loin, l'interviewer, malheureusement sans citer tout le texte, confirmera l'évolution : «Il ressort clairement  de ce premier tour de table qu'en ce qui concerne Paul Halter au moins le projet de témoigner et de transmettre n'existait pas au lendemain de la guerre.  Lorsque nous lui avant demandé à quand il faisait remonter son émergence et les motifs qui l'avaient déterminé à entreprendre un travail d'information et de conscientisation, il a cité pêle-mêle une série d'événements tels que la résurgence du nazisme, la reconstitution du Comité International d'Auschwitz, le premier voyage de jeunes à Auschwitz, et la découverte stupéfaite de l'ignorance en laquelle ils se trouvaient, la provocation de Faurisson et de sa clique ... Le projet date par conséquent des années 70 et il ne correspond apparemment à aucune nécessité interne»[208].

En effet, dans sa conclusion, Paul Halter justifiera : «Je cherche - nous cherchons à la Fondation Auschwitz - à prévenir les gens contre un avenir qui pourrait être aussi mauvais que ce sue nous avons vécu alors que d'autres ne souhaitaient qu'une chose, c'est de faire que le souvenir reste simplement. Int. : Il faut une mémoire critique ? P.H. : En quelque sorte, oui; une mémoire résistante»[209]

Cette attitude est confirmée par l'entretien avec D. Lachman qui résume très clairement la situation : Interviewer : «Quelles étaient les préoccupations et les activités de ces organisations constituées ou reconstituées dans l'immédiat après-guerre ?» D.Lachman : «Dans les comités que je fréquentais, on parlait des problèmes de la résistance, des problèmes de revendications, des problèmes de tous les jours, de la situation dans le pays, de la situation internationale.  Moi, par exemple, je n'ai jamais voulu adhérer à la Confédération Nationale des Prisonniers Politiques parce qu'elle s'est toujours cloisonnée uniquement dans les revendications matérielles, dans le sens du pognon à ramasser. Quand tu parlais de ce qui se passait à l'étranger, des dangers qui renaissaient à gauche et à droite, on te fermait ton clapet et on te disait tout simplement que ce n'était pas nos oignons.  Cela allait tellement loin dans les organisations de prisonniers politiques qu'ils ont oublié qu'ils avaient eux-mêmes été des résistants.  C'était cette mentalité qui nous côtoyait tous les jours. Int. : Aucune de ces organisations - même les plus politisées - n'a considéré la possibilité ou la nécessité de transmettre votre expérience spécifique de rescapés des camps de concentration et d'extermination ? D.L. : Non. A cette époque, on ne parlait pas des camps de concentration.  On ne parlait pas de ce que nous avions vécu.  Moi-même, je parlais de la résistance mais très peu des camps. Int. : Pourquoi ? D.L. : Parce qu'à ce moment-là, il n'y avait pas ce vaste mouvement d'extériorisation de la mémoire.  Ce n'était pas encore organisé.  Il n'y avait pas encore besoin de créer une Fondation Auschwitz.  on n'avait pas la même mentalité que maintenant. Int. : Même dans les Amicales d'anciens concentrationnaires ? D.L. : Oui.  Je faisais partie de plusieurs Amicales mais il ne m'arrivait pas souvent de parler de ce qui s'était passé dans le camp.  Ce n'était pas encore le moment où la mémoire devait se transmettre. Int. : Pourquoi ? D.L. : Parce que c'était tellement inimaginable que nous n'arrivions pas nous-mêmes à croire ce qui s'était passé.  On se disait que cela ne valait pas la peine d'être raconté car on ne nous croirait pas.  On était devenu pudique.  On avait peur d'incommoder les gens avec toutes ces choses-là.  Et de toutes façons, personne pour le croire. [...] Int. : Maintenant tu sens ce besoin et pourtant tu n'es pas moins modeste ? D.L. : Oui.  Je le dis sans vantardise.  Ce sont des choses qu'il faut dire.  Je dis maintenant qu'il faut les dire.  Je ne l'ai pas fait en 46-47.  Il a fallu tout un temps avant que je me rende compte qu'il était grandement temps de parler de ces choses-là. Int. : A partir de quand ? D.L. : C'est difficile à dire. En ce qui me concerne, c'est à la naissance de la Fondation que je me suis franchement lancé dans le bain. Int. : Qu'est-ce qui t'a motivé ? D.H. : Je me sens vieillir et je me dis que je n'en ai plus pour longtemps, que ma mémoire disparaît et qu'il est temps d'en faire état.  En 46, les idées étaient beaucoup trop fraîches; maintenant, il faut faire un effort sur soi-même.  On ne se sent pas vieillir.  Le temps passe sans qu'on y attache trop d'importance.  Avant on s'imaginait que ce n'était pas nécessaire.  Il n'y avait pas encore la recrudescence de l'antisémitisme mais suite à la situation internationale, à la renaissance du fascisme, à l'émergence du néo-nazisme, on se rend compte qu'il est temps, qu'on a perdu des années, qu'il faut parler aux gens et leur expliquer ce qui s'est réellement passé dans les camps de concentration. Int. : Penses-tu que les gens sont davantage disposés à vous croire aujourd'hui que hier ? D.L. : Dans ce domaine-là, ils ont très fort évolué.  Je crois que maintenant ils sont aptes à comprendre, il leur est plus facile d'écouter.  Au commencement, on aurait pu être incrédule et ne rien croire de ce que nous racontions mais avec le temps les gens se sont rendus compte qu'il s'est effectivement passé quelque chose, que ça a vraiment existé et ils ont cherché par tous les moyens à aller au fond des choses et à comprendre.  C'est une des raisons pour lesquelles nous parlons davantage. Int. : Maintenant que la nécessité de parler est reconnue d'une part et que les autres sont disposés à croire d'autre part, penses-tu pouvoir tout dire, tout communiquer ? D.L. : En prenant les choses comme elles sont passées dans leur ensemble, tout est communicable, à condition qu'on veuille le dire.  Je ne comprends pas que l'on ne puisse rien raconter des choses qui se sont affectivement passées.  Je ne crois pas qu'il y ait ce qu'on peut dire et ce qu'on ne peut pas dire.   Je crois que tout est traduisible et on peut parler de tout puisque c'est la vérité.  Il n'y avait pas de secret.  Tout s'est passé en plein jour.  La vie qu'on menait dans le camp était la même pour tous»[210].

Nous voyons donc que le changement dans l'attitude de l'Amicale face au souvenir de la déportation et ses activités directement liées  (ce qui constitue en fait l'histoire de l'Amicale) n'est que le reflet de l'évidence de l'attitude générale du public et des milieux liées à la déportation.

 

 

 


Notes

[1]  Le voyage des jeunes de 1978, la reconstruction à posteriori du voyage de 1978 (voyage politique et voyage de la mémoire), bilan du voyage des jeunes, le voyage des enseignants de 1980, bilan du voyage des enseignants (bilan sentimental, des accompagnateurs, pédagogique)

[2]  Voir Aux origines de l'Amicale des Ex Prisonniers politique Auschwitz Birkenau, camps et prisons de Silésie.  Quelques coupures de presse (1946-1947), dans Bulletin trimestriel de la Fondation Auschwitz, Bruxelles, N° 16, décembre 1987

[3]  N'oublions pas les «trous» non expliqués dans les archives.  Essentiellement pour la période précédent la présidence de M. Altorfer (1956)

[4]  Date où l'on dispose de documents

[5]  Il est presque certain que d'autres voyages ont eu lieu, mais les documents ne nous permettent pas d'autres précisions.

[6]  Circulaire aux membres de l'Amicale, Bruxelles, [1958-1959].  Le mot pèlerinage est toujours utilisé à chaque préparation de voyage. [VOYAG55-1]

[7]  Lettre de M. Altorfer à H. Fedorowski Gotkrys (Wroclaw), Bruxelles, 15/7/1966. [VOYAG66-16]

[8]  Lettre de M. Altorfer à H. Fedorowski, op. cit..  Cette habitude durera même après 1978 ou les étudiants - professeurs accompagnants sont convies a ces cérémonies

[9]  Circulaire aux membres de l'Amicale, op. cit. [VOYAG55-1]

[10]  Deuxième quinzaine du mois d'août.  Voir les documents sous référence [VOYAG61]

[11]  Circulaire aux membres de l'Amicale, Bruxelles [mars] 1961 [VOYAG61-3]

[12]  Du 7 au 16 avril 1965. Voir les documents sous référence [VOYAG1965]

[13]  Lettre de l'OPTB à P. Halter, Bruxelles, 26/3/65 [VOYAG65-8]

[14]  Voir les dizaines d'associations générées par la deuxième guerre qui ne sont plus que des fantômes sans aucune représentativité, tant soit peu  qu'elles en aient eu.

Voir pour cela le Répertoires des associations fédérations guerre 14/18-40/45 publiée par la Service d'étude, de documentation et de relations publiques de l'Institut des invalides de guerre anciens combattants et victimes de guerre.

[15]  Du 17 au 31 août  (voyage de 15 jours en autocar) ou du 19 au 25 août (voyage en chemin de fer). Itinéraires des voyages en Pologne, Bruxelles, [juin-juillet 1966] [VOYAG66-23]. Voir les documents sous référence [VOYAG66]

[16]  Lettre de la CNPPA à M. Altorfer du 25/11/65, 10/12/65, 26/2/66 [VOYAG66-1/3/7]

[17]  Circulaire, Bruxelles, [oct.] 1966, [VOYAG66-27]

[18]  Lettre de M. Altorfer à L. Alcan, Bruxelles, 11/2/75

[19]  Voir le chapitre «changement de la philosophie de l'Association»

[20]  Ce s'est avéré efficace.  En effet, la «relance» des jeunes ayant participé au voyage pour obtenir leur participation à une manifestation contre la résurgence du nazisme (Cologne 1977) a reçu 50 % de réponses positives [Rapport d'activité de l'Amicale Belge des Ex Prisonniers politiques d'Auschwitz à l'assemblée générale du CIA, 2-6 octobre 1980

[21]  PV de la réunion du 29/6/76 du Comité de l'Amicale, (première réunion), [Procverb 28]

[22]   «Nos activités se sont fortement réduites. La raison en est la fatigue [...] et avouons-le aussi quelque peu le découragement, l'impression de tourner en rond expédiant les affaires courantes, c'est-à-dire les différentes représentations auxquelles nous avons l'habitude de participer»

Circulaire aux membres de l'Amicale, Bruxelles, 10/3/76 [Procverb 23]

[23]  Voir tous les procès-verbaux des réunions du comité exécutif et du comité restreint de l'amicale du 14 décembre 1976 [Procverb29] au 11 octobre 1978 [Procverb117].  Tout y est (souvent en forme télégraphique) répertorié.  C'est certainement par le biais d'une administration très bien organisée que le nouveau comité cherche, si pas une légitimité (qu'il a obtenu à l'assemblée générale du 13/6/76). Mais, une preuve de son efficacité [confirmée par l'Assemblée générale du 29 janvier 1978 qui le réélit à l'unanimité.

[24]  L'excellent état des archives et plus particulièrement la réalisation systématique de PV structurés facilitent notre travail.  Avant 1976, les PV semblent être des reliquats d'archives disparues. Après 1976, la volonté de «laisser des traces» est très claire.  C'est encore un indice de la nouvelle volonté de «sauvegarde de la mémoire» dont ce travail et le colloque sont les aboutissements.

[25]  A l'exception du 9/2/77 ou le PV comporte un sous-titre «Voyage des jeunes à Auschwitz» avec sous rubrique la question des subsides à obtenir aux administrations communales bruxelloises.

[26]  Lettre aux membres de l'Amicale, Bruxelles [avril] 1977. [Procverb68]

[27]  Lettre de P. Halter au Ministre de la santé publique De Saegher, Bruxelles, 8/3/1977 [VOYAG78-51]

[28]  Lettre de H. Goldberg (secrétaire) à M. Hicter, Directeur générale de Ministre de la culture française, Bruxelles, 6/1/77.  Une lettre non datée, certainement à destination d'institutions amies ou à solliciter reprend le même thème (la renaissance du fascisme), mais précise «la lutte permanente contre le fascisme et le racisme de l'Amicale»

[29]  Programme de la soirée de gala «Affiche rouge», 11/5/77 [VOYAG78-33]

[30]  Demande de souscription envoyée aux membres de l'Amicale, introduction, s.d. [VOYAG78-1]

[31] Lettre de P. Halter aux membres de l'Amicale, s.d. [1977] [VOYAG78-8] - H. Goldberg plus tard reprendra l'idée dans sa correspondance avec H. Simonet «Dans le cadre  de sa lutte contre la renaissance du fascisme qui vise en particulier la jeunesse et dont la mauvaise foi va jusqu'à nier l'existence passée dans les camps d'extermination [...]» - Lettre de H. Goldberg à H. Simonet, Ministre des affaires étrangères, Bruxelles, 15/2/78

[32]  Le tirage au sort a lieu le 31/3/78 dans la salle de milice de l'Hôtel de ville de Bruxelles (14 h) -  Lettre de P. Van Halteren (Bourgmestre) à P. Halter, Bruxelles, 30/3/78

[33]  Discours de P. Halter lors du tirage au sort des participants au voyage, Bruxelles, (Hôtel de Ville - Salle des milices), 11/3/78, 11h

[34]  L'Affiche rouge : film français de 1976 (90') : réalisé par Franck Cossenti et interprété par Roger Ibanez, Pierre Clémenti, Maïa Wodeska et LAzlo Szabo. L'«Affiche rouge» apposée sur les murs de Paris durant l'occupation portait les noms des résistants du «Groupe Masouchian».  Le film retrace le rôle de ces résistants.

[35]  Pour premières démarches, contact, et organisation des projections de films et de la conférence d'H. Guillemin, voir les documents [Procverb 46-48-53-56-59]

[36]   Voir les documents

[37]  Voir les documents [ACTSOPO 11-32]

[38]  Lettre de P. Halter à MS Petry De Thozee, Bruxelles, 11/3/77 [ACTSOPO15]

[39]  Cette volonté d'amplifier ses actions en profitant de la notoriété de personnalités ou en obtenant leur cautionnement plus ou moins enthousiaste est la norme des origines de l'Amicale à nos jours

[40]  Lettre de Pety  de Thozee (secrétariat Henri Guillemin) à H. Goldberg, Waterloo, 25/10/77

[41]  Circulaire aux membres de l'Amicale, Bruxelles, s.d. [10/1977]

[42]  Circulaire, op. cit.

[43]  Henri Guillemin et la renaissance du nazisme dans Le Courrier de l'Escaut, Tournai, 16/11/77 - voir aussi l'annonce de la conférence dans Henri Guillemin à l'auditoire P.E. JANSON de l'ULB dans Le Peuple, Bruxelles, 12/11/77 (où le titre de la conférence est annoncé «Le fascisme français depuis 1914» et dans Un peu de civisme ... dans Saint-Gilles, ma commune, Saint-Gilles, 27/11/77, p.3 où on reprend intégralement la circulaire annonçant aux membres la conférence mais en éclipsant le sigle «triangulaire - tête de mort» de l'Amicale.

[44]  Voir les documents sous catégorie [VOYAG78] et [PROCVERB77-78]. Le voyage dû être couvert par un budget d'1.500.000 ventilé : frais d'organisation (7.000), autocars en Belgique (15.300), avion vers la Pologne et retour (475.080), autocars en Pologne            (100.000), frais de séjour en Pologne (95.564), Hôtel en Pologne (549.612), Frais de réception en Pologne (50.000), fleurs et couronnes (20.000), frais de visa (40.000)

Lettre de P. Halter aux membres de l'Amicale, Bruxelles, s.d. [Procverb94] - Lettre de P. Halter à G. Waternaux (inspecteur général Ministre de la santé publique et famille, Bruxelles, 15/12/78 [VOYAG78-930]

[45]  Notons qu'une partie de ceux-ci ne seront pas sélectionnés par tirage au sort, mais choisis et financés par des groupes sociopolitiques sollicités.  Certaines communes choisiront également quelques jeunes dans les élèves des écoles qu'elles subventionnent.

[46]  Le communiqué sera publié le 16/2/78 par Le Soir, Le Drapeau rouge, Le Courrier et RTL.  Voir les coupures de presse [VOYAG78-108].

[47]  Communiqué de presse  de l'Amicale Belge des Ex-Prisonniers Politiques d'Auschwitz-Birkenau. Camps et prisons de Silésie, s.d.

[48]  Seules 49 des 400 candidatures ne se retrouvent pas dans les archives de l'Amicale.

[49]  Lettre de T. Seghers, Bruxelles, 15/2/1978

[50]  Lettre d'Y. Nozeret, Linkebeeck,17/2/78

[51]  Lettre de P. Berrens, Bruxelles, 15/2/78.

[52]  Lettre de PF. Moreels, Bruxelles, 28/2/78 - une autre lettre sera même écrite par une étudiante dont l'examen de maturité aura Auschwitz pour thème - Lettre de S. Blasutia, Namur, 10/3/78.

[53]  Lettre de P. Lorphevre, Bruxelles, 20/2/78

[54]  Déportés juifs ou non, résistants, grands-parents conteurs

[55]  Souvent ces lettres sont étranges. 10 d'entre elles (semblables) envoyées par un groupe d'étudiants de la région namuroise, sans doute une classe, affirment brutalement «Ayant constaté que vous organisez un pélérinage témoin à Auschwitz [...], c'est avec plaisir que j'irais en Allemagne, si mon nom était tiré au sort» Lapsus excusable, sauf si l'initiative vient d'un professeur de leur établissement

[56]  Le sort ne sera favorable qu'à un seul des deux candidats, pas nécessairement celui qui aura poussé le plus loin la réflection.

[57]  Lettre de ASG, Dison, 15/2/78

[58]  Lettre de F. Miessen, Verviers, 27/2/78

[59]  Lettre de J. Latir, Marchin, 16/2/78.  Cette justification à la candidature n'est pas seule, elle suit une autre plus originale qui prouve l'importance du milieu dans le choix d'un individu : «Je suis élève de rhétorique à l'Athénée Prince Baudouin de Marchin, école dont auparavant l'accès était réservé par priorité aux enfants de prisonniers et de résistants [...]. L'école est demeurée très longtemps imprégnée de la notion de service au pays et les vertus patriotiques y ont été souvent exaltées.  J'ai vécu six ans dans cette école et j'en suis fière».

[60]  Lettre de R. Boumann, Bruxelles, 16/2/78.  Il poursuit «La vague croissante de tout ce qui évoque le fascisme est pour moi, plus qu'un monde macabre et abject» Il fait sans doute allusion aux problèmes de la vente d'objet et de jouets nazis au vieux marché.

[61]  Lettre de J.R., Bruxelles; 20/2/78

[62]  Ce qui a permis certainement de passer au stade suivant de l'évolution : la création de la Fondation Auschwitz et surtout sa reconnaissance en tant que «service général d'éducation permanente» n'a été rendu possible que par la reconnaissance de la capacité de l'Amicale Fondation à organiser des actions de grande envergures avec des motivations sérieuses. C'est la simple application du proverbe «On ne prête qu'aux riches» : les subsides donnés par l'Institutionnel à l'Amicale puis à la Fondation  permettant des actions scientifiques ou philosophiques plus ou moins importantes n'ont été accordées qu'à partir de la démonstration que les crédits sont bien employés.  Le voyage de 1978 sous forme d'une opération «coup de poing» a été un déclencheur  qui a amorcé la pompe subsidiaire (essentiel pour toute action) en démontrant un certain savoir faire.

[63]  Manuscrit/brouillon de la circulaire d'invitation (sans destinataire) , Bruxelles, 13/3/78

[64]  Sur «La tragédie de la ville de Varsovie» [«Varsovie quand même»] de Yannick Bellon (?) et sur «Le camp de concentration d'Auschwitz»

[65]  Circulaire aux jeunes, Bruxelles, 13/3/78

[66]  «Si vous êtes empêché(e) de venir le 20 mars, veuillez prévenir le Président par lettre ou par téléphone [...], faute de quoi nous considérerons que vous ne maintenez pas  votre candidature.  En tout état de cause, la demande de visa, 2 photos et l'autorisation parentale légalisées par la commune si vous n'avez pas 21 ans doivent être en notre possession le 21 mars à 18 heures au plus tard» - Post-scriptum à la circulaire, Op. cit.

[67]  Manuscrit, Bruxelles, Op. Cit

[68]  Se sont excusés sans envoyer de représentant : Bourgmestre de Bruxelles, Ixelles, Cabinet du Roi, Ministre de la santé publique, Ministre de la fonction publique, Ministre de la défense nationale, Président du PSC, Directeur général de la RTBF, Ministre de la culture française.

Liste manuscrite Excuses, représentés par, venus, s.d., [agrafé au manuscrit/brouillon], op. cit

[69]  L'exploitation par les médias contredira cette impression

[70]  Claude de Goulard, Auschwitz et les jeunes, dans Le Soir, Bruxelles, 22/3/78.  Dans son introduction, l'article reprendra la justification du voyage : «Quatre-vingts jeunes Belges désignés par titrage accompliront bientôt un voyage qui fera d'eux des témoins auprès d'un trop grand nombre de garçons et de filles de leur âge, pour qui l'horreur des camps de la mort et les abominations du nazisme ne sont guère qu'une abstraction quand des versions adroitement édulcorées ou franchement mensongères ne viennent pas leur en donner une image presque anodine»

[71]  Partants de 16 ans (17), 17ans (14), 18 ans (14), 19 ans (12), 20 ans (15), 21 ans (10), 22 ans (9), 23-24 ans (16) - non identifié (16) - accompagnateurs (déportés, journalistes, ...) (19)

Liste des participants (départ par le vol LOT - départ avion militaire) Liste dactylographiée avec adresse, âge et répartition

[72]  Non identifié (17) - accompagnateurs : Brabant 28 (dont Bruxelles 27, Hainaut (2) liste des participants, op. cit.

 [73]  «Le soir de ce même jour, les invités se sont rencontrés avec les anciens déports et dirigeants du comité de la Vaevoski de Cracovie : l'astovide (ministère des anciens combattants et déportés»

[74]  Document manuscrit «Manifestation contre le fascisme et la guerre des combattants d'Auschwitz», non signé et non daté.  Ce document a dû être rédigé par un participant polonais à la rencontre (syntaxe parfois étrange, orthographe des noms phonétique,...) et a du servir à un discours ou à un communiqué de presse

[75]  «Ils ont témoigné comment ils ont été touché et choqué à ce qu'ils ont vu dans le camp d'Auschwitz.  Les crimes inhumains qui ont été commis.  Les représentants des jeunes belges nous ont dit qu'ils vont faire tout ce qu'il est possible pour que plus jamais ne renaissent les camps de concentration dans le monde» - Document manuscrit, op. cit.

[76]  Document manuscrit, op. cit.  Pour pondérer ce propos notons que dans le même texte, il met aussi l'accent sur l'aspect «mémoire» et jeune relais, voir plus loin

[77]  Rapport de L. Kruger, adressé à P. Halter et destiné à la presse, Bruxelles, 18/4/78

[78]  Dépêche agence PAP (Polska Agencia Prasaure) à l'Agence Belga, Varsovie, 5 avril 1978 (Hommage belge aux victimes de l’hitlérisme)

[79]  Document manuscrit, op. cit.

[80]  Rencontre avec les pèlerins de la paix japonais et marches anti-atomiques en mars 1963

[81]  Lettre de DD aux candidats malheureux du tirage au sort, Bruxelles, 14/4/78

[82]  Lettre de P. Halter à M. Caroel, Bruxelles, 18/4/78

[83]  Compte-rendu de l'Assemblée générale du 18/3/79, Bruxelles, 17/4/1979 [Procverb 133]

[84]  Réunion de mercredi 12/4/78 des accompagnateurs de l'Amicale Belge des Ex-PP d'Auschwitz [VOYAG78-290]

[85]  Entretien téléphonique avec René Raindorf, août 1992

[86]  Procès-verbal de la réunion du 27 septembre 1978, [Procverb 115]

[87]  Pour les voyages des enseignants de 1980, voir tous les P.V de réunion de l'Amicale du 27/9/78 (???) jusque la date du voyage (voir plus haut ???????)

[88]  Procès-verbal de la réunion du Comité élargi de l'Amicale, Bruxelles, 4/1/79

[89] Lettre de H. Goldberg à G. Kudel, Secrétaire d'Etat,, Ministre des affaires bruxelloises, Bourgmestre de Saint-Jost, Bruxelles, 21/2/80

[90] Cela suivi d'une demande d'argent.  Demande de parrainage adressée aux membres de l'Amicale, Bruxelles, [mars 1980]

[91]  Lettre de H. Goldberg, secrétaire aux rédacteurs en chef, Bruxelles, s.d.

[92]  Communiqué de presse «Voyage d'étude pour enseignants à Auschwitz, [VOYAG80-15]

[93]  Procès-verbal de la réunion du comité élargi du 23/4/80 de l'Amicale d'Auschwitz, [Procverb 150].  Ces 5 participants non enseignants sont certainement les rares inscrits au projet de «pèlerinage à Auschwitz à l'occasion du trentième anniversaire de la libération des camps». Comme en 1978, où un voyage parallèle avait été organisé, il semble que l'Amicale ait voulu également prévoir un pèlerinage (et plus un voyage d'étude) entre déportés ou entre personnes sympathisantes.  Mais, si l'on en croit les procès-verbaux, seules 6 personnes sont inscrites et l'Amicale, pour limiter les frais a décidé de les intégrer au groupe des enseignants.

[94]  Programme du voyage des enseignants à Auschwitz, [VOYAG80-4]

[95]  André Wilmotte, Ixelles, 17/4/1980 [VOYAG80-149]

[96]  Lettre de P. Halter aux participants professeurs du voyage de 1980, Bruxelles, 14/4/1980

[97]  Réunion du comité élargi du 23/4/80 de l'Amicale d'Auschwitz, Bruxelles, 23/4/80 [Procverb150)

[98]  Nous n'avons malheureusement pas pu savoir s'il avait été publié

[99]  Lettre de R.N. aux rédacteurs, Bruxelles, 26/5/1980

[100] Lettre de Maguy B, Braines, 14/4/80, [VOYAG80-146]

[101] Lettre de H.M. à Paul Halter, Bruxelles, 19/4/1980

[102] Lettre de F.D.V. à l'Amicale, Chatelineau, 24/5/1980

[103] Lettre de l'Institut Médico-Pédagogique REUMONJOIE de Malone à l'Amicale, Malone, 20/10/1980

[104] Aucun document ne confirme cette affirmation

[105] Rapport d'activités de l'Amicale belge des Ex-PP d'Auschwitz à l'Assemblée générale du Comité International d'Auschwitz, Bruxelles, 5 au 6 octobre 1980 [PROCVERB 246] - Les documents ne laissent aucune trace de cette rencontre

[106]  voir le chapitre «Changement dans le philosophie de l'association»

[107]  voir le chapitre «Appellation de l'Amicale, un reflet des choix»

[108]  Pour l'histoire du site d'Auschwitz, à partir de la libération des camps, voir l'article du sociologue Jean-Charles SZUREK, Le camp musée d'Auschwitz, de l'antifascisme comme paravent, dans Bulletin trimestriel de la Fondation AUschwitz, Bruxelles, janvier-mars 1990 (N° 23)

[109] voir le chapitre suivant

[110]  Rapport sur l'érection du monument présenté par l'équipe d'employés du musée d'Auschwitz [1957] [Actcom 29]

[111]  Rapport de Régine Orfinger-Carlin envoyé à René Van Hasselt et M. Langbein, Bruxelle, 21 mai 57. N'oublions pas que la question d'extraterritorialité qui sous-tend ce résonnement s'inscrit dans un contexte international tendu, dans un contexte international de guerre froide

[112]  Lettre de Herman Langbein, secrétaire général CIA, à Jules Wolff, président de la commission juridique de la ligue belge de défense des droits de l'homme au sujet (entre autres) de l'internationalisation du site d'Auschwitz, Viennes, 10/08/1957

[113]  Lettre de C. Duysburgh à E. Leburton, Bruxelles, 28/10/1957 [Actosom 36]

[114]  Lettre de Mariette Haltorfer à «Monsieur le Député», Bruxelles, 8 novembre 1957, [Actcom37]

[115]  Lettre de Mariette Altorfer à «Monsieur le Député», Bruxelles, 8 novembre 1957 [Actocom 37]

[116]  Lette de R. Van Hasselt à la presse, Bruxelles, 21/11/57 [Actcom38]

[117]  Lettre de K. Smolen à M. Altorfer, Oswiecim, 20/7/1962

[118]  Lettre de M. Altorfer à K. Smolen, Bruxelles, 21/8/62 [Actcom 41]

[119]  Lettre de M. Altorfer  à M. Custers, Bruxelles, le 8/11/62,[Actcom42]

[120] Ordonnance allemande, spoliation des biens juifs, transport du 16ème convoi de Malines vers Auschwitz, récapitulation des convois Malines-Auschwitz, persécution antisémite en Belgique, choix de documents individuels de juifs internés en Belgique et déportés à Auschwitz.

[121]  Nomenclature des panneaux, des photos et des documents relatifs à la résistance et à la déportation choisi dans le matériel figurant aux expositions de la vie concentrationnaire, Bruxelles, 8/11/1962, [Actcom42]

[122]  Tableau des statistiques déportation des israélites Malines Drancy, ... , Mala ZIMETBAUM et HERZ DOBZUNSKI, résistant juif, déportation israélites de Malines, déportation israélite de Drancy, lettre de l'inspecteur général au ministère de la santé publique et de la famille à Mariette Altorfer, Bruxelles, 5/6/63

[123]  Lettre du Baron J. Van den Bosch, secrétaire  général du Ministère des affaires étrangères et du commerce extérieur à Mariette Altorfer, Bruxelles, 5/7/1965

[124]  Lettre du Directeur général du Ministère des affaires étrangères et du commerce extérieur au Ministre de la Santé publique, Bruxelles, 9/3/67, [Actcom 65]

[125]  Lettre du Directeur général du Ministère des affaires étrangères et du commerce extérieur, op. cit.

[126]  Alfred Brochard, Les souverains Belges  à Auschwitz : émotion devant le courage et l'horreur, dans Le Soir, Bruxelles, 12/10/1977.  Voir également M.R., Les souverains belges se sont rendus à Auschwitz, dans La Libre Belgique, Bruxelles, 12/10/1977 + les photos de la rencontre [Actcom403] et [Actcom 404]

[127]  Lettre de H. Goldberg, secrétaire, à K. Smolen, Bruxelles, 17/10/1978              

[128]  Lettre de K. Ceule, directeur de l'administration pour la ministre des affaires étrangères à Paul Levy (associé avec P. Halter, Bruxelles, 24/11/1978  [Actcom 57]

[129]  Lettre de C. Ceule, Directeur de l'Administration pour le ministre  des affaires étrangères à Paul Halter, Bruxelles, 21/1/80, [Actcom 58]

[130]  P.V. du groupe de travail rénovation secteur belge  d'Auschwitz, réunion du 16/10/80, [Actcom 61]

[131]  Le terme mémorial n'est pas innocent

[132]  Discours de Maurice Goldstein au vernissage du mémorial d'Auschwitz, Bruxelles, 9/10/82 [Actcom 85]

[133]  Discours de Maurice Goldstein, op. cit

[134]  Présentation générale  du bloc belge de Auschwitz exposé au Palais des Congrés de Bruxelles du 9 au 21 octobre 1982,[Actcom 82]

[135]  Règlement du concours pour un monument international Auschwitz, [Act com 142]

[136]  Voir tous les documents [Actcom 145 à 199]

[137]  D'autres personnalités éminentes furent membres du comité international de patronage, tel que Niels Bohr (Danemark), Dimitri Chostakovitch (URSS), Carlo Levi (Italie), François Mauriac (France), Arnold Sweig (Allemagne)

[138]  Il est évident que ces informations statistiques doivent être vues commes des indications générales.  En effet : il peut nous manquer des documents perdus ou détruits, il peut nous manquer des documents non cédés à la Fondation, certaines actions de l'Amicale sont plus génératrices de documents, certaines activités ne laissent pas de traces (Téléphone, réunions informelles («entre amis» et sans P.V., ...). Néanmoins, une différence sensible dans le nombre de documents par année peut apparaître révélatrice d'un état de fait.

Il est nécessaire que la Fondation parte en chasse aux documents, surtout chez les membres actifs (et près de leur descendance s'ils sont décédés).

[139]  Nous ne tenons ici compte ni de l'année 1956, ni des années 1983-1990 car il est clair qu'il y a chevauchement entre archives purement Amicale et archives de la Fondation, son association fille

[140]  Rappelons qu'il n'y a pas de PV conservé entre 1961 et 1974

[141]  Convocation à l'Assemblée Générale du 24 octobre 1957, Bruxelles, 14 octobre 1957 [Procverb 1]

[142]  Convocation à l'Assemblée Générale du 5 février 1960, Bruxelles, 26 janvier 1960 [Procverb7]

[143]  On trouve aussi dans ce paragraphe complémentaire une invitation au «ravivage de la flamme du tombeau du Soldat inconnu»

[144]  «Histoire de l'Amicale» et «bilan d'activité».  Mais n'oublions jamais (aussi bien que pour les procès-verbaux, que pour les autres documents), que beaucoup d'actions sont annoncées ou prévues par des circulaires officielles, tracts ou évoqués dans des lettres personnelles mais peu, à l'exception de celle décrite dans le paragraphe «Bilan d'activité, reflet d'une orientation», sont suivies jusqu'au bout par les documents dont nous disposons.

[145]  Les activités sont comptabilisées une seule fois quelque soit le nombre de documents ou la durée de ses activités (ex. : 10 ans pour le projet Mémorial du Camp d'Auschwitz).

[146]  L'Amicale s'oppose à l'implantation de base allemandes (dans le cadre de l'OTAN), en Belgique.  Ce projet (concrétisé à Baronville) joue l'effet d'une muleta à une Amicale déjà fort anti-atlantiste

[147]  N'oublions jamais que si l'on en croit les fichiers et les listes retrouvées, l'Amicales n'a jamais compté qu'au maximum 170 membres (liste 1956 [?] : 155 inscrits, liste vers 1978 : 151 inscrits, fichier «carton» années 60 : 170 inscrits, fichier 1992 : 80 inscrits)

[148]  Voir les galas cinématographiques dans le chapitre «Bilan d'activités».

[149]  Procès-verbal de la réunion du 7 octobre 1975 [Procverb 17].  Le comité proposera même l'adhésion de l'Amicale au «Comité Chili».

[150]  M. Altorfer (1957-1976) - P. Halter (depuis 1976) - secrétaire (1965-1978) (remplacé par H. Goldberg.

[151]  Procès-verbal manuscrit du Comité de Silésie du 25 novembre 1975 [Procverb 19]

[152]  Circulaire envoyée aux membres de l'Amicale, Bruxelles, 10 mars 1976 [Procverb 23]

[153]  Lettre manuscrite d'A. MONCZYK, Bruxelles, 2 septembre 1976 [Statuts60]

[154]  Cette démarche conjure le grand fantôme des «jeunes ignorant leur passé»

[155]  Procès-verbaux effectifs (excluant les documents parallèles) et tenant compte des convocations dont nous n'avons pas les Procès-verbaux (et ne faisant donc pas double emploi) : 1976 : 14 / 1977 : 13 / 1978 : 19 / 1979 : 16 / 1980 : 30 / 1981 : 22 / 1982 : 21. Soit un peu plus d'une réunion mensuelle jusqu'en 1980 où la fréquence augmente - N.B. : plus 19 «rapports d'activités» (s.d. 8 - 1957 : 5 - 1960 : 1 - 1962 : 1 - 1967 : 1 - 1980 : 2 - 1985 : 1)

[156]  Circulaire du 1 juin 1976, Bruxelles, 1 juin 1976 [Procverb26]

[157]  Liste : Paul Halter : Président - Henri Goldberg : Secrétaire - Claudine Cougnet : Trésorière - Maurice Goldstein : Relations extérieures - Maria Kruszel : Relations intérieures - Aron Monczyk : membre - Jacques Rozenberg : membre - Richard Sufit : membre - Renée Van Hasselt : membre - Circulaire aux membres de l'amicale, s.d. [juin - août 1976] [Procverb32]                 

[158]  Compte rendu de l'assemblée générale du 13 juin 1976, [Procverb28]

[159]  Procès-verbal des réunions du comité exécutif de l'amicale du 12 janvier 1977 [Procverb59], du 6 octobre 1976 [Procverb46] et Procès-verbal du 16 novembre 1976 [Procverb 53]

[160]  Procès-verbal du 16 novembre 1976 op cit

[161]  Annexe au Moniteur belge du 31 juillet 1980.  FA. Bruxelles, n° d'identification 8010/80 [Statuts1]

[162]  Procès-verbal de la réunion extraordinaire du comité exécutif du 23 mars 1977 [Procverb65]

[163]  Lettre de R. Henri, Tourcoing, 24/3/1980 [Relassoc-3]

[164]  Lettre du Nederland Auschwitz Comité à l'Amicale, Diemen, 15/12/1977 [Relassoc-16]

[165]  Lettre de J. Borremans, Président National Amicale de Dachau à l'Amicale de Silésie, Bruxelles, octobre 1957 [Relassoc-28]

[166]  Lettre du Président de l'Association des Rescapés de Breendonck au Président de l'Amicale belge de Silésie, Courcelles, 20/10/1978

[167]  Lettre de H. Langbein à Renée Van Hasselt, Viennes, 24/8/1956 -  Programme de la réunion du secrétariat du Comité International Auschwitz pour 1956 [Relassoc-71].

[168]  Lettre à Renée Van Hasselt, 18/01/1957, [Relassoc-72]

[169]  Lettre de R. Van Hassels, Bruxelles, 15/4/1957, [Relassoc-76]

[170]  Circulaire aux membres de l'Amicale, Bruxelles, juin 1960 [Relassoc-104]

[171]  Circulaire aux membres de l'Amicale, op. cit

[172]  «Pour une indemnisation équitable par KRUP, le 23 décembre 59, un accord a été conclu entre la firme KRUP et la Kleimsconférence au sujet de l'indemnisation des anciens détenus des camps de concentration qui avaient été obligés d'accomplir un travail forcé pour les entreprises KRUP.  Nous recommandons à tous les anciens détenus d'Auschwitz et de Gross-Rosen qui avez été obligés de travailler dans les usines KRUPS de ces camps de déposer leurs revendications en donnant toutes les indications personnelles nécessaires : numéro de camp, commando [...].  Tous ceux qui désirent déposer ces revendications par l'intermédiaire de notre Amicale, sont priés de nous faire parvenir toutes les données nécessaires, ainsi qu'une procuration permettant de représenter leurs intérêts envers la firme KRUP» - Lettre de l'Amicale aux membres, Bruxelles, 1960, [Relassoc-104]

[173]  Constitution de comités nationaux de patronage, récolte de fonds pour l'érection du monument Auschwitz, rassemblement autour d'un groupe de personnes de toutes les opinions, de toutes les tendances.

[174] Lettre de R. Raindorf, R. Van Hasselt et M. Haltorfer au CIA, Bruxelles, 5/8/1959 [Relassoc-97]

[175] Organisation polonaise regroupant  touts les combattants et victimes contre le nazisme

[176] Compte-rendu de la réunion du comité directeur du CIA, Moscou, 1962 [Relassoc-127]

[177] Rapport de la réunion du comité directeur du comité international Auschwitz, Moscou 1962, p. 7-8

[178] Rapport de la réunion du comité directeur du CIA, Moscou, 1962, p. 14

[179] Lettre de la secrétaire de l'Amicale au Camarade RAWICZ, secrétaire général du CIA, Bruxelles, 15 juillet 1963, [Relassoc 136]

[180] Crise de Cuba (octobre 1962)

[181] René Raindorf, élu représentant belge à la direction du CIA lors de la réunion tenue à Varsovie le 16 avril 1962, s'est vu refuser un visa pour se rendre à la réunion du comité directeur du CIA à Moscou.  Ses prises de position fort peu orthodoxes et ses sympathies pour l'«expérience chinoise» ont certainement poussé les autorités soviétiques à utiliser des moyens  particulièrement tarabiscotés pour l'empêcher de se rendre à la réunion de Moscou

[182]  Note aux membres du Comité de l'Amicale.  Objet : cession de la direction du CIA à Moscou, refus de visa, par R. Raindorf [Relassoc-137]

[183]  Lettre de M. Altorfer, P. Halter et M. Goldstein au secrétariat  du comité international d'Auschwitz, Bruxelles,  19 décembre 1968

[184]  «Avant de vous exposer les décisions de notre comité, je dois vous dire que tous nous voulons que notre CIA vive et poursuive inlassablement le bon combat, comme nous tous dans nos pays respectifs. C'est d'ailleurs dans un but constructif que nous désirons que cette réunion du comité directeur du CIA soit une réunion plénière, regroupant tous les membres élus.  La discussion sur l'ordre du jour proposé me paraisse capital pour l'avenir de notre organisation internationale.  Disons notre organisation et j'espère que nos camarades polonais comprendront qu'il ne s'agit en aucune manière de se saisir du CIA, mais le CIA est notre affaire à tous, Anciens d'Auschwitz.» -  Lettre de M. Altorfer, P. Haler et M. Goldstein, op. cit

[185]  Lettre de M. Altorfer, P. Halter et M. Goldstein au Comité international Auschwitz, op.cit.

[186]  Lettre de F. Rausch, Amicale autrichienne des anciens d'Auschwitz, M. Goldstein, amicale de Silésie, L. Alcan, amicale des déportés d'Auschwitz et W. Krumme, comité des anciens d'Auschwitz, RFA au comité International Auschwitz, Bruxelles, 21-22 novembre 1970

[187]  Rapport d'activité de la Direction du CIA - question organisationnelle dans Bulletin d'information du CIA, Varsovie, septembre-octobre 77, n° 9-10, (198-199), p.2

[188]  Discours du Docteur Maurice Goldstein, nouveau président du CIA à l'assemblée générale du 11/10/77

[189]  «l'urgence de relancer les activités de notre comité international est justifiée par l'impudence des nouvelles manifestations fascistes qui ce sont développées jusqu'à un niveau jamais atteint depuis la fin de la guerre [...] Allons-nous laisser tomber dans l'oubli le drame dantesque que nous avons vécu sous le nazisme ou allons-nous ensemble relever notre drapeau, clamer notre résolution unanime de lutte contre la renaissance des activités néonazies et d'entreprendre rapidement ce que tout le monde attend de nous»

[190]  Discours de Maurice Goldstein, Président du CIA à l'assemblée générale du CIA du 11/10/77

[191]  Commémoratives, politiques, culturelles et historiques

[192]  L'appellation «pirate» la plus utilisée (Amicale Belge des ex-prisonniers politiques d'Auschwitz Birkenau -32 fois) se rapproche sensiblement des appellations officielles.  La déformation peut s'expliquer par des raisons «administratives» (réduction d'adresse) ou mentales (mémoire de l'essentiel et du très connu : Auschwitz plutôt que Gross-Rosen).  Les autres qualificatifs ne dépassent pas les dix unités (Amicale des prisonniers politiques de Silésie) et souvent inférieurs à cinq unités.

[193]  Auto appellations données par l'Amicale à l'un de ses documents (procès-verbaux, circulaire, courrier, invitation, manuscrits ou non)

[194]  L'apparition d'une de ces appellations sur en-tête n'exclut pas sa présence dans le corps d'un document courrier.

[195]  Sur procès-verbal manuscrit destiné à être reproduit et dans le corps d'un document courrier.

[196]  Sur l'en-tête du discours pour les funérailles de Claire Duysburgh.

[197]  Sur un carton d'invitation réalisé par l'Amicale

[198]  La question des camps annexes s'ajoute à celle du «conflit» Silésie Auschwitz, sans parler de Birkenau qui ne forme qu'un avec Auschwitz.

[199]  Attention de nouveau aux lacunes certaines du fond, surtout dans les premières années.

[200]  Ce tableau ne prend en considération que les appelations à en-tête d'au moins 6 documents : I : en-tête imprimée, D : en-tête dactylographiée

[201]  Tout en évacuant les noms des autres camps qu'Auschwitz.

[202]  Quels sont les buts des deux parties, la question de la «récupération», Auschwitz site universel d'extermination ou site d'extermination appartenant au peuple juif ? De là, une série de questions concernant l’Amicale, quelle est la conception politique et/ou des membres (pourquoi ont-ils été arrêtés ?), attitude de l'Amicale face au problème du Proche-Orient et à l'Etat d'Israël, ...

[203]  La présidente, M. Altorfer n'est pas juive.  Voir son attitude à ce propos dans l'interview  publiée dans le Bulletin n° 29

[204]  L'Amicale s'oppose, comme les autre associations de résistants à la «racialisation» des tombes (réelles et symboliques) de l'Enclos des fusillés du Tir National «En effet, à cette époque, il nous fut révélé que Mr. KATZ, président d'une Fédération d'Anciens Combattants Juifs, s'était arrogé le droit de remplacer, sous le fallacieux prétexte d'«appartenance», les croix marquant les tombes de tous n os camarades fusillés par les nazis, par des étoiles de David, sur 16 d'entre-elles.  Ces modifications importantes ont été apportées avec l'autorisation du ministère de l'Intérieur dont la bonne foi a été surprise par les déclarations mensongères de Mr. KATZ; de plus, ceci a été accompli sans consultation d'aucune des familles intéressées, d'aucune des organisations patriotiques. Sur les 16 tombes modifiées, 9 ont été remises en leur état primitif suite aux réclamations des familles indignées, mais, il en reste encore 7 pour lesquelles une protestation devrait être élevée. Nous, Amicale des ex-prisonniers politiques de Silésie, pensons que le cimetière du Tir National étant un lieu de pélerinage, un haut lieu de la souffrance appartenant à la Nation toute entière, doit rester intangible comme il fut créé avec l'accord de toutes les familles unies, il y a 28 ans. Par conséquent, nous estimons qu'il est de notre devoir d'alerter les organisations patriotiques afin qu'elles s'élèvent contre les menées inqualifiables de personnes utilisant nos morts à des fins partisanes.» - Lettre de M. Altorfer à Messieurs DISPY et HOSTE, présidents du Front de l'Indépendance Confédération M.P. - P.A., Bruxelles, 28/10/1972

[205]  Le travail a été rédigé APRES les interviews de P. HALTER (25/1 et 13/2/90) , David LACHMAN (23/1 et 8/2/90), J. ROTENBACH (22-28/5 et 13/6/90), S. GOLDMAN (29/10- 6/11/90 et 9/1/91), R. VAN HASSELT, B. SOBOL , M. LIPSTADT, B. NOHMOS, S. GOLDBERGet M. ALTORFER (27/6/90 - 18/7/90 -24/7/90) -  Voir les très intéressants interviews des anciens de l'Amicale qui complètent les propos de ce travail dans Bulletin trimestriel de la FA, Bruxelles, n° 24 et suivants, avril/septembre 1990 et suivants,

[206]  Interview de M. Altorfer, dans Bulletin trimestriel de la Fondation Auschwitz, Bruxelles, N° 25-26, octobre - décembre 1990

[207]  Interview de Paul Halter, dans Bulletin trimestriel de la Fondation Auschwitz, Bruxelles, N° 23, janvier-mars 1990

[208]  Interview de Paul Halter, op. cit.

[209]  Interview de Paul Halter, op. cit.

[210]  Interview de David Lachmann, dans Bulletin trimestriel de la Fondation Auschwitz, Bruxelles, N° 24, avril-septembre 1990